Stratégie de développement : concilier croissance et indépendance est possible

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Par Economie et Société Modifié le 15 novembre 2017 à 9h36
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36%Le taux de croissance annuel moyen des 150 meilleures PME françaises selon une étude anglaise

Au cours de sa vie, une entreprise se retrouve indéniablement dans l’obligation de faire des choix concernant ses objectifs de croissance, avec un dilemme permanent : se donner les moyens de grandir sans « pactiser avec le diable ».

Le 6 septembre 2017, la Bourse de Londres a publié une étude sur les PME européennes les plus dynamiques. Parmi les meilleures, 150 sont françaises. Les entreprises citées affichent un chiffre d’affaire annuel de 45 millions d’euros en moyenne et une croissance de 36% par an. En France, ces PME se développent car elles peuvent compter sur différents leviers de financements : un fort taux d’épargne, véritable assurance vie, ou des acteurs professionnels solides sur lesquels s’appuyer. Peu à peu, elles atteignent une taille importante, et doivent trouver de nouveau relais de croissance et des fonds pour investir. Mais comment procéder alors ? Faut-il favoriser une croissance organique et se battre pour des parts de marchés ou racheter un concurrent ? Avec quels fonds ? Faut-il avoir recours à des investisseurs ? Est-il raisonnable de s’adosser à un grand groupe. Ce type de rapprochement est une solution récurrente, efficace tant que l’entente entre les deux enseignes perdure et que l’une n’empiète pas sur l’autre : se laisser racheter est une façon rapide de rassembler des fonds importants… ou de perdre totalement le contrôle sur sa société. Pour certaines entreprises, les deux situations se produisent en un laps de temps parfois réduit.

Choc des cultures... même entre start-ups

La start-up Charp en a fait l’expérience. Cette entreprise spécialisée dans la prospection pour les professionnels collecte les contacts dont les commerciaux ont besoin pour leur livrer ces données ensuite. Une idée innovante qui leur a permis de croître rapidement. C’est ainsi que Mixdata, une autre entreprise de prospection ultra ciblée et donc concurrente, s’est intéressé à la solution de Charp. Les deux enseignes ont scellé un contrat de partenariat dans un premier temps, puis, Mixdata a racheté Charp en octobre 2016. Si le mélange des cultures entre les deux entités a permis à chaque partie de se nourrir des process de l’autre, peu à peu les co-fondateurs de Charp ont déchantés voyant leur indépendance remise en question. « Il y a un vrai décalage culturel. Chez Charp, ça bosse dans un silence de mort, on avance vite, on documente tout, et personne ne reste après 19h car cela voudrait dire qu'on n'est pas efficace. Les collègues de MixData, nourris aux codes de l'entreprise plus traditionnelle, se moquent gentiment de nous. Ils ont du mal à comprendre cet état d'esprit », explique François Pinsac, directeur commercial de Charp. En effet, désormais sous la coupe de Mixdata, Charp doit suivre les lignes directrices stratégiques données par son acheteur. Un plan de conduite qui réduit indéniablement les pouvoirs de décisions de la start-up… « On participe encore aux décisions et on garde un pouvoir de décision sur la performance de Charp mais on n’est plus majoritaire en effet. Du coup d’ici la fin de l’année, une fois que le nouveau CEO sera totalement opérationnel et que tout tournera pour le mieux, on quittera Charp », résume Xavier Gisserot, co-fondateur de Charp. Peu de regrets apparemment du côté de Charp mais il est notable de constater que même entre strat-ups, le décalage peut être grand entre les aspirations des uns ou des autres. Pour les dirigeants souhaitant rester au moins partiellement à la barre, il existe pourtant des solutions.

