Loyers impayés et saisie des rémunérations : que dit (vraiment) la loi ?

Depuis le 1er juillet 2025, la procédure de saisie des rémunérations dite également de saisie sur salaires a profondément évolué. Cette réforme, issue de la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice, vise à simplifier et moderniser cette mesure d’exécution forcée permettant de régler une dette reconnue préalablement par un juge.

Benoit Santoire
By Benoît Santoire Published on 8 août 2025 5h30
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congés payés, arrêt maladie, décision, justice, cedh, cour de cassation, france, droit, travail - © Economie Matin
4%Environ 4% des loyers en France ne sont pas payés pendant plus d'un mois

Elle permet à un créancier muni d’un titre exécutoire de demander à un commissaire de justice de prélever directement entre les mains de l’employeur ou de l’organisme qui verse des prestations à son débiteur une fraction de ses rémunérations en paiement de sa créance. Cette nouvelle procédure peut s’appliquer à toutes les dettes, dont les loyers impayés mais pas seulement.

Désengorger les tribunaux

Jusqu’à présent, le créancier qui voulait obtenir le paiement d’une dette reconnue par une décision de justice devait ensuite saisir un autre juge pour faire appliquer des mesures d’exécution forcée par les greffes des tribunaux. La réforme issue de la loin de 2023 supprime le recours au juge de l’exécution et aux greffes pour mettre en œuvre le recouvrement. C’est désormais le commissaire de justice, officier public et ministériel placé sous la tutelle du ministère de la justice et soumis à une stricte déontologie, qui exécutera le recouvrement à la demande du créancier ayant obtenu au préalable gain de cause en justice. Cette réforme s’inscrit dans un mouvement plus vaste de dit de déjudiciarisation d’un certain nombre de procédures avec pour objectif de désengorger les tribunaux, d’accélérer les procédures mais aussi de réduire certains frais de justice, notamment plusieurs millions d’euros de frais de courrier réglés par l’Etat.

Le contrôle du juge toujours présent 

Il faut rappeler que l’office d’un juge ne disparaît pas pour autant de la procédure, qui conserve un régime de protection spécifique des droits du débiteur étant donné le caractère alimentaire du salaire. C’est pourquoi la réforme préserve une somme plancher ne pouvant faire l’objet d’aucune saisie, et garantit au débiteur le droit de pouvoir recourir à un juge à tout moment pour faire valoir ses droits ou contester une mesure d’exécution.

Ainsi que l’a voulu le législateur et conformément aux principes fondamentaux de notre droit dont celui du droit à un recours effectif, l’ensemble de la procédure conserve un caractère juridictionnel strictement encadré et soumis à un contrôle plein et entier. Si le créancier a pu faire valoir en amont son droit légitime à voir sa dette payée, il importe aussi que le débiteur puisse faire valoir en aval son droit tout aussi légitime à garder les moyens de vivre dignement. Tel est l’équilibre dont s’assure aussi le commissaire de justice tout au long de l’exécution de la mesure de recouvrement.

Période de conciliation avant saisie

Il est ainsi essentiel de souligner que la saisie sur salaires n’est jamais appliquée sans que le débiteur en soit préalablement avisé. Elle est systématiquement est précédée d’une période de conciliation dont l’objectif est d’explorer l’ensemble des solutions permettant de régler la dette en échelonnant son paiement, y compris par des versements volontaires. En cas d’absence d’accord, le commissaire de justice est habilité à mettre en œuvre des mesures d’exécution coercitives mais aussi proportionnées au montant de la dette et à la situation personnelle du débiteur. La saisie sur salaire n'est donc qu’une procédure possible parmi d’autres déjà existantes. La réforme vient ainsi rationnaliser les moyens dont dispose le professionnel du droit pour exécuter un jugement. Si la saisie des rémunérations vient à être mise en œuvre, le commissaire de justice en avise

Reversement des fonds plus rapide

L’autre innovation majeure de cette réforme est de permettre un reversement des fonds plus rapide. Là où le système antérieur ne permettait de reverser au créancier les sommes dues que deux fois par an au maximum, la réforme permet au commissaire de justice dit répartiteur de reverser ces sommes toutes les 6 semaines, sachant que l’apurement définitif de la dette prend le plus souvent de longues années car les sommes prélevées chaque mois sur le salaire sont en général modestes.

Consulter en amont le commissaire de justice, officier public et ministériel

Dans tous les cas, dès que survient un litige sur le paiement d’une dette, qu’elle concerne un loyer ou autre chose, le commissaire de justice peut être sollicité au plus tôt pour essayer de trouver une solution amiable dans l’intérêt de toutes les parties. Un tel recours favorise le maintien d’un dialogue et peut éviter le couperet d’une décision de justice. Le commissaire de justice, officier public et ministériel, est un juriste de proximité qui peut être consulté, interrogé à tous les stades de la procédure et dans n’importe quelle situation de mise en recouvrement. Il ne faut pas hésiter à l’interroger, le plus tôt possible, pour identifier avec lui des solutions. Auxiliaire de justice, le commissaire de justice dispose d’un certain nombre de compétences (Conseil juridique, matérialisation de preuves dites « parfaites », médiation, recouvrement amiable et forcé ou administration de biens) très diversifiées qui lui permettent de dispenser des conseils avisés quelles que soient les situations des justiciables, créanciers et des débiteurs.

Benoit Santoire

président de la Chambre nationale des commissaires de justice

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