Taxe soda : le Sénat est pour, les boissons coûteront plus cher

Le débat sur la taxe soda revient sur le devant de la scène politique française, avec des évolutions en novembre 2024. Déjà approuvé à l’Assemblée nationale, l’amendement concernant cette taxe sera examiné au Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS). Mais pourquoi cette taxation soulève-t-elle autant de débats ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 19 novembre 2024 à 5h55
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taxe-soda-senat-hausse-prix-boissons-sante - © Economie Matin
47%. En France, 47 % de la population est en surpoids ou obèse

Les députés ont déjà voulu réformer la taxe soda

À l’Assemblée nationale, les députés ont voté en faveur d’un renforcement de la taxe soda, visant à inciter les industriels à réduire la teneur en sucre de leurs produits. L'objectif principal : lutter contre des problèmes de santé publique tels que l’obésité et la dégradation de la santé bucco-dentaire. Cependant, une frange des élus a exprimé des réserves. Certains estiment qu’une éducation renforcée à l’équilibre alimentaire serait une alternative plus adaptée, plutôt que de recourir systématiquement à des mesures punitives.

Un amendement a même été proposé pour accorder un sursis à l’industrie des boissons sucrées, mettant en avant des enjeux d’emploi et les spécificités de certaines régions, notamment les Outre-mer, où les nectars locaux seraient particulièrement affectés.

Historique de la taxe soda en France

Introduite en 2012, la taxe soda avait pour but de réduire la consommation de boissons sucrées, associées à des problèmes de santé comme l’obésité et les maladies cardiovasculaires. En 2018, elle a été modifiée pour intégrer 16 paliers d’imposition, selon la teneur en sucre des produits. Cependant, cette complexité a limité son efficacité :

  • Impact limité : Entre 2014 et 2019, la baisse de la teneur en sucre dans les sodas n’a concerné que 5 % des produits.
  • Revenus pour l’État : En 2023, cette taxe a rapporté 443 millions d’euros, un montant élevé pour les finances publiques, mais avec un effet sanitaire discuté.

Face à ces limites, les députés ont voté, le 4 novembre 2024, un amendement simplifiant cette taxation. Ce nouveau dispositif, inspiré du modèle britannique, prévoit trois niveaux de taxation et supprime les paliers actuels. Les boissons contenant moins de 5 grammes de sucre par litre ne seront plus taxées, incitant les industriels à revoir leurs recettes.

Comparaison internationale Système actuel (France) Proposition (France) Modèle britannique
Nombre de paliers 16 3 3
Taux minimum de sucre non taxé Aucun < 5 g/l < 5 g/l
Réduction observée des boissons sucrées Faible (5 %) En attente 40 % depuis 2018

Taxe sur les sucres ajoutés : le Sénat suit les députés

Les sénateurs souhaitent aller plus loin que leurs collègues de l’Assemblée. La rapporteure générale du PLFSS, Élisabeth Doineau, propose non seulement d’alourdir la taxe sur les boissons sucrées, mais également d'étendre cette mesure aux édulcorants. Ces derniers, souvent présentés comme une alternative au sucre, sont associés à des risques potentiels pour la santé, tels que des cancers. En outre, certains élus, comme Xavier Iacovelli, plaident pour une uniformisation de la taxation sur tous les produits industriels contenant du sucre ajouté.

La taxe pourrait générer jusqu'à 200 millions d’euros de recettes annuelles, selon les estimations. Mais cet alourdissement n’est pas sans conséquences pour les fabricants, qui prévoient une augmentation du prix des bouteilles de 1,5 litre de l’ordre de 15 à 18 centimes.

État actuel de la taxe Propositions du Sénat
Taxation limitée aux sodas Taxation élargie à tous les édulcorants
Rendement de 200 millions d’euros Alourdissement général de la taxe

Les industriels vent debout contre le Parlement

Le secteur des boissons sans alcool, représenté par des syndicats professionnels, s’oppose fermement à ces mesures. Ils soulignent que les boissons ne représentent que 4 % des apports quotidiens en sucre des Français (source : Crédoc). Le syndicat a récemment écrit à la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, pour dénoncer une approche jugée « punitive ». En parallèle, les grandes marques, comme Coca-Cola, mènent un intense lobbying auprès des sénateurs pour freiner cette réforme.

Certains élus locaux, sensibles aux préoccupations économiques, rejoignent ce front d’opposition. Ils mettent en avant les quelques 11.000 emplois liés aux 38 usines réparties sur le territoire, dont certaines sont implantées dans leur propre circonscription. Une taxation plus stricte, selon eux, risque de fragiliser ces sites industriels.

Taxer le sucre : une mesure efficace pour la santé publique ?

Taxer les sodas est-elle vraiment la solution pour améliorer la santé publique ? Les avis divergent. Les défenseurs de cette mesure la présentent comme un levier efficace pour forcer les industriels à reformuler leurs recettes. « Nous ne pouvons pas laisser les dents des enfants pourrir », martèle Élisabeth Doineau citée par Le Parisien. Les détracteurs, eux, soulignent que la taxation n’est qu’une réponse partielle au problème de surconsommation de sucre, et insistent sur l’importance d'une meilleure éducation alimentaire.

Si les taxes sur le sucre contribuent à réduire la consommation, elles ne suffisent pas à résoudre la crise sanitaire liée à l’obésité. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne que ces outils fiscaux doivent être accompagnés d’une éducation alimentaire renforcée. En France, 47 % de la population est en surpoids ou obèse, et la consommation de sodas atteint 65 litres par an et par habitant. Les mesures fiscales seules ne peuvent inverser cette tendance.

Des expériences internationales montrent que les taxes sur le sucre peuvent être efficaces si elles sont bien calibrées :

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  • Philadelphie (États-Unis) : Une taxe équivalente à 50 centimes d’euro par litre a réduit les ventes de sodas de 38 % en un an.
  • Mexique : Une taxe de 10 % sur les boissons sucrées a provoqué une baisse de 12 % des ventes dès la première année.
  • Royaume-Uni : Depuis l’instauration de la taxe à trois niveaux en 2018, la proportion des boissons très sucrées a diminué de 40 %.
Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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