2019, la fin du quatuor dans les télécoms ?

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Par MBUNDU-MENDES Handers Publié le 3 janvier 2019 à 6h20
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@shutter - © Economie Matin
85 MILLIARDS €Le déploiement de la 5G rien qu'en France rapporterait jusqu'à 85 milliards d'euros en 2035.

Les derniers bilans trimestriels de SFR comme de Free montrent des entreprises en grande difficulté face à des concurrents féroces cherchant à les dévorer. Les offres "à vie" de SFR comme la sortie de la FreeBox V7 suffiront-elles à reconquérir les abonnés perdus ? Les prix faibles et la concurrence accrue sur le marché des Télécoms les ont rendus vulnérables. De plus face à l’investissement que nécessite le futur du réseau mobile qu'est la 5G ces derniers ne semblent pas de taille. Une fusion entre deux opérateurs paraît inévitable. Autrement dit, 2019 pourrait bien être une année charnière où un acteur des télécoms va bientôt en manger un autre.

En mai 2018, l’ARCEP, Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes, a changé sa position. Cette dernière concède qu’une diminution du nombre de compétiteurs dans le secteur télécom est désormais envisageable. La danse des opérateurs se fera-t-elle à trois ? Quelle fusion se prépare ?

En 2016 Orange rate sa tentative de rachat sur Bouygues Télécom. Les principaux intéressés n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le prix de ce dernier. Jusqu’à cette année la vente par Martin Bouygues de son entreprise de téléphonie est restée en suspens. Sauf que le 29 mai 2018, une rencontre a été organisée entre Patrick Drahi et lui. Contre toute attente, l’ordre du jour portait, non pas sur la vente de Bouygues, mais sur le rachat de SFR. Martin Bouygues souhaiterait « acquérir 51% de SFR » et l’Elysée lui aurait donné son feu vert. Ces éléments abondent dans le sens d'un rapprochement de ces deux compagnies. Mais est-ce suffisant pour prédire leur fusion pour cette année ? Les négociations sont toujours en cours.

La 5G présente une note salée

L’arrivée de la 5G est considérée comme étant l’une des plus grosses révolutions des télécoms à venir. D’après Christophe Cavazza, expert du domaine, la 5G promet des prouesses « 100 fois supérieure à celles actuelles1 », et servira dans la mise en place de nouveaux services comme la démocratisation de la Réalité Virtuelle ou de nouveaux contenus vidéos2. Cette technologie est aussi un enjeu clé pour d'autres secteurs. Par exemple l'automobile avec l’essor de la voiture autonome3. Cependant tout cela aura un coût.

Actuellement les opérateurs en particulier Free et SFR, ne peuvent pas faire face seule aux frais d’installation de cette technologie. En effet leur situation financière actuelle respective est périlleuse. D’un côté, SFR a une dette de plus de 50 milliards d’euros, plus de 5 fois son chiffre d’affaire et continue de perdre des abonnés. Tandis qu'Iliad, groupe détenant l’opérateur Free, a vu sa dette doublée passant à 2,4 milliards d’euros entre 2015 et 2017, alors que sa croissance s’est ralentie fortement. Autre point, le coût annuel moyen de la 5G reviendrait à environ 1,2 milliard d’euros pour Free et Bouygues Télécom, 2,2 milliards d’euros pour Orange, 1,5 milliard d'euros pour SFR. Un partenariat, un rachat ou une fusion entre deux concurrents leur donneraient les finances nécessaires pour l’avènement de la 5G.

Avec un contenu plus attractif pour les abonnés, ces sociétés justifieraient leurs augmentations de tarifs. Cela permettrait d’une part de rentabiliser l’investissement tout en profitant de la croissance de ce nouveau marché. D’après l’étude d’IHS Markit le déploiement de la 5G rien qu‘en France rapporterait jusqu’à 85 milliards d’euros en 2035.

Free et SFR dans le rouge

Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, rappelle qu’en France un marché à quatre est trop petit, et qu’une industrie dans laquelle seule 2 des 4 opérateurs génèrent un bénéfice n’est pas viable.

En fin d’année 2018, les voyants sont au rouge pour Illiad4, la maison-mère de Free, avec un revenu trimestriel en baisse de 0,2%. Rien que sur le segment ligne fixe cela représente une baisse de plus de 2,2%, soit 30 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 1,334 milliard d’euros. Dans son dernier rapport financier, le groupe enregistre une perte de 14 000 abonnés dans le fixe et 90 000 abonnés chez FreeMobile, ne profitant pas de la dynamique de marché sur les ventes de carte SIM5. La raison, un management n’arrivant pas à se réinventer. Free a toujours été perçu comme un trublion, au cours de cette décennie, apportant de nombreuses nouveautés ayant structuré le paysage français des Télécoms. La Box multiplay ou plus récemment le lancement Free Mobile en sont des exemples notables. Free n’arrive plus à être la force motrice d’innovation du secteur.

Du côté de chez SFR, les difficultés se font également ressentir. Sa capitalisation boursière ne cesse de baisser. Alors que fin 2017, celle-ci représentait 13,5 milliards d’euros, un an à peine écoulé, plus de 50% de sa capitalisation a disparue, passant à 6,3 milliards d’euros. Un tel désamour des marchés s’explique par des perspectives de croissance faible, des résultats en deçà des attentes et un poids de la dette toujours plus important. Tous ces éléments aussi bien en matière de réussite commerciale, que d’un point de vue financier rendent de plus en plus probant son rachat...

Un gouvernement favorable

Même sans l’accord de l’ARCEP, un autre scénario politique appuierait la réalisation d’un tel mariage.

Dans le cadre de la loi PACTE qui figure dans le projet de loi de finance 2019, l’Etat français songe à céder ses participations afin de récupérer un pactole estimé à plus de 10 milliards d’euros. En privatisant Orange, - autre propriété de l’Etat - ce dernier irait à la recherche de nouveaux partenaires afin de consolider sa position sur le marché.

En partant de ce constat, il est très probable qu’Orange cherche, comme Bouygues, à reprendre Free ou SFR.

Les acteurs économiques et politiques sont d’accord pour évoquer le fait que la peinture actuelle nous renvoie à un monde des télécoms désuet. Les enjeux en termes d’investissement sont de tailles entre le coût de déploiement de la fibre optique, et l’arrivée de la 5G dans les prochaines années. Même si la date n’est pas communiquée un mariage sera organisé très prochainement.

1) https://www.silicon.fr/avis-expert/5g-le-reseau-sans-fil-nest-que-la-partie-visible-de-liceberg?inf_by=5bb62574671db83b128b46bd

2) https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2018/08/28/32001-20180828ARTFIG00231-la-5g-prochaine-revolution-internet-et-mobile.php

3) https://www.frandroid.com/marques/qualcomm/460480_qualcomm-pourquoi-la-5g-sera-importante-pour-la-conduite-autonome

4) https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/iliad-accuse-un-recul-historique-en-bourse-apres-un-t1-decevant-1764712.php

5) https://selectra.info/telecom/actualites/acteurs/resultats-arcep-t3-2018-ventes-cartes-sim-hausse

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Mbundu-Mendes Handers est consultant junior du cabinet de conseil Groupe Square.