Depuis 2020, l’ONU négocie un traité mondial, juridiquement contraignant, pour réguler strictement les plastiques. Ce texte, comparable aux Accords de Paris, pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la pollution plastique. Après deux ans de discussions internationales, les négociations entrent dans leur phase finale, du 25 novembre au 2 décembre, à Busan, en Corée. Il est urgent de repenser notre utilisation des plastiques et envisager des alternatives durables.
Réinventer le plastique : l’ultime opportunité des négociations finales de Busan
Un monde sans plastique : une utopie réalisable ?
L'essor de la consommation de masse et les avancées de la pétrochimie ont fait des plastiques des matériaux incontournables de notre société depuis le milieu du XXe siècle. De nos jours, les plastiques jouent un rôle essentiel dans de nombreux domaines, de la santé à l’alimentation en passant par l’électronique et la construction. Bien qu’ils présentent des avantages indéniables tels que leur polyvalence, leur légèreté et leur durabilité, leur utilisation pose de graves problèmes environnementaux. Si leur élimination totale serait utopique, rappelons qu’il s’agit du matériau le plus utilisé après le béton et l’acier. Incontournable, il est urgent de repenser sa production et son utilisation. Après un siècle d'exploitation du carbone fossile, les pétroliers ne peuvent plus ignorer leur impact environnemental, aggravé par la pollution invisible et persistante des micro et nano plastiques.
500 millions de tonnes de plastique : il est temps de réinventer l'industrie
Aujourd'hui, la production mondiale de plastique approche les 500 millions de tonnes par an, et les estimations prévoient un milliard de tonnes d'ici 2050. L’immense majorité de cette production provient de raffineries pétrolières ou gazières, soit de matières non renouvelables, dont l’impact est désormais bien quantifié et visible par chacun de nous à de nombreuses échelles.
Les océans par exemple, reçoivent chaque année 8 millions de tonnes de plastiques, et cela sans compter les déchets laissés sur terre, enfouis ou même encore la pollution aux micro- et nano-plastiques provenant par exemple des fibres textiles synthétiques. Cette pollution est bien réelle, bien qu’à l’abri du regard des consommateurs. Ces plastiques, majoritairement non-biodégradables, persistent dans notre environnement durant des siècles en contaminant la chaine alimentaire et notre santé. Ces préoccupations environnementales et sanitaires soulignent désormais l’urgence de promouvoir des solutions dont les impacts et la persistance sont réduits, voire inexistants.
Repenser notre modèle vers une production industrielle décarbonée, circulaire et résiliente
Les principes des 3R (Réduire, Recycler, Réutiliser) sont essentiels, mais nous devons aller plus loin en créant des matériaux alternatifs et durables. Aussi à ces principes, j’ajouterais un quatrième R : Réinventer. Nous devons explorer des matières alternatives qui intègrent dès le début les principes d’éco-conception, de durabilité, et de résilience écologique. Pour préserver l'environnement, il faut limiter la production de plastique pétrochimique et persistant et privilégier les alternatives recyclables, biosourcées, biodégradables et dont l’impact est moindre. Pour réduire notre dépendance aux ressources fossiles, on parle de 'décarbonation' pour l'énergie et les transports. Pour le plastique, on doit parler de 'défossilisation'.
Les plastiques étant majoritairement constitués d'atomes de carbone, il est impossible de les décarboner, mais nous pouvons changer notre source en nous tournant vers un mix de matériaux recyclés, biosourcés, ou même dérivés du CO2 (technologies de capture et d'utilisation du carbone ou « CCU »), afin notamment de réduire l’empreinte carbone de ce matériau, mais également son impact sur notre environnement.
Plastiques : de la pollution à la solution ? Les enjeux des matériaux biosourcés
Prenons le cas de l’acide polylactique (PLA), un plastique aujourd’hui dérivé de plantes, spécifiquement du sucre fermenté en acide lactique, une molécule que nous produisons naturellement dans notre corps, que nous consommons dans notre alimentation et que la nature produit et dégrade depuis des siècles. D’autres technologies sont également en développement, dont notamment celles sur base du principe CCU, en capturant et utilisant directement du CO2 comme matière première.
Le PLA a la capacité de remplacer de nombreuses matières pétrosourcées dans diverses applications, allant de l’emballage aux fibres textiles, et même dans le secteur médical. En effet, biocompatible, il se résorbe dans l'organisme sans laisser de trace (par exemple : fils de suture ou implants). Sa dégradation naturelle en présence d’eau engendre certes des micro et nanoparticules. Néanmoins, ces dernières sont rapidement dégradées et ne constituent pas une menace à long terme pour l'environnement (source).
Reconnaissant ces intérêts, certains pays ont déjà mis en place des cadres réglementaires visant à promouvoir l’utilisation de matériaux biosourcés et/ou biodégradables. En Europe, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas incitent à l'utilisation de biomatériaux via des mesures fiscales avantageuses et des objectifs de production. Le règlement européen sur les plastiques renforce cette tendance, notamment dans le cadre de la PPWR avec les articles 8 et 9 spécifique pour ces matériaux. De l'autre côté de l'Atlantique, en 2023, le président Biden proclamait que « le monde est à l’aube d’une révolution industrielle alimentée par la biotechnologie et la bioindustrie », appelant à remplacer 90 % des plastiques actuels à base de pétrole par des produits biosourcés, recyclables et compostables d’ici les 20 prochaines années (source). La transition vers une bioéconomie circulaire et durable est en marche à l’échelle mondiale, d’autant que ces matériaux biosourcés sont également recyclables, permettant à terme de réduire l’utilisation de matière première végétale.
Les négociations à Busan doivent marquer un tournant. L'urgence climatique impose aux États de privilégier des solutions durables et de réinventer notre approche du plastique. Les bioplastiques représentent une opportunité unique de concilier développement économique et protection de l'environnement. En investissant dans ces technologies innovantes, nous créons les emplois de demain, aiderons à la transition industrielle des territoires et assurons un avenir durable pour notre planète et sain pour les générations à venir.