Société Générale : la banque rattrapée par son passif russe

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 23 mars 2023 à 19h54
Societe Generale Benefice Plan Reduction Cout
3,2 milliardsLa Société Générale a perdu 3,2 milliards d’euros, lors de la vente forcée de Rosbank.

La banque rouge et noir subit encore les conséquences de son aventure russe avec son ex-filiale, Rosbank. Un homme d’affaires suisse, Gerhard Ammann, poursuit l’établissement pour non-respect des procédures de due-diligence.

Banque de détail de premier plan en Russie, Rosbank était encore la propriété de la Société Générale l’an passé. Suite à la guerre en Ukraine, la banque a été vendue en mai 2022 au groupe Interros Capital avec d’autres filiales d’assurance. Cette cession réalisée sous pression a fait perdre 3,2 milliards d’euros au groupe. Le repreneur de la banque, un proche du Kremlin, l’oligarque Vladimir Potanine, est depuis décembre 2022 sous sanctions américaines et britanniques.

Pour la Société Générale, le préjudice causé par la Rosbank est économique, réputationnel et judiciaire. Elle est, entre autres, impliquée dans une procédure devant la Cour Suprême de New York. Dans cette affaire, la Société Générale est accusée de négligence et du non-respect des procédures de due diligence vis-à-vis de son ex-filiale russe. À l’offensive face à la banque française, un homme d’affaires helvétique, Gerhard Ammann.

Détournements de fonds

Retour sur les faits. Dans les années 2010, Gerhard Ammann se retrouve en Russie et en Biélorussie, avec d’autres investisseurs, en relation d’affaires avec un certain Vincent Petrillo. Il présente bien. Homme d’affaires britannique arrivé tôt dans le pays, il connaît beaucoup de monde à Moscou. Et il le montre, ouvre les portes et rassure. Ici et là, des personnes très bien placées. De même à Minsk. Il est question d’investissements et d’un très beau projet, une tour commerciale dans la capitale du Bélarus. Tout se présente bien et la Rosbank ne trouve rien à redire à tout cela… or, elle n’aurait effectué aucun travail de due diligence sur la personne de Vincent Petrillo. Mais cela, les investisseurs ne le savent pas. Ils sont en confiance : Gerhard Ammann, avec d’autres investisseurs, transfère des fonds sur le compte de la société SNG Invest dirigée par Vincent Petrillo.

Au total, SNG-Invest récolte près de 3,7 millions de dollars. Censés être convertis en action, ces fonds sont détournés par Vincent Petrillo pour son usage personnel, sans doute avec des complicités internes.

Portée devant les tribunaux, l’affaire aboutit à la condamnation de l’escroc britannique à Londres en 2016. Vincent Petrillo doit rembourser un montant de 15 millions de dollars. Il se déclare opportunément en faillite. Il est ensuite condamné pour la même affaire à Moscou en 2018. Trois ans de prison. Il n’effectuera que la moitié de la peine incarcéré. Il a depuis disparu, mais vivrait toujours à Moscou. De son côté, Gerhard Ammann estime avoir été lésé de 80 millions de dollars dans cette affaire et n’entend pas en rester là.

Un défaut de vigilance à la Société Générale ?

C’est de l’autre côté de l’Atlantique que la procédure se poursuit cette fois-ci contre la Société générale. Selon les avocats de Gerhard Ammann, la Rosbank était consciente des malversations : elle serait même potentiellement impliquée. Un soupçon renforcé par les liens supposés de Vincent Petrillo avec Vladimir Golubkov. L’ex-dirigeant de la Rosbank a été condamné en 2013 pour corruption.

Malgré les alertes de Gerhard Ammann au moment des fraudes et après, elle a manqué à ses responsabilités et n’a pas, selon ses conseils, répondu aux courriers envoyés. Jusqu’à récemment… dans un courrier daté du 23 janvier 2023, la banque récuse les accusations formulées à son encontre et dit avoir “respecté ses obligations”, selon nos confrères de Challenges.

Du côté des avocats de Gerhard Ammann, la réponse de la banque française ne surprend pas. Gerhard Ammann et ses conseils le maintiennent : la banque française est responsable des agissements de sa filiale. C'était la responsabilité de la Société Générale de faire respecter les procédures de due diligence au sein de sa filiale Rosbank, quand elle était aux manettes. Ce sont là les griefs exposés à New York, devant les tribunaux.

Les reproches des avocats de Gerhard Ammann envers la Société Générale la rappellent à son aventure bancaire russe. Après New York, une procédure en France n’est désormais plus impossible selon ses conseils. Objectif : obtenir une reconnaissance des faits, et... une réparation pour le préjudice subit. A la Justice de trancher.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

Suivez-nous sur Google News Economie Matin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «Société Générale : la banque rattrapée par son passif russe»

Laisser un commentaire

* Champs requis