Des analgésiques courants renforcent la résistance d’E. coli aux antibiotiques

Des chercheurs de l’University of South Australia ont publié, le 26 août, une étude que la communauté médicale doit prendre au sérieux. L’association d’analgésiques courants avec la ciprofloxacine, antibiotique largement prescrit, accroît les risques de voir apparaître des souches d’E. coli capables de développer une résistance beaucoup plus forte.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 1 septembre 2025 12h30
Des analgésiques courants renforcent la résistance d’E. coli aux antibiotiques
Des analgésiques courants renforcent la résistance d’E. coli aux antibiotiques - © Economie Matin
4,95 millionsÀ l’échelle mondiale, le danger est déjà palpable, les infections résistantes aux antimicrobiens sont responsables d’environ 4,95 millions de décès par an.

Quand les analgésiques accélèrent l’évolution d’E. coli

L’ajout d’ibuprofène ou de paracétamol à la ciprofloxacine ne se limite pas à modifier la réponse thérapeutique, il accélère la mutation bactérienne. Selon le Pr Rietie Venter, dans des propos partagés par Pourquoidocteur.fr : « lorsque les bactéries ont été exposées à la ciprofloxacine en association avec l’ibuprofène et le paracétamol, elles ont développé davantage de mutations génétiques qu’avec l’antibiotique seul. » Ces mutations, en multipliant les variations génétiques, renforcent la capacité de la bactérie à s’adapter et à résister.

L’effet synergique constaté va au-delà d’une simple interaction, il favorise l’émergence de bactéries plus agressives. Ce constat est d’autant plus inquiétant que ces analgésiques sont consommés massivement, souvent sans prescription, et considérés comme inoffensifs. Leur usage conjoint avec des antibiotiques pourrait donc s’avérer bien plus problématique qu’imaginé jusqu’ici.

Des défenses bactériennes renforcées face aux traitements

Les chercheurs ont montré que l’ibuprofène et le paracétamol déclenchent l’activation de pompes d’efflux, mécanismes naturels d’expulsion des antibiotiques hors de la cellule bactérienne. « L’ibuprofène et le paracétamol activent tous deux les défenses des bactéries afin d’expulser les antibiotiques et de les rendre moins efficaces. », a précisé le Pr Venter, dans des propos partagés par News-Medical.net. Ce processus rend la ciprofloxacine nettement moins performante et accroît la persistance de l’infection.

Les données chiffrées soulignent l’ampleur du phénomène. Le mélange furosémide + ciprofloxacine multiplie par 32 la concentration minimale inhibitrice (MIC) nécessaire pour neutraliser E. coli, et par 16 celle du lévofloxacine. Avec l’atorvastatine ou le diclofénac, la MIC de ciprofloxacine grimpe aussi d’un facteur 16. Quant à la combinaison ibuprofène + paracétamol, elle porte la fréquence des mutations à 1,40 ± 0,56 × 10⁻⁶ pour la souche BW25113 et 1,57 ± 0,51 × 10⁻⁶ pour la souche 6146, comme l'indique la revue npj Antimicrobials and Resistance. Ces hausses spectaculaires traduisent une perte d’efficacité dramatique des traitements standards.

Polypharmacie des seniors, un terrain fertile pour la résistance

Dans les maisons de retraite, où de nombreux résidents cumulent cinq traitements ou plus, l’association d’analgésiques et d’antibiotiques devient monnaie courante. Ce contexte de polypharmacie constitue un terreau idéal pour que des résistances insoupçonnées se développent en silence. Les auteurs de l’étude alertent sur le risque de voir les pratiques médicales quotidiennes contribuer involontairement à la propagation de bactéries plus coriaces.

À l’échelle mondiale, le danger est déjà palpable, les infections résistantes aux antimicrobiens sont responsables d’environ 4,95 millions de décès par an. Ce chiffre illustre l’ampleur d’une crise sanitaire que l’Organisation mondiale de la santé classe parmi les plus graves menaces actuelles. L’effet aggravant de simples analgésiques sur l’efficacité des antibiotiques souligne l’urgence de repenser l’usage combiné de ces médicaments, en particulier chez les populations vulnérables.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

No comment on «Des analgésiques courants renforcent la résistance d’E. coli aux antibiotiques»

Leave a comment

* Required fields