La France serait-elle en route vers sa réindustrialisation ?

Pour la première fois depuis 1980, on ouvre plus d’usines que l’on en ferme. C’est ce qu’a annoncé Bruno LEMAIRE fin octobre 2023.

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Par Daniel Moinier Modifié le 5 décembre 2023 à 8h16
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22%La part de l’industrie en 1973 était de 22% en France

Depuis plus de 40 ans les gouvernants ont baissé les bras considérant le recul industriel comme un mouvement irréversible sur lequel il n’était plus possible d’agir. La différence des prix de production avec entre autres la Chine, étaient tels qu’il n’était même pas concevable de songer à concurrencer ces pays asiatiques.

Le fossé s’est même fortement creusé après les lois de 1982, notamment la retraite à 60 ans, qui ont rapidement obligé le gouvernement à trouver des rentrées supplémentaires, compte tenu de l’augmentation entre autres des charges sur salaires.

Pendant que des bas prix arrivaient d’Asie et même des pays de l’Est, nos coûts de production augmentaient de plus en plus. Ce qui était pour les entreprises complètement antinomique. Malgré tous les efforts de productivité réalisés par nos entreprises, le défi était perdu d’avance. Ces entreprises devenaient exsangues et n’avaient d’autres solutions que de fermer ou se délocaliser. C’est ce que l’on a appelé la grande vague des délocalisations. La majorité de nos français n’y ont rien compris et ont accusé ces patrons qui voulaient s’en mettre plein les poches, en faisant travailler des ouvriers et souvent jeunes dans des « conditions inhumaines ». Ces gens prenaient le travail de ces pauvres français qui pointaient au chômage alors que ce sont eux par leur vote de 1981 pour François Mitterrand, qui ont fait basculer la France dans d’énormes déficits et engendrer des taux de chômage mirifiques. Epoque des vagues de licenciés de plus en plus jeunes et même à partir de 50 ans, qui ont fait perdre toute l’expertise des entreprises, ruinées les caisses de Sécurité sociale, de retraite, d’Assedic partiellement sauvées au prix de prélèvements sur salaire de plus en plus élevés. Ce qui par contrecoup augmentait encore plus les charges entreprises, diminuant d’autant leur compétitivité avec comme conséquence de nouvelles pertes de marchés au détriment des pays low-cost et des pays de l’Est.

Ces derniers étaient moins touchés grâce à leur niveau de vie très inférieur mais aussi par des durées de travail bien supérieures : plus de 40 heures/Semaine et des départs en retraite au minimum à 65 ans, ce qui permettait des coûts de travail très inférieurs.

Je vous rappelle ce que nous a coûté la retraite à 60 ans depuis 1982, c’est énorme. Retirer cinq années de travailleurs d’un coup, ceux qui gagnent le plus, salaires, charges, impôts,

consommation en moins. On peut même ajouter cinq années non cotisées de travailleurs qui au lieu d’être au travail se « pavanaient » bien avant en retraite alors que tous les salariés des pays voisins d’Europe continuaient à « bûcher » !!!

Un rappel : Un salarié qui part vers 60 ans (et avant) fait perdre l’embauche de 3 à 4 jeunes, la cause d’un chômage des jeunes très élevé, jusqu’à près de 28% au plus haut.

Il faut aussi ajouter l’incidence du montant des retraites plus faibles du fait de moins de cotisations, ce qui pénalise les retraités jusqu’à leur décès. Ce sont souvent une partie de ceux-ci qui se plaignent actuellement d’avoir du mal joindre les deux bouts et qui vont aux restos du cœur !

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Depuis de l’eau a coulé, tous les gouvernements ont essayé différentes méthodes pour se sortir de ce guêpier, par des diminutions de charges, principalement sur les bas salaires, des aides en tout genre, ce qui d’un autre côté a diminué les rentrées et aggravé les déficits, donc la dette.

Le coup de grâce ce fût l’adoption des 35 heures qui a eu comme conséquence faste d’augmenter la productivité horaire (passée à la 3ème place) mais par contrecoup de diminuer la productivité globale. Pour cette dernière, nous sommes passés de la 15ème place à la 29ème.

Il est nécessaire de rappeler que la part de l’industrie en 1973 était de 22% en France comme en Allemagne, 16% en Italie. En 2023, La France est à 11% !

