Retards dans les aéroports européens : la France, maillon faible du réseau

Les retards s’accumulent sur les pistes européennes. D’après Eurocontrol, la France reste le principal contributeur aux perturbations aériennes du continent. Entre surcharge du trafic, manque de contrôleurs et météo instable, le ciel européen traverse une période de turbulences prolongée.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 9 octobre 2025 6h52
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50%La France a atteint jusqu'à 50% de retards sur ses vols.

Les derniers rapports d’Eurocontrol, publiés entre mai et août, dressent un constat sans appel : les aéroports du continent peinent à absorber la reprise du trafic, et la France en concentre une part disproportionnée. Sur certaines semaines, jusqu’à 50 % des retards du réseau européen proviennent de son espace aérien. À l’heure où les compagnies multiplient les alertes et où les passagers dénoncent des vols sans ponctualité, les chiffres d’Eurocontrol révèlent un déséquilibre structurel entre la France et le reste de l’Europe.

La France, premier foyer de retard aérien en Europe

L’été 2025 a confirmé la fragilité du réseau français. Dans son Flash Briefing de la semaine 27, Eurocontrol indique que « la France est responsable de 50 % de tous les retards du réseau », conséquence directe d’un mouvement social des contrôleurs aériens. Cette proportion record illustre à quel point le système européen dépend de la stabilité du ciel français. Quelques semaines plus tard, en semaine 32, la part française retombe à 26 %, mais reste la plus élevée du continent.

Selon le rapport All-Causes Delay – mai 2025, le retard moyen au départ des vols européens atteint 12,7 minutes, contre 11,4 minutes à l’arrivée. En juin, ce chiffre grimpe à 16 minutes au départ et 14,1 minutes à l’arrivée, confirmant la dégradation du réseau. Ces valeurs sont très au-dessus de l’objectif de performance fixé par l’Union européenne, soit 0,9 minute par vol.

La France concentre ainsi la majorité des retards en route (ATFM), dus à la gestion du trafic aérien : dans le Monthly Briefing de juillet 2025, l’agence mentionne 4,9 minutes de retard ATFM moyen par vol, dont 4 minutes liées au contrôle en vol et 0,9 minute aux contraintes au sol. Ces chiffres, stables par rapport à l’an passé, traduisent la persistance d’un problème structurel : le manque de capacité dans les centres de contrôle français, notamment ceux de Marseille et de Reims.

Par ailleurs, Eurocontrol rappelle que la France supporte un volume de trafic considérable : elle représente le premier réseau aérien intérieur d’Europe, avec plus de 8 000 vols quotidiens en période estivale. L’encombrement de cet espace, couplé à des restrictions de survol toujours en vigueur dans l’est du continent, explique la concentration des délais.

Un ciel européen saturé : les causes profondes des retards

Au-delà de la France, c’est tout le réseau européen qui peine à suivre la cadence. Les données compilées par Eurocontrol sur le printemps et l’été 2025 montrent une moyenne de 16 minutes de retard toutes causes confondues. La principale composante demeure la gestion du trafic aérien, dite ATFM (Air Traffic Flow Management), suivie des causes météorologiques et des rotations d’appareils.

Selon les bulletins hebdomadaires de l’agence, les pays méditerranéens sont les plus exposés aux congestions estivales. En semaine 32, la Grèce représentait 16 % des retards du réseau, et l’Espagne 13 %. Ces chiffres traduisent une pression saisonnière forte sur les zones touristiques, où les capacités de contrôle sont souvent insuffisantes. En revanche, les pays d’Europe du Nord et centrale s’en sortent, étant moins chargés en trafic.

La dépendance à l’égard du trafic français reste cependant déterminante : les restrictions de capacité imposées par la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) se répercutent immédiatement sur les flux européens. Dans plusieurs Flash Briefings, Eurocontrol indique que « les retards français ont un impact majeur sur l’ensemble du réseau, notamment sur les couloirs Ouest-Est ».

Ce phénomène a également un coût. Eurocontrol évalue à 100 euros par minute de retard ATFM le préjudice pour les acteurs du transport aérien — compagnies, aéroports et passagers confondus. Sur une journée moyenne, cela représente plus de 70 000 minutes de retard cumulées en Europe, soit 7 millions d’euros de pertes pour le seul segment des retards de gestion du trafic.

Malgré des efforts de modernisation, notamment à travers le programme SESAR et le plan « Summer 2025 », l’agence admet que « le réseau reste sous tension, avec une capacité fragile et des marges d’absorption limitées ». Autrement dit, un incident local en France ou en Grèce peut rapidement désorganiser la circulation de plusieurs centaines de vols sur tout le continent.

Classement des pires pays : la France, devant la Grèce et l’Espagne

Eurocontrol ne publie pas de classement officiel des pays selon leur performance, mais ses rapports hebdomadaires permettent d’en dégager une hiérarchie claire. Sur la base des parts de retard enregistrées en 2025, la France apparaît bien comme le maillon faible :

  • France : entre 26 % et 50 % des retards du réseau selon les semaines ;
  • Grèce : autour de 16 % ;
  • Espagne : environ 13 %.

Ces trois pays forment le trio des plus forts contributeurs aux retards en Europe. À l’opposé, les États d’Europe du Nord et centrale, comme la Norvège, la Suisse ou l’Autriche, ne sont mentionnés dans aucun Flash Briefing parmi les sources majeures de retard, ce qui suggère une performance supérieure à la moyenne.

Un défi systémique pour l’aviation européenne

Les rapports successifs d’Eurocontrol soulignent un constat récurrent : les retards ne sont plus des anomalies, mais une composante structurelle du transport aérien européen. La moyenne de 12 à 16 minutes par vol, toutes causes confondues, reste loin de l’objectif de performance de l’Union européenne.

Pour Eurocontrol, la solution passe par une approche coordonnée : « améliorer la résilience du réseau grâce à une planification intégrée entre États, prestataires et compagnies ». L’agence préconise aussi de renforcer les effectifs des centres de contrôle et d’optimiser la gestion du trafic en route.

En France, la DSNA prévoit d’intégrer de nouveaux contrôleurs d’ici 2026 et d’accélérer la modernisation de ses systèmes. Mais la multiplication des mouvements sociaux et la hausse constante du trafic laissent peu de marge à court terme. Tant que la France restera au cœur du réseau européen, la moindre défaillance nationale continuera d’affecter le continent tout entier.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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