La prévention des chutes : quand l’escalier devient un risque systémique pour l’économie de la longévité

Chaque année, les chutes de personnes âgées entraînent en France plus de 130 000 hospitalisations, près de 10 000 décès et un coût estimé à 2 milliards d’euros, dont 1,5 milliard pour la seule Assurance maladie. Un enjeu macroéconomique majeur se dessine : la soutenabilité financière du « virage domiciliaire », devenu l’axe central des politiques de l’autonomie.

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By Partenaire Last modified on 17 novembre 2025 14h53
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La prévention des chutes : quand l’escalier devient un risque systémique pour l’économie de la longévité - © Economie Matin
2 MILLIARDS $Au niveau mondial, le marché des monte-escaliers et dispositifs de montée (plateformes, sièges élévateurs) était évalué à près de 2 milliards de dollars en 2023

L’escalier, zone de passage banale mais facteur de risque majeur, concentre une part significative des chutes domestiques des seniors, à la fois à l’intérieur du logement et à ses abords. Selon une enquête d’Assurance Prévention, 60 % des chutes de personnes de 65 ans et plus surviennent à l’intérieur du domicile, et les zones de passage – dont les escaliers – sont impliquées dans près d’un quart des accidents. Dans ce contexte, les monte-escaliers et aménagements spécifiques ne relèvent plus seulement du confort individuel : ils deviennent des investissements de prévention susceptibles de générer des économies pour la collectivité.

Un coût collectif massif… mais en grande partie évitable

Le plan national antichute, lancé en 2022, part d’un constat simple : la chute est l’accident de la vie courante le plus fréquent et la première cause de décès accidentel chez les plus de 65 ans. Les chutes représentent à elles seules environ la moitié des décès liés aux accidents de la vie courante en France.

Les pouvoirs publics évaluent aujourd’hui à 2 milliards d’euros par an le coût des chutes de personnes âgées, dont 1,5 milliard d’euros à la charge de l’Assurance maladie. Selon une analyse citée par la Banque des Territoires, chaque chute avec conséquences (hospitalisation, rééducation, aides renforcées, etc.) représente un coût compris entre 2 000 et 8 000 euros.

Or une large partie de ces événements est évitable : Santé publique France et plusieurs agences régionales relèvent que 30 à 50 % des chutes pourraient être prévenues par une combinaison d’activité physique adaptée, d’adaptation du logement et d’outils d’évaluation systématique des risques.

Le plan national antichute vise ainsi une réduction de 20 % des chutes mortelles ou entraînant hospitalisation chez les plus de 65 ans. Initialement pensé sur trois ans (2022-2024), il est désormais décliné dans les régions avec un horizon 2026 pour cet objectif de –20 %.

L’escalier, point noir du domicile des seniors

Dans les enquêtes sur les accidents de la vie courante, les chutes dominent largement les autres causes (brûlures, intoxications, suffocations) et touchent toutes les tranches d’âge. Chez les seniors, le domicile est la scène principale du risque : 50 % des personnes de 65 ans et plus déclarent avoir déjà chuté à leur domicile, et 25 % en ont été victimes à plusieurs reprises. 60 % des chutes ont lieu à l’intérieur et 48 % aux abords immédiats du foyer.

À l’intérieur du logement, les escaliers apparaissent comme l’un des lieux les plus accidentogènes : ils concentrent 24 % des chutes dans les zones de passage, devant le salon/salle à manger (16 %).

Économiquement, l’escalier cumule trois effets de risque :

  1. Risque de chute grave (fractures, traumatismes crâniens) entraînant hospitalisation lourde, chirurgie, rééducation.
  2. Rupture d’autonomie : après une chute dans l’escalier, le retour à domicile se fait souvent avec restriction d’usage des étages, voire déménagement non anticipé ou entrée en Ehpad – scénarios très coûteux pour la collectivité.
  3. Sous-utilisation du logement : un étage devenu inaccessible équivaut à une perte de surface utile, qui pèse sur la valeur d’usage du patrimoine immobilier des ménages âgés.

Pour les décideurs publics comme pour les assureurs, l’escalier n’est donc plus un simple élément de confort ou d’esthétique : c’est un actif domestique à sécuriser au même titre qu’une voirie ou un carrefour dangereux.

Le monte-escalier : d’un « gadget » à un investissement de prévention

Le monte-escalier Stannah illustre cette transition d’une logique de consommation à une logique d’investissement. En France, le prix d’un monte-escalier débute autour de 3 000 euros, pouvant augmenter selon la configuration (droit, tournant, colimaçon), la longueur du rail ou les options (siège pivotant, repose-pieds automatique, motorisation renforcée, etc.).

Pour un ménage, la dépense est significative. Mais mise en regard du coût d’une seule chute grave (2 000 à 8 000 euros pour la collectivité, sans compter la perte d’autonomie et les années de dépendance supplémentaires), l’équation économique évolue rapidement.

Plusieurs facteurs renforcent ce raisonnement :

  • Préférence massive pour le maintien à domicile : 92 % des Français souhaitent vieillir chez eux après 75 ans.
  • Coût moindre du domicile par rapport à l’Ehpad : un rapport récent estime qu’une meilleure organisation du maintien à domicile pourrait générer jusqu’à 2 milliards d’euros d’économies immédiates, et jusqu’à 12 milliards d’euros à l’horizon 2050 en rééquilibrant le ratio APA à 75 % pour le domicile contre 25 % en établissement.
  • Risque d’« éviction économique » : la hausse récente du coût de l’aide à domicile, liée aux contraintes budgétaires des départements, renchérit le maintien à domicile et fragilise les ménages n’ayant pas anticipé les aménagements.

Dans ce contexte, le monte-escalier devient un levier de réduction du risque : en sécurisant l’accès aux étages, il limite les chutes, retarde potentiellement l’entrée en établissement et soutient la participation sociale du senior (accès aux chambres, bureau, terrasse, etc.).

Un marché en forte croissance, porté par le vieillissement et les politiques publiques

Au niveau mondial, le marché des monte-escaliers et dispositifs de montée (plateformes, sièges élévateurs) était évalué à près de 2 milliards de dollars en 2023 et devrait dépasser 4,1 milliards de dollars d’ici 2032, tiré par le vieillissement de la population, la hausse des situations de handicap et les initiatives publiques sur l’accessibilité.

En France, le segment s’inscrit dans un écosystème plus large de la « silver économie », qui voit se développer une offre de solutions pour l’accessibilité du logement : rampes, barres d’appui, douches à l’italienne, capteurs de chute, télésurveillance, etc. Le monte-escalier y apparaît comme l’un des équipements emblématiques du maintien à domicile.

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