Ci-dessous les différences de taux par rapport à celui de la France en Europe en 2022 :

Irlande : + 23,0%

Suisse : + 14,4%

Pologne : + 12,5%

Allemagne : + 9,8%

Finlande : + 8,1%

U E : + 6,2%

Italie : + 5,8%

Suède : + 5,2%

Belgique : + 4,1%

Espagne : + 3,7%

Pays-Bas : + 3,4%

Portugal : + 2,4%

Grèce : - 0,9%

Comment remonter la pente ?

En premier donner plus de latitude financière, administrative, économique au tissu industriel. Relancer la recherche et le développement…modifier des lois du travail.

Depuis l’arrivée du Président Emmanuel Macron, le ton a changé. Grand partisan de la réindustrialisation, de l’industrie, des starts up, il a fait bouger les lignes.

Ci-dessous, un énoncé des différentes lois en cours ou passées par rapport aux objectifs, publiées au Journal officiel le 15 septembre 2017.

  1. Ordonnance relative au renforcement de la négociation collective.

  2. Ordonnances relatives à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

  3. Ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

  4. Ordonnance portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective.

  5. Ordonnance relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention.

Place de la négociation collective (blocs non détaillés cause volume)

BLOC 1 : 11 domaines du seul ressort des accords de branche

BLOC 2 : 4 domaines impératifs par les accords de branche

BLOC 3 : prévalence de l'accord d'entreprise pour tous les autres sujets

Favoriser la négociation collective

Sur le référendum d'entreprise

L’objectif du gouvernement est de faciliter dans les TPE la négociation des accords collectifs en l’absence de délégué syndical et de conseil d’entreprise.

Sur la Rupture conventionnelle collective

Ordonnance Macron n°2 : réforme de la nouvelle organisation du dialogue social

En effet, elle institue le Comité social et économique (CSE), qui bouleverse le paysage de la représentation du personnel au sein de l'entreprise en regroupant les délégués du personnel (DP), le comité d'entreprise (CE) et le comité d'hygiène, de santé et des conditions de travail (CHSCT).

Ordonnance Macron n°3 : ordonnance à la prévisibilité et sécurisation des relations de travail.

Ordonnance Macron n°4 : ordonnance portant au cadre de la négociation collective.

Ordonnance Macron n°5 : réforme du compte personnel de prévention (CPP).

L'impact sur le code du travail.

Le plafonnement d'indemnités prud'hommal chamboulé à nouveau.

L'assouplissement du licenciement.

L'impact sur le télétravail.

Un nouveau contrat de travail : L’extension CDI de chantier.

Rappel des différences entre lois Macron et El Khomri.

Représentation du personnel IRP : DP, CE, CHSCT, DUP.

Rupture du contrat de travail : Plafonnement des indemnités avec censure du barème.

Licenciement pour motif économique : Assouplissement et reclassement avec intégration de la jurisprudence dans la loi.

Négociation collective : Hiérarchisation des normes en trois blocs modifiés.

Pénibilité avec plus de sécurisation.

Autres mesures : Plus de sécurisation et de liberté pour les entreprises concernant l’inaptitude, le CDD, le CDI de chantier, le télétravail.

Diminution du taux d’imposition entreprise de 30 à 25%.

LE PLAN GLOBAL DE RELANCE DE L’ECONOMIE FRANCAISE SE RETROUVE DANS 3 GRANDS PROJETS :

  • Retrouver une souveraineté industrielle

  • Valoriser le « fabriqué en France »

  • Innover pour la santé

1) Retrouver une souveraineté industrielle

Certains secteurs clés de l’industrie française sont vulnérables. La France dispose de savoir- faire historiques qu’il convient de relancer et défendre au mieux. La santé, bien entendu, mais aussi la technologie, sans oublier le secteur du textile avec la mode, le luxe, y compris la joaillerie et haute joaillerie où on a déjà de nombreux atouts. Heureusement, les choses changent…

2) Valoriser le « fabriqué en France »

L’industrie française propose un large éventail d’opportunités à tous ceux qui sont prêts à relever des défis ambitieux. Actuellement c’est 250.000 recrutements par an. Le vent souffle à nouveau dans le bon sens.

