Comment régler la facture de la T.E. sans pénaliser les Français, les entreprises et l’avenir de la France ?

Au niveau de la planète la transition énergétique a un prix. Le Boston Consulting Group l’a évalué entre 100. 000 et 150.000 milliards de dollars. Mais son coût social n’est pas assez regardé. La question des zones à faibles émissions dans les grandes agglomérations illustre le fossé qui pourrait se creuser au sein de la population française.

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Par Daniel Moinier Modifié le 29 novembre 2022 à 9h17
Transition Ecologique Dette Cout France
65 MILLIARDS €La dette d'EDF a atteint 65 milliards d'euros.

En ce qui concerne la France, plusieurs études ont été réalisées, notamment par Rexecode, l’Ademe, l’OFCE. En 2015, il a été estimé que pour atteindre les objectifs nationaux de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) le coût devait se situer entre 42 et 65 milliards. Ce sont les chiffres qu’avaient aussi annoncé l’ancien vice-président senior de la Banque Mondiale Nicholas Stern. Mais comme pour Flamanville et l’EPR, les données n’arrêtent pas d’évoluer vers le haut, en 2019, ils sont passés entre 62 et 82milliards d’euros par année. Depuis mi-2022 nouvelle estimation, les montants s’échelonneraient entre 90 et 100 milliards d’euros. Mais compte tenu de la complexité de tout ce qui est en jeu, la modestie commande de dire que ces derniers chiffres sont très hypothétiques !

Pour se représenter ce montant, c’est environ le déficit annuel de la France quand nous sommes près de 4% du PIB.

Ce qui veut dire qu’en additionnant, le déficit serait doublé. Comment alors trouver les recettes nécessaires alors que sans T.E. nous n’y arrivons déjà pas. Il est nécessaire de rappeler que depuis 1975 nous sommes en déficit continu quelque soit les gouvernements et présidents qui se sont succédé.

Quant au Medef, Le Président du syndicat patronal, Geoffroy Roux de Bézieux, braque le projecteur sur son coût. « Sur le sujet de l'écologie, la planification est nécessaire tout simplement parce que l'enjeu dépasse l'horizon de raisonnement de la sphère privée. On parle mal de transition et surtout, on évite les sujets qui fâchent, comme les investissements massifs nécessaires » justifie le porte-parole du patronat.

Et d’ajouter, « la facture va être salée et il sera nécessaire d’envisager rapidement des baisses d’impôts de production ».

En France, les plus importants pollueurs sont 27 grands groupes qui émettent 50% des rejets du secteur industriel. Les entreprises ont déjà investi 350 milliards d’euros en 2021 et devront mettre au moins 35 milliards de plus par an d’ici à 2030.

Il faut tout de même reconnaître que ces secteurs ont déjà bien avancé. De 1990 à 2019, la France a obtenu 90% de ses réductions d’émissions de carbone grâce aux efforts menés dans l’industrie et l’énergie. Par contre l’agriculture est en retard. Elle devra mieux utiliser ses engrais et valoriser ses déchets.

L’autre très important pollueur, c’est la sidérurgie, principalement ArcelorMittal, qui est responsable de près 25% des émissions de l’industrie tricolore. Il s’engage à réduire ses émissions de CO2 de 40% d’ici 2030.

Autre très gros pollueur le transport aérien, celui-ci s’est lancé un pari fou, l’atteinte du « Zéro émission nette d’ici à 2050 ».

Mais comme dans tous les secteurs d’activité, la neutralité carbone ne sera pas neutre pour les trente prochaines années. Cela va peser lourd sur les finances du secteur aérien. L’Union Européenne a posé un objectif pour 2030 : Une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. L’industrie elle-seule ne pourra réduire la facture que de moitié. Qui payera le reste ?

Eurocontrol (Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne fondée en 1960) a essayé d’évaluer les coûts de la transition écologique pour l’aviation. Elle a présenté trois scénarios pour la décennie en cours :

-Une trajectoire de base croissance avec un essor modéré du trafic avec une adoption progressive des carburants aériens durables (SAF) en ligne avec les mandats d’incorporation posés par Bruxelles.

-Une trajectoire haute avec une disponibilité et compétitivité économique des SAF favorisant leur croissance rapide au-delà des seuils obligatoires.

