Ruptures conventionnelles dans le public : clap de fin pour la sécurité de l’emploi ?

Le gouvernement veut pérenniser les ruptures conventionnelles dans la fonction publique. Un changement qui pourrait mettre fin à la logique d’emploi à vie, tout en offrant aux agents une nouvelle voie de sortie, assortie d’indemnités et du droit au chômage.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 25 août 2025 8h00
ruptures conventionnelles
ruptures conventionnelles - © Economie Matin
107,6 millions d’eurosDepuis leur mise en place, les ruptures conventionnelles dans le fonction publique ont coûté 107,6 millions d’euros à l'État.

Les ruptures conventionnelles, un dispositif inspiré du privé, déjà bien ancré

Le 23 août 2025, Laurent Marcangeli, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a annoncé que les ruptures conventionnelles ne seraient pas abandonnées. L’expérimentation, prévue pour s’achever fin décembre 2025, sera transformée en dispositif permanent. Derrière cette décision, l’État assume sa volonté de moderniser la gestion des effectifs et de remettre en cause le principe de l’emploi à vie.

Depuis 2020, les ruptures conventionnelles offrent aux fonctionnaires une possibilité de quitter leur poste d’un commun accord avec l’administration. Ce mécanisme, largement utilisé dans le secteur privé, a séduit de nombreux agents publics. La preuve, 4.642 ruptures ont été enregistrées entre 2020 et 2022 dans la fonction publique d’État.

Le coût total pour l’État sur cette période a atteint 107,6 millions d’euros, soit une indemnité moyenne de 20.300 euros par agent. Un montant qui peut paraître élevé, mais qu'il convient de relativiser, quand on sait que ces indemnités ne représentent que 0,03% des dépenses de personnel. Pourtant, ces départs ciblent surtout certains secteurs fragilisés : près des trois quarts concernent l’Éducation nationale, où de nombreux enseignants choisissent ce dispositif pour se reconvertir.

Quels avantages pour les fonctionnaires concernés ?

La rupture conventionnelle ne se limite pas à une simple prime de départ. Elle ouvre aussi droit à l’assurance chômage, une nouveauté dans la fonction publique. L’âge moyen des bénéficiaires était de 50 ans en 2020, puis de 47,8 ans en 2022. Le dispositif séduit donc autant les agents en fin de carrière que ceux qui souhaitent rebondir plus tôt.

Pour certains, il s’agit d’un levier de mobilité professionnelle. Des enseignants, des agents administratifs ou des techniciens choisissent cette formule pour créer leur entreprise ou rejoindre le secteur privé. « Succès certes limité mais réel », a reconnu le ministère de la Fonction publique dans une réponse parlementaire le 5 août 2025.

Une réforme qui devrait être synonyme d'économies

En annonçant cette pérennisation, le gouvernement vise un double objectif : offrir plus de flexibilité et réduire la masse salariale. François Bayrou, le Premier ministre, a affirmé que cette mesure contribuerait aux 43,8 milliards d’euros d’économies attendues dès 2026.

Le projet sera inscrit soit dans la loi de finances 2026, soit dans une loi de simplification RH prévue à l'automne 2025. Derrière l’argument de modernisation, une réalité se dessine : la fonction publique sort progressivement du modèle d’emploi à vie.

Ruptures conventionnelles dans la fonction publique : les syndicats n'apprécient pas

Si l’exécutif met en avant la liberté de choix, les syndicats redoutent un changement de paradigme. Pour la CFDT, ce dispositif illustre une « dégradation des conditions de travail et des rémunérations ». Les représentants craignent des pressions exercées sur certains agents pour accepter une rupture.

Le bilan présenté au parlement le 14 mars 2025 mentionne d’ailleurs des risques de « dévoiement ou d’effet d’aubaine ». Autrement dit, certaines administrations pourraient utiliser l’outil pour pousser au départ des personnels jugés coûteux ou peu adaptés. Ces inquiétudes posent la question centrale : la rupture conventionnelle restera-t-elle un choix volontaire ou deviendra-t-elle un instrument de gestion budgétaire forcée ?

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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