Stationnement : les villes contraintes de retirer des milliers de places d’ici 2026

D’ici 2026, les villes françaises devront supprimer des milliers de places de stationnement pour améliorer la sécurité des piétons. Cette transformation, imposée par la Loi d’orientation des mobilités, bouleverse la circulation, les habitudes et les équilibres économiques locaux. Elle suscite déjà de fortes réactions des maires, automobilistes et associations.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 25 novembre 2025 10h32
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Stationnement : les villes contraintes de retirer des milliers de places d’ici 2026 - © Economie Matin

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi d’orientation des mobilités, le stationnement fait l’objet d’un chantier inédit dans l’ensemble du pays. En effet, d’ici le 31 décembre 2026, toutes les places de stationnement situées à moins de cinq mètres en amont des passages piétons devront disparaître. Cette obligation nationale, fondée sur des impératifs de visibilité et de sécurité, oblige les villes grandes et petites à revoir leurs plans de voirie, parfois de façon radicale.

Une obligation nationale qui bouleverse l’espace urbain

La suppression des places de stationnement s’appuie sur l’article L.118-5-1 du Code de la voirie routière, rappelé par L’Argus le 21 novembre 2025 selon lequel la mesure vise à « garantir une meilleure visibilité mutuelle entre automobilistes et piétons ». Ainsi, les maires doivent retirer ou neutraliser tout emplacement situé dans les cinq mètres précédant un passage piéton. Les chiffres publiés par Leocare indiquent que cette zone équivaut précisément à 5 mètres, distance fixée comme seuil de sécurité.
Par ailleurs, cette obligation est une conséquence directe de la Loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019, laquelle impose l’application complète de la règle avant le 31 décembre 2026. Cette échéance oblige les municipalités à accélérer leurs travaux, car la loi s’applique à toutes les communes, quelle que soit leur taille ou leur densité de trafic.

Le chantier est colossal. À Amiens, par exemple, 3 325 emplacements, soit 7 % de l’ensemble du parc de stationnement, devront disparaître ou être entièrement réaménagés. La même situation se retrouve dans plusieurs grandes agglomérations, où les services de voirie cartographient les zones concernées. En pratique, chaque passage piéton implique la suppression d’au moins un, parfois deux stationnements.

Un enjeu de sécurité publique au cœur des décisions

L’objectif premier de cette suppression est de réduire les accidents impliquant des piétons. L’Argus rappelle que 456 piétons sont décédés en 2024 en France. La présence d’une voiture garée trop près d’un passage piéton peut masquer un enfant, un cycliste ou même un véhicule arrivant à vive allure.

Retirer les places de stationnement situées dans les cinq mètres précédant un passage piéton améliore nettement le champ de vision des conducteurs. À une vitesse de 50 km/h, le gain de visibilité atteint environ 1,60 m, ce qui permet aux automobilistes d’identifier plus tôt un piéton engagé et de réagir à temps. Cette donnée met en évidence l’efficacité concrète de la mesure et renforce la nécessité d’une application uniforme sur l’ensemble du territoire.

Des choix budgétaires et opérationnels pour les municipalités

La modification du stationnement urbain entraîne cependant des coûts considérables. Les villes doivent à la fois supprimer les anciennes places et les remplacer éventuellement par des aménagements alternatifs. Anne Verrier, première adjointe au maire d’Amiens, précise qu’« mettre des arceaux pour les vélos, c’est moins coûteux que … un aménagement avec un arbre où là, ça peut aller jusqu’à 5 000, voire 7 000 euros ».

Ces choix budgétaires influencent directement les politiques urbaines. Les élus doivent arbitrer entre la sécurité des piétons, la fluidité de la circulation, les besoins des commerçants et la pression des automobilistes. Par conséquent, chaque ville adopte une stratégie différente : certaines multiplient les zones de livraison, d’autres encouragent la rotation rapide des véhicules, tandis que certaines se tournent vers une réduction plus globale de la place de la voiture.

Réactions contrastées des maires et des usagers

Dans de nombreuses villes, la suppression des places de stationnement inquiète les automobilistes. Les commerces installés à proximité des zones concernées craignent une baisse de fréquentation, notamment dans les centres-villes où la voiture reste un moyen d’accès essentiel pour une partie des clients. À Amiens, plusieurs commerçants ont déjà signalé des difficultés prévisibles en raison de la perte de centaines d’emplacements.
Ces tensions sont accrues par la simultanéité d’autres chantiers urbains : zones piétonnes, pistes cyclables supplémentaires ou nouvelles réglementations de circulation. Les automobilistes dénoncent un cumul de contraintes qui rend l’usage de la voiture plus difficile, voire dissuasif. Toutefois, les maires insistent sur la nécessité d’assurer la protection des piétons et rappellent que la suppression des places devant les passages piétons répond à une obligation légale et non à un choix politique unilatéral.

À l’inverse, les associations de piétons et les collectifs pour la sécurité routière soutiennent vigoureusement ces mesures. Ils estiment que la visibilité accrue devant les passages piétons réduira les accidents graves, notamment pour les enfants qui sont souvent moins visibles lorsqu’un véhicule stationné réduit la distance de perception.
Les organisations locales, comme Les Droits du Piéton ou La Ville à Vélo à Lyon, appellent même à accélérer le calendrier d’application. Pour elles, la suppression des places est un levier simple, rapide et efficace pour sauver des vies. De plus, ces associations rappellent que la France accuse un retard sur d’autres pays européens, où l’interdiction du stationnement près des passages piétons est déjà généralisée depuis plusieurs années.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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