Banques : il y a urgence à se transformer

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Par Maryam Velasque-Maghsoodi Modifié le 25 mai 2016 à 11h45
Banque Transformation Secteur Bancaire Urgence
@shutter - © Economie Matin
40 %La valorisation boursière du secteur bancaire a perdu 40 % en Europe depuis l'été dernier.

Maryam Velasque est experte du secteur bancaire chez X-PM, l’un des acteurs majeurs du management de transition, ex Directrice Générale de GE Capital.

Il est temps que les banques accélèrent leur mutation pour s’adapter aux attentes des clients, des marchés financiers et du régulateur. Et mettent un terme au doute sur leur transparence supposée. Faute de quoi, elles verront leur influence décroître et leur rentabilité menacée.

Car le monde bancaire est en révolution ; les crises financières se succèdent et leurs conséquences sont colossales en matière de pression sur les marges, de politique crédit et d’image ; les possibilités technologiques facilitent la désintermédiation ; le régulateur impose une réglementation toujours plus contraignante ; les marchés financiers et les actionnaires exigent une plus grande profitabilité alors que les activités historiques connaissent une baisse drastique de rentabilité accentuée par la faiblesse des taux ; l’informatique est obsolète et coûteuse, guidée non par la vision client mais par la comptabilité ; la concurrence des FinTech s’installe de manière durable, soutenue par l’engouement des clients et des fonds d’investissements. Banque de détail, banque de financement et d’investissement, banque privée, établissements de paiement ou de crédit. Aucun métier ne peut survivre s’il n’engage à son tour sa mue. C’est exactement comme si les Lombards, grands prêteurs au Moyen Âge, avaient fermé les yeux devant ceux qui allaient devenir les banques d’aujourd’hui.

Le système est vieillissant. Depuis l’été dernier la valorisation boursière du secteur a perdu 40% en Europe, rappelant que les restructurations post-crise de 2008 ne sont pas achevées. L’ensemble des banques des pays développés a perdu depuis plus de 650 000 emplois. Dans bon nombre de pays le nombre d’agences à été divisé par plus de deux et en France plus de 2000 agences ont fermé. Les fermetures programmées confirment que la désertion s’est imposée comme le nouveau mal des agences bancaires tant la chute de fréquentation est vertigineuse. L’heure est venue de se transformer. Le pouvoir n’est plus entre les mains du banquier. Hier encore nous entendions le Credit Lyonnais entonner « Le pouvoir de dire OUI » ! La menace ne se limite plus à la banque en ligne mais attaque le métier de banquier, sa politique d’acceptation, l’ADN de sa relation avec son client.

De nouveaux acteurs non bancaires investissent le métier. Un million de personnes surveillent leurs dépenses sur Bankin’. Le compte Nickel ouvert chez les buralistes est en progression exponentielle avec 350 000 comptes. Les opérateurs mobiles, Orange en tête dès 2017, lancent des banques 100% digitales. Apple Pay arrivera en France dans la foulée. Google y pense avec sa Google Wallet et son milliard de clients Android. Les plateformes de crowdfunding tel que Lendix sont en croissance avec un risque crédit pour l’heure maitrisé. Paypal initialement boosté par Elon Musk, le même qui est en passe de révolutionner la voiture électrique avec Tesla, gère 8 millions de clients. La carte bancaire n’existera plus en tant que support de paiement, concurrencée par le paiement mobile. Visa vient d’ouvrir pour la première fois sa plateforme aux développeurs et la technologie Blockchain cristallise tous les espoirs de décentralisation et de traçabilité.

La transformation doit être engagée, sur la quasi totalité des métiers et sur toute la chaîne de valeur. La nouvelle banque doit être centrée sur le client, omni-canale, en temps réel et au juste coût. Parce que les nouveaux acteurs vont vite et sont en passe de faire mieux. Ils partent à la conquête des niches mal desservies par les banques (PME, jeunes, interdits bancaires…) ou viennent ouvrir une brèche abyssale dans un processus défaillant (gestion à distance, crédit, ouverture de compte, vision en temps réel…). Que ces nouveaux acteurs viennent exercer une pression concurrentielle durable est acté, mais surtout elles vont peser sur la rentabilité des acteurs historiques car ce sont désormais elles qui vont dicter les prix. Pour les banques, être concurrencées est une chose, être dépassées en est une autre. S’ouvre une ère nouvelle où la conquête de nouveaux clients passe par des offres innovantes sur les temps forts du cycle de vie et une exécution sans faille de la promesse client. Coté gestion, l’atout majeur réside dans le Big Data, autrement dite l’analyse comportementale et sa déclinaison en termes de politique d’octroi et d’interaction client. Quant à la distribution, elle doit être repensée non seulement sur le Net mais aussi en terme d’usage. La majorité des banques a entamé sa transformation systémique mais le virage est prudent, le rythme déconnecté de la réalité du marché et dicté par la taille des structures. Il est grand temps donner au client et au marketing leurs titres de noblesse. Grand temps d’accélérer les mues organisationnelles pour être plus agile. Grand temps de sortir du cercle des migrations informatiques coûteuses et des optimisations opportunistes car toute innovation majeure à environnement technique constant est impensable.

Enfin, à nouveau métier, nouvelles compétences. Beaucoup de banques ont procédé à des acquisitions ou incubé des start-ups. Très peu encore se font accompagner par des dirigeants de transition rompus à la mise en œuvre en mode commando de stratégies structurantes. Ces dirigeants expérimentés et à la capacité de décision rapide peuvent intervenir pour libérer des forces vives. Ils ont aussi vocation à accélérer une exécution sans faille de la transformation bancaire et insuffler l’esprit entrepreneurial nécessaire au développement d’une nouvelle relation bancaire disruptive.

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Maryam Velasque est experte du secteur bancaire chez X-PM Management de Transition Début de carrière en qualité de consultant en management chez KPMG Peat Marwick (1998) puis chez KPMG Consulting. GE Capital : conseiller auprès du président (2005), membre du comité exécutif et directeur général de l’activité X-­Sell (2007) responsable de la stratégie de développement du portefeuille de clients puis directeur général épargne (2009) en charge du lancement de cette activité. Associé (depuis 2015) en charge du secteur bancaire et des fonds d’investissement chez X-PM.