-Une trajectoire basse niveau d’émissions qui peine à se décorréler du trafic et se réduit lentement.

L’autre défi porte sur le nucléaire et son coût budgétaire pour la France, tant les décisions prises auront un impact sur les générations suivantes. Et même à un horizon de 50 ans voire 100 ans pour ce qui concerne la création de six nouveaux réacteurs nucléaires annoncés par le Président de la République. Leur coût étant estimé entre 46 à 65 milliards d’euros. Le projet est inscrit à l’ordre de la prochaine loi de programmation pluriannuelle de politique énergétique en 2023.

La gauche sous François Hollande avait décidé de réduire le nucléaire à 50% (alors qu’il était à 75%). Il aurait été bien plus simple, comme je l’avais écrit dans un article de l’époque, de ne rien changer puisqu’avec l’augmentation des énergies renouvelables, la France pouvait atteindre ces 50% sans « toucher » au nucléaire. L’augmentation de la production d’électricité étant devenue obligatoire rien qu’avec le passage aux voitures électriques ainsi qu’avec tous les nouveaux transports mus par l’électricité.

L’autre difficulté c’est de comprendre comment l’un des fleurons de l’industrie française est aujourd’hui lesté d’une dette de 65 milliards d’euros avec un parc moitié à l’arrêt, alors que la France en aurait cruellement besoin. Le coût de ces arrêts sont estimés à 32 milliards d’euros.

Le nucléaire a été l’un des points forts de la France. Il pourrait en être le maillon faible si les dérives observées ces dernières années, y compris dans la gouvernance de l’État se poursuivent.

Alors comment trouver ces financements que personne n’a dans la poche ? Et pourtant ceux-ci sont incontournables et même en partie rentables. Tous les pays européens ont le même problème.

Il existe peut-être une solution au niveau européen. La thèse développée par le Pacte Finance Climat ainsi qu’Alain Grandjean et Mireille Martini qui ont constaté que la création monétaire d’une BCE abondante n’est pas dirigée vers l’économie réelle mais vers les marchés financiers. Il suffirait de la diriger pendant 30 années vers l’économie de la transition énergétique.

Chaque pays disposerait annuellement d’un droit de tirage de minimum 2% de son PIB de financements à taux zéro pour des investissements privés et publics nécessaires à la transition.

Il faut toutefois rappeler que la France, c’est 1% de la population mondiale et 1% des émissions de CO2 ! Chacun en déduira ce qu’il veut !

Une possibilité pour trouver rapidement ces milliards qui manquent pour la transition énergétique.

Personnellement, je ressors ma proposition favorite qui découle d’une analyse de près de vingt années sur les déficits de la France mais aussi de presque tous les pays européens et pour certains mondiaux.

Plus la durée de vie a augmenté, plus les heures travaillées ont diminué. Pour certains employeurs cela peut être acceptable mais pour les pays c’est catastrophique financièrement.

Avant Covid, en France, il manquait 25% de PIB pour que celle-ci soit sans déficit, soit 25% d’heures travaillées, ce qui peut représenter un manque de 11.500 heures travaillées sur la durée de vie de chaque salarié base horaire. C’est proportionnel dans presque tous les pays.

Comment rattraper ce manque : En passant aux 40 heures avec des départs en retraites à 65 ans (avec le plus court délai possible).

40 heures ce serait hors fonction publique (au départ), 100 à 110 milliards de plus par année dans notre économie, le sauvetage de toutes les caisses, Etat, Sécurité sociale, Retraites, Assedic, la baisse du chômage, un smic avec 230€ de plus par mois, pour les entreprises une augmentation de leurs marges et des heures supplémentaires en moins, pour les banques jusqu’à 13% d’encours en plus.

Ce serait très différent de l’augmentation des salaires réclamée par les syndicats, puisqu’à l’inverse cela diminuera le prix de revient des entreprises sans être inflationniste.

Une maxime tient tout son sens : « Travailler plus pour dépenser mieux » : plus écologique, plus local, moins low-cost.

La Suisse peut être un exemple avec ses 42 + 1 heure (43h minimum jusqu’à 50) et ses 65 ans de retraite depuis toujours.

Cette heure en plus non payée a été demandée par votation par les Suisses pour aider financièrement l’état suite à une forte hausse du Franc Suisse lors de la crise de 2009 ! Quel exemple !

www.danielmoinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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