Dans le cadre du budget 2026, le gouvernement entend restreindre la prime de Noël aux seuls allocataires de minima sociaux ayant des enfants. Cette décision représente une baisse de près de 45 % des crédits alloués et suscite une levée de boucliers politique et sociale. Derrière les chiffres, une nouvelle étape de la rigueur budgétaire se dessine.
Prime de Noël : le gouvernement taille dans la solidarité

Un recentrage sous le signe de l’austérité
Créée en 1998 et reconduite chaque année, la prime de Noël constitue un coup de pouce financier pour les ménages précaires à la veille des fêtes. D’un montant moyen de 150 euros pour une personne seule et jusqu’à 335 euros pour une famille de trois enfants, elle bénéficiait à plus de 2,2 millions de foyers. Le projet de loi de finances pour 2026 rebat les cartes : seuls les allocataires de minima sociaux ayant des enfants continueront d’en bénéficier.
Le ministre du Travail et des Solidarités, Jean-Pierre Farandou, a justifié cette mesure par la nécessité de « recentrer les dépenses sociales ». « L’État français a été très généreux. Je ne suis pas sûr que notre pays ait les moyens de poursuivre ces politiques de générosité maximale », a-t-il déclaré sur France Inter. Le gouvernement prévoit ainsi une réduction de près de 45 % du budget consacré à la prime, soit 261,5 millions d’euros contre 466,5 millions en 2025. « Il faut accepter l’idée que la générosité qu’on a connue pendant des décennies est peut-être arrivée à son terme », a poursuivi le ministre.
Cette décision s’inscrit dans une stratégie budgétaire plus large, marquée par la recherche d’économies sur les dépenses sociales. Les experts du Trésor y voient un signal envoyé aux marchés financiers : celui d’un exécutif déterminé à contenir le déficit public sous les 4 % du PIB, malgré le ralentissement économique et la hausse des taux d’intérêt.
Un choix politique explosif
La réduction du champ de la prime de Noël divise profondément la classe politique. À gauche, les critiques fusent. Le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, a dénoncé sur France Info une décision « ignoble » : « Même s’ils n’ont pas d’enfants, ces bénéficiaires de minima sociaux ont une famille. Et c’est sur ces gens-là qu’on va faire des économies ». Le député Hadrien Clouet a renchéri : « Les personnes seules, isolées, celles qui n’ont plus d’enfant à charge ne pourront pas aller voir leurs proches, ne pourront pas faire de cadeaux, seront privées de 150 euros ».
Du côté du Parti socialiste, Olivier Faure a préféré tempérer, tout en rappelant que « la justice sociale doit rester un pilier du budget ». Dans les rangs de la majorité, on plaide au contraire pour un « recentrage responsable ». « Il s’agit de concentrer les aides sur ceux qui en ont le plus besoin, pas de les supprimer », explique un député Renaissance cité par Les Échos.
Mais au-delà de la polémique politique, c’est le message envoyé aux plus précaires qui interroge. Pour l’économiste de l’OFCE, Hélène Baudchon, « ce type de mesure, même marginale en apparence, a un fort impact symbolique. Elle accrédite l’idée que la solidarité devient une variable d’ajustement budgétaire ».
La rigueur budgétaire s’installe durablement
Cette réduction de la prime de Noël s’ajoute à une série de décisions qui traduisent le virage austéritaire du budget 2026 : gel partiel du point d’indice des fonctionnaires, baisse des crédits alloués à certaines aides au logement, et diminution des dotations aux collectivités locales. La stratégie est claire : rétablir l’équilibre budgétaire en réduisant les dépenses – plutôt qu’en augmentant les recettes.
« Les mesures d’économie prévues pour 2026 s’inscrivent dans une logique de redressement accéléré des comptes publics », indique ainsi un rapport du Haut Conseil des finances publiques. Le gouvernement cherche ainsi à restaurer sa crédibilité financière auprès de Bruxelles, après plusieurs années de relâchement post-Covid. Mais le coût social pourrait être élevé. Comme le souligne la sociologue Dominique Méda dans Libération, « priver une partie des allocataires d’une aide symbolique, c’est rompre le lien de confiance entre l’État et ceux qui dépendent le plus de lui ».
Dans les associations caritatives, l’inquiétude monte. Les Restos du Cœur, déjà confrontés à une explosion de la demande, redoutent une fin d’année encore plus difficile. « Ces 150 euros faisaient la différence pour des milliers de personnes », rappelle également un responsable local de la Croix-Rouge. La réduction de la prime, bien que marginale sur le plan budgétaire, pourrait donc marquer un tournant social majeur : celui d’un État qui choisit, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, de ne plus faire de cadeau à tous à Noël.