Lutter contre la hausse des cas d’anxiété, burnout et dépression au travail

Des chercheurs européens développent des outils en ligne pour aider les PME à améliorer la santé mentale de leurs employés.

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Par Horizon Publié le 8 avril 2023 à 10h44
Burnout
15%Le syndrome du burnout est en augmentation sensible et concerne aujourd'hui près de 15% des salariés.

Si vous demandez à une personne travaillant dans une petite entreprise si elle s’y plaît, vous risquez d’obtenir une réponse mitigée. D’un côté, travailler dans une petite structure peut être agréable, passionnant et stimulant. De l’autre, on s’y sent souvent seul, et le travail peut être à la fois très intense et stressant.

Pour Ella Arensman, quelque chose dans la nature des PME, quel que soit leur secteur, fait que les employés sont vulnérables sur le plan psychologique et émotionnel. À la différence des grandes entreprises, les PME ne proposent souvent aucun soutien dédié dans ce domaine.

De petites entreprises, des tests de grande ampleur 

Mme Arensman est professeure de santé mentale publique à l’University College de Cork, en Irlande, et coordinatrice du projet MENTUPP, financé par l’UE, qui a débuté en 2020 et s’achèvera en fin d’année. En collaboration avec des partenaires de toute l’Europe, l’initiative inaugure une nouvelle approche visant à aider les PME à lutter contre les problèmes de santé mentale de leurs employés, et notamment contre la dépression.

«Nous espérons que MENTUPP pourra améliorer la santé mentale au travail», a déclaré Mme Arensman. «Peut-être parviendra-t-on à stopper la progression de la dépression.»

L’UE compte environ 23 millions de PME, des entreprises qui comptent moins de 250 employés et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 50 millions EUR. Des entreprises du bâtiment aux sociétés de transport en passant par les cafés et les coiffeurs, les PME représentent plus de 90% des entreprises de l’UE.

Pendant quatre décennies, Mme Arensman a mené un travail international sur les comportements autodestructeurs, le suicide, la dépression, l’anxiété, la toxicomanie et la stigmatisation, dans le domaine de la santé mentale en milieu professionnel.

Elle a observé une tendance à la hausse de ces problèmes auxquels sont confrontés les employés, lourds de conséquences pour les individus eux-mêmes et pour la société en général.

La dépression et l’anxiété sont aujourd’hui les troubles psychologiques et émotionnels les plus fréquents sur le lieu de travail. Un employé sur cinq déclare avoir des problèmes de santé mentale.

La pandémie de COVID-19 qui a éclaté en 2020 n’a fait qu’aggraver le problème. La crise actuelle engendrée par la hausse du coût de la vie, due à l’inflation élevée, ne fait qu’accentuer la tendance et offre un terrain idéal aux problèmes de santé mentale.

Les répercussions de la perte de productivité et de l’absentéisme sur l’économie sont impressionnantes. Selon les estimations mondiales de l’Organisation mondiale de la santé, la dépression et l’anxiété entraînent une perte de productivité de 1 000 milliards d’USD (environ 940 milliards EUR) chaque année.

Dans ce contexte difficile, l’UE cherche désormais des moyens d’intervenir: c’est là que MENTUPP entre en jeu.

Trois secteurs vulnérables

Le projet fournit une ressource en ligne gratuite aux employés des PME. L’objectif est de combler un manque en matière de soutien à l’épanouissement des employés dans trois secteurs où ils sont considérés comme particulièrement vulnérables : le bâtiment, la santé et l’informatique.

En 2019, Mme Arensman a publié une étude sur les facteurs de risque de suicide liés au travail. Depuis, elle s’est fixé pour mission d’améliorer le soutien.

«J’ai simplement pris conscience du fait que nous devions réaliser un travail plus important en amont, avant que les gens ne traversent une crise suicidaire», a déclaré Mme Arensman.

L’équipe du projet MENTUPP s’inspire d’un programme de prévention du suicide mis en place pour la première fois en Australie et ayant pour vocation d’aider les employés du bâtiment à parler de leur anxiété, de leur dépression et de leurs pensées suicidaires.

Au cours des dix dernières années, «Mates in Construction» (MIC) a lutté contre les stigmates qui entourent la santé mentale et aidé à mieux connaître les techniques permettant d’améliorer le bien-être dans un secteur traditionnellement masculin et dans lequel ces sujets peuvent être difficiles à aborder.