Un virage a été pris depuis deux, trois ans avec des investissements technologiques industriels en cours tels que STMicroelectronics, l’Américain GlobalFoundries 6 milliards d’euros, Alteo avec W-Scope 600 millions d’euros, c’est aussi Verkor avec une gigafactory, Arkema sur un grand projet d’eau potable, pour ne citer que quelques-uns…

3) Innover pour la santé

Les entreprises du milieu de la santé ont du talent. BioTech, MedTech, Health Tech, ce secteur est l’un des meilleurs du monde. Le secteur du médicament encore plus puisque sa balance commerciale est excédentaire sur 4 filières, chimique, biologique, dispositifs et solutions numériques. Autre secteur où les compétences sont reconnues mondialement : La recherche clinique et en mathématiques.

En revanche un nouveau modèle de santé vient de voir le jour ; Le remplacement du médicament unique à grande diffusion par une solution thérapeutique complexe, évolutive. Il va bousculer tant les thérapies que la distribution. La France saura-t-elle s’adapter rapidement ?

Autre secteur privilégié et cher au Président :

Les petites entreprises mais surtout les startups appelée « star-up nation ».

En 2023 on en compte 1 million en France dont 23 licornes (+ d’1 milliards de CA)

L'évolution des startups à impact est croissante et jugée d'une ampleur inédite par Bpifrance et France Digitale Françaises. Les créations ont été très nombreuses ces dernières années.

Pour démarrer ce grand projet, il a été nécessaire de constituer un fonds d’investissement pour soutenir leur croissance. Géré par BPIfinance, il a largement contribué à l’essor des jeunes pousses françaises. Des levées de fonds spectaculaires ont eu lieu contribuant à augmenter fortement l’investissement dans la Tech française.

L’objectif du Président était de créer 10 géants de la Tech en 2030 qui déboucherait vers une Europe du numérique. Les deux supports à cette création étaient :

-La création d’un marché unique du numérique en Europe

-La mise en place d’un Fonds Européen de financement doté au minimum de 5 milliards d’euros

Depuis ce lancement, c’est 150.000 emplois qui ont été créés dans les 120 entreprises présentent dans l’indice Next40/French Tech enregistrées par le Cabinet Roland Berger.

En 2020, la France est même passée devant l’Allemagne, ces startups représentant 5,34 milliards d’euros, chiffre qui a doublé en 2022.

Le projet France 2030 prévoit un lien très fort entre les startups et l’industrie.

Ce projet parallèle a mobilisé 831 millions d’euros visant à lancer 531 projets industriels et de rapatrier en France la production de 400 produits dont 60% en provenance d’Asie. Ils touchent principalement 5 secteurs :

Pharmacie, haute technologie, défense, électronique, agroalimentaire.

Le total d’aides programmé se monterait à 54 milliards d’euros. Cette ambition impliquera des investissements dans les nouvelles technologies, le secteur manufacturier, les infrastructures avec comme visée une augmentation de la production industrielle.

Ce serait également une réponse au chômage surtout dans les secteurs qui ont délocalisés.

Toutes ces nouveautés confirment le dynamisme économique.

Pour la 3ème année consécutive, la France est le pays le plus attractif d’Europe.

Notre politique de réindustrialisation porte ses fruits autour de projets structurants et en faveur d’une économie décartonnée : Paroles de Madame Agnès Pannier-Runacher Ministre de la Transition Ecologique, énergétique et de la Cohésion des territoires.

Si nous passons sans trop de casse cette période de guerres, la grande difficulté à venir serait :

Un manque de « main d’œuvre pour pouvoir tous ces emplois ? Comment motiver, former tous ceux qui pointent au chômage et se « complaisent » au RSA depuis de longues années ! Challenge très ardu en perspective malgré plus de 5 millions de chômeurs inscrits dans les 3 catégories sur 5. Et environ 2 millions de familles au RSA.

Est-ce que tous ces projets, investissements, dynamismes retrouvés pourront+ nous sortir la tête de l’eau, la concurrence est forte et la France n’a pas encore tous les atouts souhaités pour rivaliser pleinement avec nos homologues européens et même mondiaux. Il manque encore pour une partie des Français, la volonté de travailler plus et plus longtemps.

www.danielmoinier.fr

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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1 commentaire on «La France serait-elle en route vers sa réindustrialisation ?»

  • S’il s’agit plus d’entreprises aux capitaux étrangers que d’entreprises aux capitaux nationaux ce n’est pas une bonne nouvelle. Les entreprises aux capitaux étrangers vont faire les poches des ménages Français et ruiner la France en envoyant la plus grande partie du « fric » amassé dans leurs pays de rattachement.

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