Masque africain : vendu une somme dérisoire, il vaut des millions

Un couple de retraités vend, sans le savoir, une pièce exceptionnelle à un brocanteur pour une somme modique, alors qu’elle vaut en réalité plusieurs millions d’euros.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Publié le 5 octobre 2023 à 13h00
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4,2 millions d'eurosun couple de retraités cède un masque africain pour 150 euros alors qu'il vaut 4,2 millions

Masque africain : une vente à 150 euros qui vaut en réalité… 4,2 millions

Le couple de retraités n'avait aucune idée de la valeur réelle de cet objet qu'ils possédaient. Acquis au fil des années, le masque africain du XIXe siècle, un objet rare de l'ethnie Fang (Gabon), a été cédé pour seulement 150 euros à un brocanteur qui l'a revendu ensuite pour 4,2 millions d'euros, rapportent nos confrères du Monde. Caractérisé par ses traits uniques, ce masque a inspiré de grands peintres comme Modigliani et Picasso. Seuls quelques exemplaires de ce type de masque sont connus à travers le monde. Son histoire est aussi riche que complexe : passé de main en main depuis l'époque coloniale, il a appartenu à un gouverneur français, René-Victor Edward Maurice Fournier (1873-1931) qui s'était probablement rendu au Gabon et était le grand-père du mari retraité. Immédiatement après avoir pris connaissance de la vente de leur masque dans un journal, le couple de retraités a porté plainte pour tenter de la faire annuler, remettant en cause la moralité du brocanteur.

Partant du principe que le masque n'a jamais été exposé dans la galerie de celui-ci, tout porte à croire, selon eux, que le brocanteur a profité de leur candeur et de leur ignorance. C'est ce que souligne leur avocat, Frédéric Mansat Jaffré : «Il faut faire preuve d'un peu de bonne foi et d'honnêteté. Mes clients n'auraient jamais cédé ce masque à ce prix s'ils avaient su qu'il s'agissait d'une pièce rarissime». De l'autre côté, Yves-Bernard Debie, qui est un des spécialistes français en arts premiers et l'avocat du brocanteur : « Il ne s’agit clairement pas d’une tromperie. Les vendeurs savaient qu’ils vendaient un masque africain ancien qui venait d’un aïeul décédé en 1931. Donc, c'était forcément un masque authentique ancien. Le brocanteur savait qu’il achetait un masque africain ancien. Ce n’est pas une question de tromperie, mais simplement une question de valeur des choses. » Le scandale de cette vente a pris une telle ampleur qu'une association gabonaise (installée en France) s'est immiscée dans l'affaire, ajoutant une autre dimension à ce démêlé : « Je suis Gabonaise, de la culture fang. Ce masque ne se vend pas. Cet objet a une âme. Je trouve cela vraiment choquant », souligne celle qui est aussi présidente du Collectif Gabon Occitanie, Solange Bizeau. À quoi a rétorqué Yves-Bernard Debie : « Il faut déjà voir la légitimité des gens qui prétendent pouvoir parler au nom du Gabon ou d’une ethnie. Il s’agit d’un masque qui a été collecté dans des circonstances tout à fait correctes. Il n’y a pas la moindre raison de donner suite à une demande de restitution comme celle-ci. »

Loi, justice, moralité : qu'est-ce qui prime dans ce cas-là ?

La première qualité d'un brocanteur, c'est avant tout d'avoir du nez. Néanmoins, la revente du masque pour 4,2 millions d'euros par le brocanteur soulève des questions juridiques, mais aussi de moralité. Selon la loi, le couple de retraités peut-il faire annuler la vente ? Tout repose sur la preuve d'une intention malhonnête du brocanteur. Si l'escroquerie est avérée ou semble l'être, la justice peut effectivement intervenir. Le tribunal d'Alès est d'ailleurs déjà saisi, et la cour d'appel de Nîmes pourrait également être sollicitée dans cette affaire. L'affaire passera devant la justice le 31 octobre, et la décision sera rendue d'ici la fin de l'année 2023. En attendant, les comptes bancaires du brocanteur ont été bloqués, dans l'attente d'un « partage équitable » entre celui-ci et le couple de retraités.

Ce cas rappelle l'importance d'estimer la valeur de ses biens. Les trésors cachés peuvent se trouver là où on s'y attend le moins, et il ne faut pas oublier que certains professionnels n’ont aucun scrupule à profiter de l'ignorance des propriétaires non avertis. Et si vous aussi aviez un trésor caché dans vos vieux cartons ?

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin depuis septembre 2023.

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