Vente de Compte-Nickel à BNP Paribas : un coup de poignard dans le dos de la Fintech française

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Par Philippe Herlin Publié le 5 avril 2017 à 5h00
Compte Nickel Rachat Bnp Paribas
200 millions €BNP-Paribas aurait racheté le Compte-Nickel pour 200 millions d'euros selon Le Monde.

Désillusion : Compte-Nickel, la plus prometteuse fintech française – "le compte bancaire sans banque" – se fait racheter par un mastodonte bancaire...

En juin 2006, Yahoo propose 1 milliard de dollars à Mark Zuckerberg pour racheter Facebook, une somme énorme à l’époque pour ce qui n’est qu’une startup, mais il refuse net. Il a eu raison, le réseau social pèse en bourse plus de 400 milliards de dollars ! En novembre 2013, Snapchat rejetait une offre de rachat de Facebook d'un montant de 3 milliards de dollars, c’était bien vu là aussi, l'entreprise est aujourd’hui valorisée à 24 milliards de dollars. Ces deux exemples montrent ce que sont les vrais entrepreneurs, des gens qui croient au développement de leur entreprise, malgré les risques, plutôt que de "prendre l’oseille et de se tirer", d’avoir une vue à court terme.

Hier en France, le Compte-Nickel, la plus belle et la plus prometteuse fintech française, s’est vendue au mastodonte bancaire BNP Paribas. Le Monde évoque une transaction de 200 millions d’euros. Une somme ridicule compte-tenu des bouleversements à attendre dans les années qui viennent dans le domaine bancaire. Nous ne sommes en effet qu’au début de cette révolution : de nouveaux acteurs entrent dans le paiement (Apple Pay, Facebook Messenger) et dans la banque (Carrefour, Orange Bank d’ici l’été), la déréglementation initiée par les directives européennes ne fait que débuter, les comportements des clients changent en profondeur grâce au smartphone, les nouveaux services proposés par les fintechs pullulent, la blockchain ouvre des perspectives insoupçonnées, etc.

Mais non, plutôt que de participer à cette aventure exaltante, de bousculer les dinosaures bancaires, les fondateurs de Compte-Nickel (Hugues Le Bret, le communicant, et Ryad Boulanouar, l’ingénieur) ont préféré "prendre l’oseille" et rentrer dans le rang. C’est toute la différence entre des entrepreneurs et des gagne-petit, ceux qui possèdent une vision et les adeptes d’un coup.

Pourtant le Compte-Nickel gagnait déjà de l’argent, ce qui n’est pas si courant dans le monde des startups, l’entreprise n’avait pas le couteau sous la gorge. Les coûts fixes étaient faibles car cette banque d’un nouveau type s’appuyait sur le réseau des buralistes, une idée judicieuse. Sans faire de publicité, la société a dépassé le demi-million de clients et en gagnait 26.000 tous les mois, une réelle performance. BNP Paribas met la main sur un concurrent qu’elle n’avait pas vu venir et qui pouvait à terme la menacer en diversifiant son offre.

Quelques jours après la grande réunion annuelle du secteur (FintechRevolution le 28 mars à la Gaieté Lyrique), ce rachat apparaît comme un coup de poignard dans le dos de la Fintech française : "Vous les fintechs, votre seule ambition consiste à grossir et à vous faire racheter par une banque, mais n’espérez pas disrupter le secteur, ce n’est pas à votre portée." Bienvenue dans le capitalisme oligarchique français.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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