Supprimer l’ISF PME, ou comment assécher leur dernière source de financement

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Par Thibault Lanxade Modifié le 29 août 2012 à 5h19

Dans la langue anglaise, il existe un verbe, « to shrink », qui exprime mieux que tout mot français le traitement qui est infligé à l’ISF PME, du reste très apprécié des contribuables (92 400 ménages y ont recouru en 2011) : des sons violents et aigus qui donnent à voir les coups de burin successifs assénés à cette niche fiscale, qui recule, s’amenuise, se tasse, pour n’être bientôt que l’ombre d’elle-même.

En 2011, le gouvernement avait passé cette mesure à l’essoreuse, avait abaissé les plafonds (de 50 000 à 45 000 euros investis) et la réduction d’impôt (de 75% à 50%). Aujourd’hui, une des priorités de Jean-Marc Ayrault est de réduire encore de moitié le taux d’exonération, qui passerait alors à 25%. Pour justifier cette attaque frontale, on entend du côté de gouvernement qu’il s’agit de réduire les exonérations les moins légitimes. Mais en analysant ce procédé fiscal de près, nous comprenons qu’il agit comme un véritable substitut des fonds de Capital Risque – sans l’obligation de participation en cas de pertes. En supprimant l’ISF PME, ne risque-t-on pas de voir s’assécher le financement des jeunes entreprises ? Cela lui donne dans tous les cas une légitimité certaine, dans un pays où l’urgence est de consolider nos TPE, afin de créer de la richesse et de l’emploi (en 2008, 55% des personnes ayant un emploi évoluaient dans une PME).

Un autre leitmotiv revient : l’ISF est impôt intelligent, qu’il faut rendre plus intelligent encore. Il faudrait compléter : l’ISF PME est une mesure intelligente, qu’il faut rendre plus intelligente encore, plus incitative. Et pour cela, il est plus nécessaire de redessiner l’attribution des fonds que de raboter les taux. A l’instar de la réforme de l’avantage Madelin pour l’impôt sur le revenu, il sera indispensable de favoriser l’investissement aux sociétés jeunes et donc fragiles, porteuses de risques mais très innovantes. Mettre l’accent sur le capital d’amorçage et le « early stage » -qui serait étouffé par la fin de l’ISF PME- est indispensable pour voir croître ces entreprises. Enfin, l’encadrement des investissements doit être resserré : en favorisant l’investissement direct dans les entreprises – à l’échelon local, régional, territorial-, et non grâce à des intermédiaires, les abus, dont les premières victimes sont bien entendu les start-up, seront limités.

En choisissant de réduire le champ de l’ISF PME, nos dirigeants priveraient cette mesure de sa substantifique moelle. Il ne faut pas céder aux sirènes d’une fiscalité harassante et aux rentrées d’argent rapide pour renflouer les caisses de l’Etat. Car ce procédé n’est pas seulement une « niche fiscale » - on note toute la portée négative de ce terme, qui renvoie à l’avidité d’un animal qui se terre– mais avant tout un moyen pour nos petites et moyennes entreprises d’attirer les investissements : l’argent qui ne rentre pas maintenant dans les caisses publiques rentrera dans le futur, quand les entreprises fructifieront. A l’heure où les banques sont de plus en plus frileuses en matière de financement, le gouvernement peut-il légitimement priver notre économie de ce soutien ?

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Thibault Lanxade est PDG d'Aqoba, société leader dans les solutions de paiement électronique. Il est également président de Positive Entreprise.  Précédemment Secrétaire Général puis Directeur des Opérations de  la filiale ESR du groupe Shell, puis Président-Directeur Général de la société Gazinox (Groupe Shell/Butagaz), Thibault Lanxade préside également l’AFEPAME – Association Française des Établissements de Paiement et de monnaie Électronique. Thibault LANXADE est Titulaire d’un Master ESCP.

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