Symbole de l’ambition de relier la Sicile au continent, le projet de pont sur le détroit de Messine vient d’être stoppé net par la Cour des Comptes italienne.
Italie : le pont sur le détroit de Messine est de nouveau au point mort

Un pont colossal au cœur du rêve italien de connexion
L’Italie tente depuis des décennies de construire un pont entre la Calabre et la Sicile, censé devenir le plus long ouvrage suspendu du monde. Selon le ministère italien des Infrastructures, le Comité interministeriel CIPESS avait approuvé cet été le projet définitif : une structure de 3 666 mètres, avec une partie suspendue de 3,3 km et des tours culminant à 399 mètres, accueillant six voies routières et deux ferroviaires. Ce chantier pharaonique devait symboliser la modernisation du transport national et l’intégration logistique du Sud.
Le coût, initialement fixé à 3,9 milliards € en 2006, était monté à 6,7 milliards € en 2011, puis à 10,5 milliards € selon la Cour des Comptes, avant d’atteindre environ 13,5 milliards € dans le dossier approuvé en août. L’envolée des dépenses publiques nourrit les doutes sur la viabilité financière du projet, alors que l’Italie fait face à une dette parmi les plus élevées d’Europe.
La Cour des Comptes italienne dit « non »
Le 29 octobre 2025, la Sezione centrale di controllo di legittimità de la Corte dei Conti a refusé le “visto di legittimità” et la registrazione de la Delibera CIPESS n° 41/2025, acte juridique clé pour le lancement du chantier, relaye Rai News. En pratique, ce rejet suspend la mise en œuvre du plan exécutif, y compris les appels d’offres.
Dans son rapport, la Cour a relevé des lacunes documentaires de la société concessionnaire Stretto di Messina S.p.A., ainsi qu’un manque d’éléments techniques sur la gestion des risques sismiques et environnementaux. Les magistrats ont aussi évoqué l’insuffisance des garanties financières et le caractère incertain des prévisions de trafic. Pietro Ciucci, président de la société Stretto di Messina, a exprimé sa « grande surprise » face à cette décision. Le ministère des Infrastructures a immédiatement convoqué une réunion de crise à Rome pour examiner les recours possibles.
Rome contre-attaque et défend le chantier du siècle
À peine la décision connue, la Première ministre Giorgia Meloni a dénoncé un acte d’« invasion de la juridiction ». Le vice-premier ministre et ministre des Transports, Matteo Salvini, a confirmé son intention d’aller « de l’avant » malgré le refus.
Selon le Corriere della Sera, le gouvernement peut invoquer l’article 3 du décret 2023/45 et soumettre la délibération au Consiglio dei Ministri, afin de la valider pour « intérêts publics supérieurs ». Une manœuvre légale mais controversée, qui risquerait d’alimenter les critiques sur la séparation des pouvoirs et la gouvernance des dépenses publiques. Pendant ce temps, les associations écologistes ont annoncé une « pluie de recours » devant les tribunaux italiens et européens, redoutant un impact environnemental considérable dans le détroit de Messine, zone à forte activité sismique.
