Alors que la planète s’interroge sur sa capacité à absorber l’essor de la demande mondiale d’énergie, les nouvelles prévisions de l’AIE dévoilent un tournant structurel : une accélération simultanée de la consommation d’électricité et une augmentation prolongée de la demande de pétrole, dessinant une trajectoire tendue pour les systèmes énergétiques malgré l’essor des renouvelables et la transformation numérique.
Énergie : L’AIE alerte sur une demande en forte hausse jusqu’en 2050

Publié le 12 novembre 2025, le rapport World Energy Outlook 2025 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) rebat les cartes du débat sur l’énergie. Tandis que les États multiplient les promesses de transition, les chiffres confirment une pression croissante sur la consommation et sur l’ensemble des filières, du pétrole à l’électricité.
Une demande d’énergie en forte hausse, portée par l’électricité et les usages numériques
Dans son scénario basé sur les politiques existantes, l’AIE anticipe une hausse inattendue de la demande mondiale d’énergie, qui progresserait d’environ 90 exajoules d’ici 2035, soit une augmentation de 15 % selon Reuters. Cette croissance, pourtant observée alors que les politiques climatiques se densifient, confirme une tension durable sur les systèmes de production et de distribution d’énergie. Bien que les politiques annoncées par certains pays puissent tempérer ces dynamiques, la réalité actuelle laisse entrevoir une trajectoire encore difficile à infléchir, puisque de nombreux secteurs voient leur consommation augmenter malgré les gains d’efficacité.
Parallèlement, les prévisions de l’AIE montrent que la part de l’électricité dans la consommation énergétique mondiale progresse rapidement, atteignant déjà environ 21 % aujourd’hui. Cette hausse résulte notamment de l’essor de la numérisation, des véhicules électriques et de l’intensification des usages industriels électrifiés. Cette dynamique confirme que l’électricité devient un pilier des économies modernes, même si cette progression intensifie la pression sur les infrastructures et exige des investissements massifs pour accompagner cette mutation.
Un système électrique sous tension face à une croissance record de la consommation
La demande d’électricité devrait augmenter d’environ 40 % d’ici 2035 dans les scénarios CPS et STEPS de l’AIE. Une telle augmentation impose une transformation rapide des réseaux, car l’électricité devient essentielle au fonctionnement d’un nombre croissant d’usages. L’expansion des centres de données, des véhicules électriques et de l’automatisation industrielle renforce ce mouvement. À ce titre, l’AIE estime que les investissements dans les centres de données atteignent environ 540 milliards d’euros en 2025, selon Euronews. Ce volume d’investissements illustre l’ampleur des besoins de puissance et de continuité d’alimentation associés à l’intelligence artificielle et aux technologies cloud, dont la croissance dépasse les anticipations formulées il y a encore quelques années.
Pour Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, cette dynamique tranche avec les discours sur la sobriété cité par Euronews, affirme : « Nous continuerons d’utiliser du pétrole, nous continuerons d’utiliser du gaz. Mais la croissance de la demande en électricité est spectaculaire ». La consommation d’énergie reste encore dominée par les combustibles fossiles, même si l’électrification progresse à grande vitesse. Les systèmes électriques doivent, dans ce contexte, intégrer davantage de production renouvelable tout en garantissant une stabilité suffisante pour des secteurs industriels et numériques particulièrement sensibles aux fluctuations.
Le pétrole en progression jusqu’au milieu du siècle, malgré l’essor de l’électricité
Contrairement aux scénarios optimistes évoquant un pic imminent, la nouvelle projection de l’AIE indique que la demande mondiale de pétrole pourrait continuer de croître jusqu’à 2050 dans le scénario CPS. Les analyses de l’agence indiquent que la consommation pourrait atteindre 113 millions de barils par jour à mi-siècle, soit environ 13 % de plus que les niveaux de 2024. Cette progression s’explique par la persistance de la demande dans les transports lourds, l’aviation et la pétrochimie, secteurs où la substitution par l’électricité reste limitée. En parallèle, de nombreux pays émergents voient encore leur consommation augmenter pour accompagner l’urbanisation et l’industrialisation. De fait, les prix pourraient rester élevés sous l’effet d’une demande durablement forte alors même que les filières n’investissent plus au même rythme qu’auparavant.
Cependant, le rapport distingue clairement les trajectoires selon les cadres politiques. Dans le scénario STEPS, qui reflète les engagements publics déjà annoncés, la demande pétrolière se stabiliserait dès la fin de la décennie, comme l’indique l’AIE. Cette divergence entre politiques existantes et politiques annoncées met en évidence un enjeu majeur : la vitesse de mise en œuvre des mesures gouvernementales. Plus ces politiques tardent, plus la demande continue d’augmenter, ce qui retarde l’atteinte du pic pétrolier.
