Situation économique de la France: 2013, 2014 et défi global

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Par Sylvain Fontan Publié le 15 janvier 2014 à 13h40

L'année économique 2013 de la France a plutôt mieux fini qu'elle n'avait commencé. Au final, malgré des déséquilibres persistants, ces derniers s'améliorent. En ce qui concerne 2014, une dynamique de reprise est envisageable même si elle restera lente, faible et conditionnée. Enfin, globalement, les défis demeurent très importants dans un contexte où la création de richesse par habitant est insuffisante pour sauvegarder le modèle social du pays.

2013 : moindre dégradation des déséquilibres financiers

Les échanges économiques et financiers avec l'extérieur s'améliorent. En effet, la balance courante, qui retrace l'ensemble de ces échanges avec le reste du monde, reste déficitaire de près de 35 milliards d'euros en 2013 mais elle s'améliore d'environ 10 milliards d'euros sur un an. L'amélioration souligne essentiellement la réduction du décalage conjoncturel entre la France et son environnement économique extérieur : les pays d'Europe du Sud ont stabilisé leur demande interne, l'Allemagne a accru la sienne, tout comme les pays émergents. Au final, tout cela concourt à accroître la demande globale adressée à la France via notamment les importations, ce qui favorise mécaniquement un rééquilibrage des échanges. Toutefois, notons que la France profite moins de cet environnement plus favorable que d'autres pays, à commencer par les pays du Sud de l'Europe dont les exportations tirent les bénéfices des efforts effectués depuis plusieurs années sur les coûts de production (notamment salariaux).

La structure des parts de marché de la France à l'international se stabilise. En effet, après une longue période de dégradation, l'amélioration de la balance courante s'aperçoit également au travers de la stabilisation relative des parts de marché sur le marché européen. Cependant, si la dégradation est stoppée en Europe, ce phénomène perdure sur les marchés extra-européens, et notamment sur les plus dynamiques d'entre eux (les pays émergents) où ce sont de nouveau essentiellement les pays d'Europe du Sud qui tirent avantage de leur nouvelle situation concurrentielle liée à leur compétitivité retrouvée.

Les déficits publics restent largement déficitaires malgré une amélioration. En effet, le déficit public de la France devrait avoisiner les 4,2% du PIB en 2013 contre 4,8% du PIB en 2012. Il convient de constater que ces niveaux sont toujours très éloignés de l'objectif de 3% de déficit. Au final, cela souligne d'une part une certaine maîtrise des dépenses publiques mais surtout un problème lié à la dynamique des recettes qui est très inférieure à celle attendue. En effet, il manque près de 10 milliards d'euros de recettes fiscales par rapport aux prévisions initiales. La raison est double : tout d'abord, (1) une surestimation initiale de la croissance économique de la part des autorités, et ensuite, (2) le faible rendement des impôts (-4% pour la TVA; -4% pour l'impôt sur le revenu; -7% sur l'impôt sur les sociétés) qui reflète d'une part, la panne de la consommation et de l'investissement, et d'autre part, le dépassement du seuil de tolérance à l'impôt des agents économiques à partir duquel la pression fiscale devient "déproductive". Ainsi, cela souligne clairement les limites d'une stratégie économique de réduction des déficits reposant quasi uniquement sur la fiscalité; ce qui impose de développer d'autres mécanismes pérennes de rééquilibrage des déficits.

2014 : vers une reprise lente, fragile et conditionnée

Si la reprise intervient en 2014, elle sera nécessairement atypique. En effet, elle se fera sans consommation et avec un investissement limité. La dégradation du pouvoir d'achat et de l'emploi incite les ménages à limiter leurs dépenses et à épargner. Dès lors, ce comportement pénalise également l'investissement, ce qui souligne clairement les limites du modèle de croissance français basé sur la consommation. Toutefois, si la consommation restera forcément contrainte, à fortiori avec l'effet de la hausse de la TVA, l'investissement devrait quant à lui pouvoir légèrement progresser. En effet, il y a la nécessité d'investir pour renouveler le stock des équipements qui deviennent progressivement obsolètes. Ce constat est d'autant plus vrai que le poids des investissements liés aux secteurs à obsolescence accélérée (ex: informatique) ne cesse d'augmenter dans les entreprises. Par conséquent, malgré une consommation contrainte, la demande interne pourrait néanmoins être soutenue par des investissements rendus nécessaires pour dégager des marges de progression lorsque la reprise sera plus clairement installée car l'industrie et l'activité "de demain" ne se fera pas avec les machines, les systèmes d'information et les modes organisationnels "d'aujourd'hui". Parallèlement, et malgré une compétitivité toujours dégradée, la France pourrait bénéficier d'un accroissement de ses exportations du fait d'une croissance mondiale plus favorable.