Mme Arensman qualifie d’«exceptionnel» le travail effectué par le MIC pour éliminer les obstacles et augmenter le nombre d’employés accédant à un soutien.

Un rapport de 2020 du MIC et de l’Université de Melbourne a révélé que, depuis le lancement du programme «Mates», les taux de suicide chez les employés du secteur du bâtiment en Australie ont diminué de près de 8%, se rapprochant ainsi de la moyenne masculine dans de nombreux États australiens.

Mme Arensman teste actuellement le système de soutien en ligne de MENTUPP. Celui-ci propose des centaines de documents fondés sur des données probantes, allant de conseils pour déstigmatiser les discussions sur la santé mentale au travail jusqu’aux moyens d’améliorer le bien-être des employés des PME.

Des conseils sur mesure

À Barcelone, en Espagne, le Dr Beatriz Olaya a diagnostiqué des problèmes de santé mentale similaires chez les employés des PME.

«Lorsque nous nous sommes rendus dans ces petites entreprises, nous nous sommes rendu compte que le besoin était tout simplement énorme», a déclaré Mme Olaya, psychologue clinicienne. «Les employés ont besoin d’un soutien psychologique et, très souvent, ils ne savent pas comment l’obtenir.»

Mme Olaya coordonne un projet financé par l’UE intitulé EMPOWER qui s’attaque aux mêmes types de problèmes que le projet MENTUPP et qui a aussi débuté en 2020. Le projet EMPOWER, qui prendra fin mi-2024, est une plate-forme de santé en ligne qui comprend un site Web, une application, une vidéo en ligne et des documents.

Une fois inscrit sur le site ou dans l’application, l’employé répond à une série de questionnaires qui aident l’équipe du projet à obtenir des informations sur des éléments tels que niveaux de stress actuels, dépression, anxiété, sommeil et facteurs de risque psychosociaux.

Le système EMPOWER formule ensuite une série de conseils sur mesure pour aider l’aider à se sentir mieux. Un soutien est aussi apporté aux personnes en congé maladie pour des problèmes de santé mentale.

Chaque jour, lorsque l’utilisateur se connecte, il est invité à indiquer comment il se sent avant d’être orienté vers des techniques psychologiques qui l’aideront à avoir un meilleur moral ou à garder le cap. Parmi ces techniques figurent des exercices de respiration et de relaxation ainsi que des tâches quotidiennes consistant à se fixer des objectifs pour améliorer sa motivation.

«Si vous décidez de courir deux fois par semaine et indiquez dans l’application que cette activité est destinée à améliorer votre humeur, l’application vous envoie des rappels et vous récompense», a expliqué Mme Olaya.

Certains des conseils sont fondés sur la thérapie cognitivo-comportementale, qui enseigne des compétences qui aident à faire face aux difficultés en se concentrant sur la façon dont les pensées, les convictions et les comportements affectent les sentiments et les actes.

Mme Olaya et son équipe ont développé EMPOWER avec des entreprises finlandaises, polonaises, espagnoles et britanniques. Des versions multilingues de l’application sont actuellement testées auprès de plus de 600 personnes dans les quatre pays cités.

«Nous voulons montrer que cela ne coûte pas cher et que c’est efficace», a ajouté Mme Olaya.

Signes d’espoir

Comme c’est le cas du projet MENTUPP, le système de soutien comprend lui aussi une application et est toujours en cours de test. Les résultats sont attendus dans le courant de l’année.

Selon Mme Arensman, des améliorations et des finitions supplémentaires seront encore apportées avant que le système puisse être déployé à plus grande échelle. Et de rappeler comment une petite entreprise de construction irlandaise est parvenue, grâce à la solution, à mieux soutenir la santé mentale d’un de ses employés.

«Ils nous ont dit que sans ces ressources, ils n’auraient pas décelé les signes avant-coureurs», a déclaré Mme Arensman. «Grâce à ces ressources, ils ont pu mieux reconnaître ce qui se passait et intervenir.»

Les retours d’autres utilisateurs des pays partenaires du projet MENTUPP ont été tout aussi encourageants. Mme Arensman espère que le projet s’avérera à terme aussi efficace que le projet australien «Mates» pour diminuer les comportements autodestructeurs et le suicide et pour améliorer la satisfaction et la productivité au travail.

«Nous n’en sommes pas encore là, mais nous espérons que ce sera pour bientôt», a-t-elle déclaré.

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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