Shein-BHV : la polémique de trop ?

Tout l’establishment parisien s’emporte contre l’ouverture prochaine d’un corner Shein au sixième étage du grand magasin parisien. Un crachat au visage des millions de clients français de la marque, qui passe mal dans un contexte social explosif.

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By Charles de Blondin Last modified on 7 octobre 2025 9h21
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Shein-BHV : la polémique de trop ? - © Economie Matin
1,63 MILLIARD €Shein a réalisé environ 1,63 milliard d'euros de chiffre d'affaires en France en 2023.

Shein serait-il en passe de s'imposer, bien malgré lui, comme l'ennemi public n°1 en France ? A lire ou entendre, non sans une dose d'incrédulité, la cacophonie d'indignations sélectives qui saturent le débat public à propos de la plateforme chinoise, on serait tenté de croire que l'Hexagone est sous la menace d'une formidable invasion venue d'Orient.

Une alliance pour revitaliser les centres-villes

Dernière incursion en date, l'ouverture prochaine de six nouvelles boutiques physiques Shein en France. Une au sein du mythique BHV, à Paris, cinq en province, plus précisément. L'annonce a été dévoilée par la Société des Grands Magasins (SGM), propriétaire du BHV Marais et de plusieurs Galeries Lafayette, à Dijon, Grenoble, Angers ou Reims.

Pour un BHV à l'image – et à la clientèle – vieillissante, l'objectif poursuivi est simple : « attirer une clientèle plus jeune et connectée, tout en préservant l'ADN historique des grands magasins : lieux de proximité, de découverte et de (…) mixité sociale », précise un communiqué commun à la SGM et Shein. Une décision qui s'inscrit « dans la stratégie globale de modernisation » portée par le patron de la SGM, Frédéric Merlin.

Alors que le secteur français de l'habillement s'enfonce dans la crise et que les centres-villes de l'Hexagone continuent de se désertifier, « cette alliance est plus qu'un simple lancement », a appuyé M. Merlin : « c'est un engagement pour revitaliser les centres-villes partout en France, restaurer les grands magasins et développer des opportunités pour le prêt-à-porter ».

Les opposants à Shein perdent leur sang froid

Ouvrir un corner d'une marque en vogue pour tenter de dynamiser et renouveler ses flux clients : l'idée est vieille comme les grands magasins parisiens. Elle s'est pourtant heurtée, comme tout ce qui touche à Shein depuis quelques mois, à une vague de protestation sans précédent. Au point de faire oublier toute mesure aux opposants à l'implantation de Shein qui, mais c'est sans doute un hasard, sont aussi ses concurrents.

De la Fédération nationale de l'habillement (FNH), qui a exprimé « sa profonde désapprobation » à celle du Prêt-à-porter féminin (FFPAFP) qui a, sur on ne sait quels critères, dénoncé « un manque de respect pour (la) clientèle fidèle » du BHV, en passant par Libération, titrant que l'arrivée de Shein au sixième étage du magasin parisien serait « une honte nationale » ou l'ancienne ministre Olivia Grégoire traitant l'enseigne chinoise de « fossoyeur » des petits commerces, c'est à un véritable concert de critiques que l'on assiste.

Ne craignant pas le ridicule – ou le cherchant précisément pour faire le buzz ? – l'ancien adjoint d'Anne Hidalgo et candidat à sa succession Emmanuel Grégoire a quant lui lancé sa propre pétition contre l'arrivée de Shein à quelques mètres de son hypothétique futur bureau, jugeant cette perspective « INACCEPTABLE » (les majuscules sont d'origine). A l'heure où ces lignes sont écrites, 2 095 héros avaient courageusement signé.

Enfin, les Galeries Lafayette ont tout simplement refusé l'installation de l'enseigne chinoise dans leurs rayons, tenant « à exprimer leur profond désaccord » avec la décision de la SGM et jurant de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour « empêcher » une telle catastrophe en si flagrante « contradiction avec (…) leurs valeurs » – car oui, les Galeries Lafayette ont des « valeurs », et qu'on se demande bien lesquelles n'est manifestement pas le sujet.

Les élites parisiennes contre le peuple

Élus, grands groupes, corporations et lobbies : tout ce beau monde, communiant dans le parisianisme le plus primaire et l'incapacité à innover depuis des décennies pour dynamiser des centres-villes dont on semble soudain redécouvrir l'existence et l'état avancé de gentrification, monte donc au créneau contre le barbare chinois.

En oubliant, un peu vite, un léger détail : le citoyen, le consommateur, l'électeur. Car il suffit de jeter un œil aux commentaires sous les publications de M. et Mme Grégoire pour se rendre compte du décalage entre les indignations à géométrie variable des élites parisiennes et la réalité du ressenti des habitants de Paris et d'ailleurs.

Arti Blondin 07102025

(certains des commentaires sous la publication X d’Olivia Grégoire)

Et c'est une volée de bois vert ; pas contre Shein, mais contre ces puissants déconnectés qui crachent, et tout fiers d'eux par-dessus le marché, au visage des 23 millions de clients que compte Shein en France. A l'heure où la maire du VIIIe arrondissement se pavane à la télévision pour justifier ses dizaines de milliers d'euros d'achats, sur fonds publics, de vêtements de luxe, on voudrait souffler sur les braises du mécontentement social qu'on ne s'y prendrait pas mieux.

Cdeblondin

Diplômé d'une grande école de commerce et de l'EEIE, Charles de Blondin est consultant en intelligence économique. Après avoir exploré le Proche-Orient et vécu en Jordanie pour étudier l'arabe, il décide de fonder le média Billet de France en 2019 dont il est le rédacteur en chef. Dans ce cadre, il réalise différents grands reportages de l'Arménie à la Mauritanie en passant par l'Ukraine.

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