Toutefois, si la reprise intervient, ses effets sur l'emploi ne seront pas directement visibles. En effet, la reprise passera nécessairement par une politique de l'offre axée sur l'investissement et les exportations. Or, ce type de reprise est pauvre en emploi et faible en revenus à court terme, donc faible en consommation, avec in fine une croissance économique qui devrait se situer entre +0,5% et +1% en 2014, et peut être +1,5% en 2015. Etant donné qu'il faut au moins +1,5% de croissance par an pour envisager une stabilisation robuste du chômage, le recul de ce dernier ne pourra pas intervenir de manière autre que ponctuelle avant mi ou fin 2015 dans le meilleur des cas, et devrait continuer à osciller autour de 11% de la population active avant de s'établir à 10,9% fin 2015.

Deux risques principaux pèsent sur la dynamique de reprise économique française en 2014 :

  • Tout d'abord, il convient de citer les éléments internationaux indépendants de la France tels que l'évolution de la politique monétaire américaine et ses conséquences économiques et financières en Europe, l'évolution du prix des matières premières (notamment énergétiques), les risques de déflation en zone euro ou encore des problématiques géopolitiques, etc.
  • Au-delà de ces risques dont il serait possible d'étendre encore la litanie, l'aspect purement "franco-français" est lié aux inquiétudes sur la gestion du pays au sens large et la capacité des autorités à mettre en œuvre une stratégie cohérente et lisible de retour à la croissance. En effet, la confiance des agents économiques (nationaux et internationaux) est un aspect qualitatif très important dans un schéma de reprise. A ce titre, et comme les créations de richesses et d'emploi proviennent des entreprises, un chef d'entreprise a besoin de lisibilité et de visibilité à plus ou moins long terme sur son environnement règlementaire et fiscal pour engager des investissements et embaucher. Or, malgré certains signes récents qui soulignent une relative prise de conscience de ces problématiques par les autorités, il n'en demeure pas moins que plusieurs mesures prises ou annoncées dégradent, parfois significativement, cette confiance et obèrent ainsi mécaniquement le potentiel de reprise.

Défi global : retour vers la croissance économique

Jusqu'à la crise actuelle, les chocs étaient gérés via les politiques conjoncturelles. En effet, lors des précédentes phases de récession, la France activait différents leviers en intervenant par le biais de politiques conjoncturelles (politique monétaire et budgétaire) en ajustant à la marge les dépenses et les recettes. Au final, l'économie française retrouvait assez rapidement des taux de croissance plus élevés. Après un choc (ex : choc pétrolier de 1974 ou crise du système monétaire européen en 1992) et une période difficile mais relativement courte (respectivement 1975 et 1993) l'économie retrouvait une dynamique de croissance plus robuste, ce qui augmentait mécaniquement les rentrées fiscales, avec pour effet d'estomper les questions budgétaires et de déficit.

Avec la crise globale actuelle, la situation est différente. En effet, alors que plus de cinq ans se sont déjà écoulés depuis le début de la crise, l'économie française n'a pas encore retrouvé son niveau de 2007-2008. En matière de PIB en volume, c'est-à-dire l'ensemble de l'activité (totalité des richesses créées), la France a retrouvé son niveau de 2007-2008. Toutefois, compte tenu de l'évolution démographique intervenue entre-temps, la richesse par habitant a quant à elle diminué. De plus, contrairement aux récessions précédentes, l'activité économique stagne toujours quand par le passé cette période ne durait pas plus d'un an avant de reprendre une dynamique haussière. Dans ce cadre, les rentrées fiscales n'accélèrent pas du fait d'une croissance très réduite (proche de 0% depuis 5 ans en moyenne), sauf à multiplier les impôts (comme c'est le cas actuellement) pour tenter de "tenir" le budget mais avec une finalité qui ne peut être que vaine au regard de la faible croissance.

