Santé : 23 millions de Français vivent avec des douleurs chroniques

À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la douleur, un baromètre de la Fondation Analgesia révèle que 42 % des Français souffrent de douleurs chroniques. Un chiffre alarmant qui met en lumière un enjeu majeur de santé publique, encore trop souvent ignoré.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 20 octobre 2025 15h00
Santé : 23 millions de Français vivent avec des douleurs chroniques
Santé : 23 millions de Français vivent avec des douleurs chroniques - © Economie Matin
6Près de la moitié des personnes interrogées décrivent une douleur intense, supérieure à 6 sur 10 sur l’échelle de la douleur.

Ce lundi 20 octobre 2025, le premier baromètre national sur la douleur chronique, publié par la Fondation Analgesia, dresse un constat préoccupant. Près d’un Français sur deux déclare vivre avec une douleur persistante depuis plus de trois mois. Ce phénomène, au cœur de la santé publique, touche environ 23 millions d’adultes dans l’Hexagone. L’étude, réalisée à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la douleur, vise à mieux comprendre l’ampleur et la nature de ces douleurs chroniques, souvent invisibles mais invalidantes.

Un fléau silencieux qui touche toutes les générations

Selon les résultats publiés par RTL le 20 octobre 2025, 42 % des adultes français se disent concernés par les douleurs chroniques, soit environ 23 millions de personnes. Ces douleurs ne sont pas toutes de même nature : 36 % sont musculosquelettiques (dos, articulations, tendons), 33 % concernent la sphère orofaciale, 15 % sont abdominales, et 12 % neuropathiques, c’est-à-dire liées à une atteinte des nerfs.

Près de la moitié des personnes interrogées décrivent une douleurs intense, supérieure à 6 sur 10 sur l’échelle de la douleur. Ce panorama confirme l’ampleur d’une souffrance durable et multiforme. Derrière les chiffres, il s’agit d’hommes et de femmes pour qui la douleur devient une compagne quotidienne, impactant leur sommeil, leur concentration et leur vie sociale.

Des conséquences lourdes sur la santé et la vie quotidienne

Plus de 50 % des personnes concernées affirment que leur sommeil, leur mémoire ou leur mobilité sont directement affectés par ces douleurs. Pire : 36 % des patients présentent un handicap fonctionnel modéré à sévère, limitant leurs activités quotidiennes. Ces chiffres confirment la charge invisible que représente la douleur chronique au sein de la population.

« Vivre avec une douleur chronique, c’est avancer chaque jour avec un fardeau invisible », a déclaré Audrey Aronica, présidente de l’Association Francophone pour vaincre les Douleurs (AFVD), citée par Charente Libre. Son constat traduit une réalité souvent méconnue, celle d’une souffrance diffuse mais constante, difficile à diagnostiquer et à soulager durablement.

Des patients livrés à eux-mêmes

Le baromètre révèle une autre tendance préoccupante, moins d’un tiers des patients ressentent une amélioration de leur état, tandis que deux tiers ne constatent aucun progrès ou même une aggravation de leurs symptômes. Face à l’absence de solutions durables, beaucoup se tournent vers l’automédication : 91 % des patients y ont recours, et 16 % déclarent utiliser des opioïdes sans prescription médicale. Une pratique risquée, qui traduit autant un désarroi qu’un manque d’accès à des soins spécialisés.

Le Pr Nicolas Authier, président de la Fondation Analgesia, alerte dans Charente Libre : « Ces nouveaux chiffres appellent à un plan d’action immédiat pour garantir un accès équitable aux soins et structurer un parcours de santé plus efficace sur l’ensemble du territoire national. » Pour l’expert, la France accuse un retard dans la reconnaissance et le traitement de la douleur chronique, en dépit de dispositifs existants dans certains hôpitaux.

Le manque de structures spécialisées

La France compte aujourd’hui environ 250 centres de la douleur, mais leur répartition est très inégale, concentrée dans les grandes métropoles. L’accès y est souvent limité : délais d’attente, absence de remboursement intégral, et manque de professionnels formés à l’algologie. De nombreux patients peinent à obtenir un suivi pluridisciplinaire (médical, psychologique, kinésithérapeutique), pourtant essentiel pour un traitement efficace.

En parallèle, la douleur chronique reste trop souvent minimisée par le corps médical : un tiers des patients affirment ne pas se sentir crus par leur praticien, selon la Fondation Analgesia. « Ce sont des millions de Français qui sont concernés », rappelle le Pr Authier sur RMC, insistant sur la nécessité de replacer la douleur au cœur des politiques publiques de santé.

Un coût humain et économique trop souvent passé sous silence

Au-delà de la souffrance individuelle, les douleurs chroniques ont un coût collectif : absentéisme, baisse de productivité, arrêts de travail répétés et dépenses de santé accrues. Les estimations européennes évaluent à plusieurs dizaines de milliards d’euros le poids économique de la douleur chronique, entre perte de revenu et consommation de médicaments. Cette situation s’accompagne d’un retentissement psychologique majeur.

L’anxiété, la dépression et l’isolement social figurent parmi les conséquences les plus fréquemment rapportées. Le manque de reconnaissance de la douleur comme maladie à part entière aggrave encore le vécu des patients, qui oscillent entre errance thérapeutique et découragement.

Vers une meilleure reconnaissance de la douleur

Des pistes existent toutefois. Le renforcement de la formation médicale sur la douleur, la création de parcours de soins dédiés et le développement de thérapies non médicamenteuses (hypnose, méditation, thérapies cognitivo-comportementales) constituent des leviers identifiés.

La Fondation Analgesia milite pour une politique nationale de lutte contre la douleur, à l’image des plans existants pour le cancer ou la santé mentale. Son objectif est de faire reconnaître les douleurs chroniques comme une pathologie à part entière et non plus seulement comme un symptôme.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

No comment on «Santé : 23 millions de Français vivent avec des douleurs chroniques»

Leave a comment

* Required fields