Choisir ses partenaires avec soin

Pour éviter la perte d’indépendance, les entreprises peuvent se tourner vers des soutiens financiers qui s’engagent à préserver leur liberté d’actions. Le Capital investissement de la Société Générale est un de ceux-là. Il s’associe à des projets prometteurs avec des participations au capital des entreprises. L’investissement est le plus souvent minoritaire de telle sorte que le management reste aux commandes des dirigeants. « En notre qualité de banque, l’investissement en mode minoritaire est notre philosophie. Il préserve la liberté d’action des dirigeants sur leur plan de développement. Même quand l’ensemble des investisseurs est majoritaire, le management reste aux commandes et garde le contrôle de l’entreprise. Cela autorise une vraie proximité relationnelle et garantit au client un conseil objectif », détaille François Rivolier, Directeur du Capital investissement de Société Générale. En utilisant les fonds propres de la banque pour des montants qui varient de 1 à 20 millions d’euros, il n’y a pas d’obligation de remboursement à court terme. La relation avec les entreprises s’inscrit dans la durée et une notion de confiance s’installe. « Notre portefeuille de participations pourrait s’établir à un total de 380 millions d’euros. Quant au taux de détention d’une entreprise, il varie entre 5% et 25%. En moyenne, le séjour au capital dure entre 5 et 7 ans, mais il est fréquent de rester au capital plus de 15 ans notamment dans le cas d’une transmission. Rester aussi longtemps est sécurisant pour l’entreprise car une partie du capital est stabilisée entre les mains d’un institutionnel », poursuit M. Rivolier La Société Générale reste au capital le temps nécessaire et en sort quand l’entreprise est apte à évoluer seule. De cette façon, il est évident que cette dernière conserve son entière indépendance.

Miser sur l’indépendance

Dans d’autres cas, l’entreprise puise dans ses propres ressources pour se développer, en préservant au passage sa totale indépendance de décision. Quiétalis, spécialiste des cuisines professionnelles appartient à cette dernière catégorie. En effet, seule entreprise multimarques à opérer sur l’ensemble de l’Hexagone, l’enseigne a décidé de consolider les opérations de croissance externe réalisées ces dernières années en se recentrant sur le développement de l’existant. Ce virage stratégique est une conséquence de l’arrivée aux commandes de Vincent Stellian, l’actuel PDG de Quiétalis, ancien dirigeant de la grande distribution. Fort de l’appui du fonds Pléiade Investissement. Vincent Stellian décide en autonomie des grandes directions à prendre pour Quiétalis. « Notre indépendance est un atout au sens où nous ne sommes pas « filiale de » ou installateur d’une marque spécifique. Cela nous donne toute latitude pour proposer systématiquement les produits les plus adaptés aux contraintes du client, et non les produits qui nous serions tenus d’écouler. Nous avons la chance d’avoir à nos côtés « Pléiade Investissement », partenaire depuis l’origine. Composé d’anciens chefs d’entreprises, cette société d’investissement nous accompagne et l’expérience des membres qui la composent est bienveillante pour l’entreprise », confirme Vincent Stellian. Selon le dirigeant, cette garantie d’indépendance et d’autonomie rassure les clients et augmente la fidélisation. De fait, Quietalis est également en mesure de mettre en œuvre un ambitieux plan de formation et d’harmonisation de ses process à l’échelle nationale, pour conforter sa place de leader sur ce marché B2B très spécifique.

Ainsi, pour se développer, les entreprises peuvent actionner différents leviers. Très souvent, cela passe par l’appui, voire le rachat d’un grand groupe pour avoir de nouveaux capitaux, mais cela signifie souvent renoncer à son indépendance, sans que cela soit correctement anticipé. Lorsque l’entreprise qui rachète la plus petite décide par exemple de délocaliser pour le bien du groupe, cela peut avoir des conséquences sur les emplois et revenus de celle qui s’est fait absorber. A l’exception notable des entreprises qui peuvent conserver leur indépendance, les risques associés à un rachat ou à une simple prise de participation dissuadent bien souvent les dirigeants de PME de tenter l’aventure. Il est d’une part regrettable que certaines pépites renoncent ainsi à se développer, mais il est encore plus regrettable de constater qu’elles n’ont pas tout à fait tort de se méfier, même si certaines propositions de lois sont passées par là.

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Economie et Société est un webzine consacré à la vulgarisation de l'information économique dont Economie Matin est partenaire. Il est animé par le journaliste Vincent Paes.

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