Pacte social : rompre avec « l’Etat guichet » pour rendre son sens à l’humain

L’Institut des Français de l’Étranger (IFE) s’est invité avec fracas dans le débat public en publiant un rapport au titre sans détour : « Pour un nouveau pacte social ». Le document, dirigé par Pierre-Jean Doriel et rédigé par Marc Le Chevallier, s’attaque au cœur du modèle français, qu’il juge « à bout de souffle ». Une critique qui cible « l’État guichet », devenu à la fois impuissant et coûteux, et appelle à une révolution silencieuse : celle de la solidarité active.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 24 juin 2025 8h08
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Pacte social : rompre avec « l’Etat guichet » pour rendre son sens à l’humain - © Economie Matin
55%En 2023, en France, la redistribution monétaire a relevé le niveau de vie moyen des 20% les plus modestes de 55%.

Responsabilisation, le nouveau visage du pacte social

Le mot d’ordre du rapport ? Remplacer la dépendance passive par une logique de responsabilisation à tous les étages : individus, collectivités et administration locale. L'IFE y dénonce une France figée dans une culture de l’assistanat et appelle à renouer avec un pacte social qui émancipe plutôt qu’il n’enferme. « Le modèle est aujourd’hui à bout de souffle. Il repose désormais sur un 'État guichet' qui, loin de restaurer l’autonomie des citoyens, les enferme dans des cycles de dépendance », peut-on lire dans l’introduction de ce rapport intitulé « Pour un nouveau pacte social ».

Dans un pays où le déficit public frôle les 5,8% du PIB, la question n’est plus de savoir s’il faut réformer, mais comment. Et sur ce point, l’IFE a trouvé ses muses : le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Le Danemark et la « flexisécurité » : un modèle pour autonomiser

Premier pays mis à l’honneur : le Danemark. Là-bas, l’aide sociale ne rime pas avec passivité. Le système danois, fondé sur le principe de flexisécurité, offre des aides généreuses, mais en échange d’un engagement réel : formations obligatoires, candidatures hebdomadaires, participation active. Loin du cliché de l’assistanat nordique.

L’IFE note que « 92% des chômeurs se sentent de nouveau utiles à la société » et que « 56% retrouvent confiance en eux ». Une statistique qui fait rêver dans un pays où l’angoisse du déclassement est devenue chronique.

Les Pays-Bas et Buurtzorg : soigner le tissu social

Deuxième exemple inspirant : les Pays-Bas. Ici, le contrat social prend la forme d’un tissage communautaire. À travers le modèle Buurtzorg, les soins de proximité sont assurés par de petites équipes autonomes, en circuit court, sans hiérarchie pesante ni bureaucratie étouffante. L'auteur du rapport insiste : « La responsabilisation individuelle ne signifie pas individualisation du modèle social. C’est justement l’inverse : un citoyen ne peut être responsabilisé que s’il est entouré, soutenu, et acteur d’un cadre social et collectif ». Il va même plus loin : certaines aides néerlandaises sont conditionnées à des actions bénévoles, créant un lien direct entre le bénéficiaire et la communauté.

Le Royaume-Uni et l’État décentralisé : quand Whitehall rend la main

Troisième source d’inspiration : le Royaume-Uni. Le modèle britannique a pris le virage de la décentralisation depuis les années 1990, confiant aux autorités locales la gestion de certains leviers sociaux. L’IFE défend un principe simple : l’administration locale est plus proche, plus réactive et surtout, plus apte à adapter les dispositifs aux réalités territoriales. Un plaidoyer pour une subsidiarité enfin appliquée. L'auteur du rapport note que « le pilotage local permet une évaluation de terrain, une flexibilité d’ajustement et une responsabilisation administrative », éléments cruciaux pour sortir d’un système perçu comme opaque et rigide.

Et en France ? Une mue plus qu’un ajustement

L’IFE ne prône pas une réforme paramétrique, mais bien une transformation culturelle. D’ailleurs, ce changement ne saurait venir du haut. « Une autre voie est possible », martèle le document, appelant à un renversement de logique : de la centralisation descendante vers l’initiative citoyenne ascendante. Et l’Institut d’enfoncer le clou : « La solidarité reste une valeur cardinale. Il devient urgent de la repenser pour en finir avec une mécanique qui fragilise au lieu d’émanciper ».

En s’inspirant du pragmatisme danois, de la souplesse néerlandaise et de la décentralisation britannique, l’IFE ne propose pas une copie servile, mais une greffe intelligente. Une manière de faire résonner les expériences étrangères avec les fractures françaises.

Car au fond, poser la question du pacte social, c’est poser celle du contrat républicain. Et si, après tout, la solution ne résidait pas dans plus d’État, mais dans un État autrement ?

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

1 comment on «Pacte social : rompre avec « l’Etat guichet » pour rendre son sens à l’humain»

  • Creuse

    L’Etat français ne veut pas de citoyens actifs et responsables, les gens qui réfléchissent sont dangereux. Il achète la paix sociale, cela coûte de plus en plus cher et se révèle de moins en moins efficace. 2027 sera peut-être l’occasion de faire le point?

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