Les Restos du Cœur ont lancé leur 41ᵉ campagne nationale ce mardi 18 novembre 2025. Dans un pays où l’inflation alimentaire grignote le pouvoir d’achat et où les dons stagnent, l’association fondée par Coluche fait face à une demande record et à des ressources sous tension.
Restos du Cœur : une 41ᵉ campagne qui reflète une pauvreté durable

Chaque année, l’image des bénévoles en gilets roses marque le retour d’une solidarité bien française. Mais cette fois, la campagne démarre sur fond d’inquiétude : inflation alimentaire persistante, dons en berne, et ménages toujours plus jeunes frappant à la porte des Les Restos du Cœur. L’association, qui avait accueilli 1,3 million de personnes lors de l’exercice précédent, anticipe une nouvelle hausse des besoins.
Restos du Cœur : Une stabilité en trompe-l’œil
L’association Les Restos du Cœur a officiellement lancé, mardi 18 novembre 2025, sa nouvelle campagne hivernale. Comme chaque année, les bénévoles reprennent le relais dans plus de 2 300 centres d’accueil répartis sur le territoire. Mais le ton est grave. Jean-Michel Richard, président bénévole de l’association, résume l’état d’esprit : « Nous sommes mobilisés, nos donateurs nous suivent, mais la précarité est bien là. » rapporte BFMTV.
Lors de l’exercice 2024-2025, Les Restos du Cœur ont accueilli 1,3 million de personnes et servi 161 millions de repas. Un chiffre quasiment identique à celui de l’année précédente, mais cette « stabilité » n’a rien de rassurant. Comme le souligne Jean-Michel Richard sur le site de l’association, cette apparente constance « masque deux réalités : des mesures de restriction ont dû être prises et nombre de personnes exclues de l’aide alimentaire ne sont pas sorties de la pauvreté ».
Selon l’INSEE, le taux de pauvreté a atteint 15,4% de la population en 2023, un record depuis trente ans. Ce sont près de 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 1.158 € par mois pour une personne seule. Pour 77% des familles accueillies aux Restos, le revenu est deux fois inférieur à ce seuil de pauvreté, c’est-à-dire autour de 644 € par mois.
Des jeunes de plus en plus nombreux, souvent sans ressources
L’un des constats les plus marquants du rapport 2024-2025 de l’Observatoire des Restos du Cœur est la jeunesse croissante des bénéficiaires. Une personne sur deux accueillie a moins de 25 ans, et quatre sur dix sont mineures. Des chiffres « dramatique », selon Jean-Michel Richard, qui alerte sur une génération entière frappée par la précarité malgré la reprise de l’emploi.
Cette jeunesse fragilisée regroupe des étudiants vivant avec moins de 400 € par mois, des apprentis, mais aussi des travailleurs précaires dont les contrats courts ne suffisent pas à couvrir les dépenses courantes. « Ce qui frappe, ce sont les jeunes », confie le président à BFMTV.
À cela s’ajoute un isolement social massif : un tiers des bénéficiaires disent se sentir seuls la plupart du temps, et plus d’un quart déclarent n’avoir personne sur qui compter. Le volet psychologique est devenu un enjeu central : 64% des personnes accueillies ont connu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois, selon l’Observatoire interne des Restos.
Cette détresse sociale vient s’ajouter à une inflation persistante, qui a grignoté le budget des ménages modestes. Entre le prix des loyers, de l’énergie et des produits alimentaires, beaucoup n’ont plus de marge de manœuvre. Les jeunes, particulièrement exposés, se tournent donc vers les associations pour leurs besoins essentiels : se nourrir, se loger, parfois même se chauffer.
Une action associative sous tension financière
Si l’association reste un pilier de la solidarité nationale, ses ressources ne sont pas infinies. Les Restos du Cœur assurent à eux seuls environ 35% de l’aide alimentaire en France. Ils s’appuient sur 78.000 bénévoles réguliers et 30.000 occasionnels, mais ces forces humaines ne suffisent plus à contenir la demande.
« Chaque année, on est malheureusement amenés à refuser du monde », explique Jean-Michel Richard. « Nous faisons le maximum avec nos moyens, mais la situation devient intenable. » Le cri d’alarme lancé par l’association en 2023, évoquant un risque de réduire le nombre de bénéficiaires faute de financements, n’a pas perdu de sa pertinence.
L’équilibre repose sur un modèle fragile : d’un côté les dons privés et les collectes, de l’autre l’aide publique, soumise aux arbitrages budgétaires. Le moindre fléchissement des subventions, la hausse du coût du carburant ou du transport frigorifique peuvent déstabiliser tout l’édifice.
À ces contraintes matérielles s’ajoutent des défis logistiques. L’association doit acheminer des denrées dans plus de 2.300 points d’accueil, souvent dans des zones rurales où la demande augmente. Or, les structures locales peinent à recruter et à maintenir une activité soutenue.
L’appel à une réponse structurelle
Pour les Restos du Cœur, l’aide alimentaire ne peut plus être un simple palliatif. L’association appelle à une mobilisation durable des pouvoirs publics. « Face à une telle aggravation de la pauvreté, nous demandons des mesures concrètes et pérennes pour favoriser l’inclusion et l’insertion des plus démunis », insiste la direction dans son communiqué officiel.
Au-delà des repas distribués, les Restos multiplient les programmes de réinsertion : ateliers de recherche d’emploi, formations, accompagnement administratif. Mais ces dispositifs, essentiels pour sortir durablement de la précarité, nécessitent des ressources stables et une reconnaissance institutionnelle accrue.
À quarante ans de sa création, l’association de Coluche reste le symbole d’une solidarité populaire, mais elle se retrouve confrontée à une société où la pauvreté s’installe au cœur des classes actives. Le défi n’est plus seulement humanitaire : il devient économique et politique.
