Derrière l’éclat du label « Pata Negra » et l’aura du jambon « Bellota », trois fabricants de jambon français sont désormais dans le viseur de la justice. Le parquet de Créteil les soupçonne d’avoir trompé les consommateurs en usant de ces dénominations prestigieuses sans que leurs produits en respectent les exigences.
Affaire « Pata Negra » : des jambons de luxe qui n’en étaient pas vraiment

Quand la dénomination « Pata Negra » devient un argument trompeur
Le 23 octobre 2025, le parquet de Créteil a annoncé l’ouverture de poursuites pour pratiques commerciales trompeuses à l’encontre de trois sociétés de charcuterie : Casa Ramon, ABG Holding et Le Comptoir du Pata Negra. Selon la DGCCRF, ces entreprises auraient commercialisé des produits étiquetés « Pata Negra » ou « Bellota » sans en remplir le cahier des charges.
D’après la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les agents de la DDPP du Val-de-Marne ont transmis au procureur leurs conclusions faisant état de dénominations valorisantes indûment employées. L’enquête a révélé que des charcuteries vendues comme issues de porcs ibériques « Bellota » — nourris exclusivement de glands — provenaient en réalité d’animaux élevés selon des méthodes ordinaires. La DGCCRF rappelle que l’article L121-2 du Code de la consommation interdit toute présentation susceptible d’induire le consommateur en erreur sur la nature, la composition ou l’origine d’un produit. Dans ce dossier, l’emploi des mots « Pata Negra » et « Bellota » aurait pu créer une confusion sur la qualité réelle des jambons proposés.
Ces mentions, historiquement associées à la plus haute gamme du jambon ibérique, renvoient à un savoir-faire bien particulier : des porcs noirs élevés en plein air dans la dehesa espagnole et nourris exclusivement de glands. Employer ces termes pour des charcuteries standard revient donc à brouiller la frontière entre produit d’exception et production industrielle. Les trois sociétés poursuivies sont soupçonnées d’avoir exploité la notoriété de ces labels pour majorer artificiellement la valeur perçue de leurs marchandises.
Une affaire emblématique du droit de la consommation
Le parquet de Créteil a confirmé que chaque société encourait une amende pouvant atteindre 1.500.000 euros, un montant susceptible d’être porté à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel. Ces sanctions traduisent la sévérité des autorités françaises à l’égard de toute pratique de nature à tromper le consommateur. Dans son communiqué, la DGCCRF rappelle que les appellations ou indications de qualité constituent des « éléments essentiels du consentement d’achat » : leur détournement sape la confiance du public et nuit à la loyauté de la concurrence.
L’audience est prévue devant la neuvième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil le 5 janvier 2026. D’ici là, les trois entreprises devront répondre de la manière dont elles ont présenté leurs produits au consommateur. Pour les autorités, l’affaire illustre une tendance préoccupante : la multiplication d’arguments marketing flatteurs utilisés pour masquer des qualités réelles moindres.
L'affaire « Pata Negra », un signal d’un durcissement des contrôles
Pour la DGCCRF, cette affaire s’inscrit dans un contexte de vigilance accrue sur les mentions de qualité dans le secteur agroalimentaire. Depuis deux ans, les contrôles se sont renforcés sur les produits d’origine espagnole vendus en France, particulièrement dans les gammes premium. L’objectif est double : protéger le consommateur et garantir une concurrence loyale entre producteurs respectueux des règles. Le ministère de l’Économie a souligné, dans son communiqué du 23 octobre 2025, que ces poursuites « s’inscrivent dans la mission de la DGCCRF visant à assurer la transparence de l’information donnée au consommateur ».
Si le procès à venir devait confirmer les soupçons, il marquerait une étape importante dans la lutte contre l’usage abusif des appellations valorisantes. Les termes « Pata Negra » et « Bellota » continueraient sans doute d’évoquer, pour les amateurs, l’excellence de la charcuterie ibérique, mais leur emploi sur des produits français serait désormais plus strictement encadré.