Dans ce contexte, il conviendrait de préférer les politiques structurellesaux politiques conjoncturelles. En effet, les politiques conjoncturelles qui fonctionnaient très bien par le passé sont devenues largement inopérantes, et de plus s'avèrent très souvent dévoyées par des objectifs politiques électoralistes de court terme. Elles ne permettent pas à elles seules de faire retrouver à l'économie française une allure plus satisfaisante. Dès lors, les politiques structurelles deviennent une alternative indispensable même si elles sont généralement moins agréables car souvent plus douloureuses socialement et plus longues à produire des effets tangibles. Dès lors, la mise en place de ces mesures s'avère peu aisée politiquement.

L'objectif serait ainsi d'adapter l'économie française à un environnement en mutation. En effet, l'environnement économique actuel et à venir dans lequel la France va devoir évoluer est fondamentalement différent de celui qui prévalait avant la crise, et à fortiori de celui qui prévalait au début des années 2000 (même si ces évolutions étaient prévisibles et auraient dû être anticipées). L'économie globale a profondément changé, et au sein même de la zone euro la situation concurrentielle entre les pays a évolué, avec des économies du Sud de l'Europe de plus en plus compétitives suite aux efforts consentis au cours des dernières années. La réaction qu'il convient d'avoir est donc de développer des réformes de structures qui permettent d'adapter en profondeur l'économie française et de préférer créer des bases économiques saines et pérennes mettant un terme à une gestion de court terme souvent perverse. L'objectif est de retrouver la croissance économique et de changer les comportements des agents économiques qui s'inquiètent et ne savent pas comment agir dans cet environnement. La réaction classique et naturelle de cet attentisme est un immobilisme qui finit par gripper la "machine" économique, la mettant ainsi directement en danger.

Même si le détail des mesures est à définir, le schéma d'ensemble est connu. En effet, il convient d'identifier un objectif économique à moyen et long terme, et de définir clairement un "chemin" assumé politiquement pour y parvenir. Ainsi, cela sous-entend la définition de mesures claires, stables et raisonnées dans un objectif de long terme qui ferait fi des intérêts politiques partisans et des "clientèles électorales" pour dresser un dessin collectif réaliste. Loin d'être un vœu pieu, c'est exactement ce qu'a fait l'Allemagne au début des années 2000 en indiquant un objectif clair, en assumant et en expliquant honnêtement la difficulté et la longueur du chemin à parcourir, et enfin en impliquant de façon égale l'ensemble des acteurs économiques à la tâche. Il ne s'agit pas ici de prendre le modèle allemand tel quel, mais de s'inspirer du modus operandi qui a présidé à la mutation de son modèle.

Or, en France, actuellement, le schéma est très différent. En effet, et à supposer que les dirigeants savent où ils veulent aller, personne n'est capable de dire quel est l'objectif : s'il existe, il n'est pas clairement énoncé et surtout le chemin est parsemé d'incohérences et de louvoiements qui ne concourent pas à la création d'un élan national. Dans cette incertitude généralisée, tous les agents économiques (ménages, entreprises, institutions financières...) préfèrent la prudence et veulent conserver leur situation considérant pour reprendre des expressions triviales que "un tient vaut mieux que deux tu l'auras" car "on sait ce qu'on perd mais on ne sait pas ce qu'on gagne". Au final, c'est de la société qui reste figé sur des positions et des avantages considérés comme éternellement acquis alors qu'ils sont dans les faits hérités d'une époque révolue, et ce même si les politiques et de nombreux corps intermédiaires de la société ne l'admettent pas pour des raisons électoralistes évidentes et/ou idéologiques.

Plus largement, le défi pour la France est celui de l'avenir de son modèle social. En effet, derrière les problématiques de fiscalité, de marché du travail, ou encore de périmètre de l'Etat, c'est en réalité la question du modèle social qui ne peut plus être maintenu en l'état qui se pose, à fortiori avec une croissance économique aussi faible. In fine, le risque est celui de l'explosion non contrôlée du système social si l'économie française ne s'adapte pas à un environnement qui a changé.

Retrouvez d'autres anayses économiques écrites par Sylvain Fontan sur son site : www.leconomiste.eu

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Sylvain Fontan, économiste et créateur du site www.leconomiste.eu   Parcours Professionnel   - Analyste-Investissement (Unigestion - Société de gestion d’actifs) - Analyste-Risque (RWE - Société de trading en énergie) - Analyste-Hedge Fund (BPER - Banque Privée Edmond de Rothschild) - Macroéconomiste (TAC - Laboratoire de recherche privé en économie et finance) - Chargé d’études économiques (OMC - Organisation Mondiale du Commerce) - Chargé d’études économiques (ONU - Organisation des Nations Unies)  

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