Le coût de Cigéo : le principe du pollueur-payeur

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Par Sylvain Gosselin Publié le 23 novembre 2017 à 14h18
Nucleaire Engagement 2025 1
25 MILLIARDS €Le projet Cigéo coûtera 25 milliards d'euros.

Dans toute activité industrielle entraînant la création de déchets nocifs pour l’environnement, le principe du pollueur-payeur fait aujourd’hui jurisprudence lorsqu’il s’agit d’établir la responsabilité de la prise en charge des « frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci ». L’industrie nucléaire ne déroge pas à la règle et finance progressivement, dans le cadre du projet Cigéo, de nouvelles solutions de stockage et de traitement des déchets les plus radioactifs, afin de ne pas reporter la charge de la gestion de ces déchets sur les générations futures.

Cigéo, une solution de gestion durable et pérenne

La gestion et le traitement des déchets radioactifs est un domaine où la France est particulièrement à la pointe, s’attachant à les réduire à la source, à diminuer leur volume une fois qu’ils sont produits, et à proposer des solutions de stockage pour les déchets ultimes adaptées à la durée durant laquelle ils sont dangereux. L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est chargée dans ce cadre de trouver, de mettre en œuvre et de garantir des solutions de gestion sûres pour l’ensemble des déchets radioactifs français. Or, si des solutions de traitement efficientes sont déjà en place en surface (dans l’Aube et dans la Manche) pour les déchets de très faible activité (TFA), et les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC), les déchets les plus radioactifs sont actuellement entreposés dans les centres de La Hague, Marcoule et Cadarache dans l’attente d’une solution pérenne.

Prévu dans le cadre de cette politique de gestion responsable des déchets, le projet Cigéo pour « Centre industriel de stockage géologique » doit permettre d’offrir à terme une solution de gestion durable pour le stockage des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL) issus majoritairement de l’industrie électronucléaire qui représentent un volume limité de l’ordre de 3 à 4% des déchets radioactifs produits dans l’Hexagone. Une fois le projet validé définitivement, ce futur centre industriel de stockage sera implanté à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne et permettra d’abriter 10.000 m3 de déchets HA et 75.000 m3 de déchets MA-VL (c’est-à-dire l’ensemble des déchets déjà produits et à produire par le parc nucléaire) pour une durée de vie estimée à 100.000 ans.

Entré en phase pré-industrielle en 2011, Cigéo a déjà fait l’objet d’un débat public en 2013 sur la base de l’esquisse du projet. La demande d'autorisation d'ouverture du centre devrait être déposée en 2019 pour un début de la phase d'essai en 2025 et une mise en service industrielle prévue à l’horizon 2030.

Un coût déjà intégré dans les comptes d’EDF, d’Areva et du CEA

Le coût de ce programme qui s’étale sur plus de 100 ans est nécessairement approximatif et fait l'objet d’une appréciation évolutive et actualisable en fonction des études en cours, de l’évolution des conditions économiques (inflation, prix des matières premières…), et des éventuelles optimisations techniques et financières (allongement des alvéoles de stockage, creusement au tunnelier…) à prévoir sur toute la durée d’activité du centre de stockage. Ce coût, fixé par le gouvernement dans un arrêté du 16 janvier 2016 à 25 milliards d’euros après concertation de l’Andra et des producteurs de matières et déchets radioactifs (EDF, Areva et le CEA), doit en effet prendre en compte à la fois le coût de construction de l’installation et son coût d’exploitation sur les 140 prochaines années.

Comme le stipule la loi, « le coût afférent à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue est évalué sur une période de 140 ans à partir de 2016. Ce coût est fixé à 25 milliards d'euros aux conditions économiques du 31 décembre 2011, année du démarrage des travaux d'évaluation des coûts », mais pourra être mis à jour à chaque étape clé du développement du projet (autorisation de création, mise en service, fin de la phase industrielle pilote, réexamens de sûreté).

« Il est important de préciser que ce montant ne représente pas la somme à mettre de côté dès aujourd’hui. Il est calculé pour une gestion à long terme des déchets et concerne donc des dépenses qui se feront au fil du temps pour les déchets déjà produits. En fait, il correspond à un investissement de départ qui, une fois placés correctement, rapporteront des inté­rêts permettant de disposer de la somme globale le moment venu », précisait de son côté Gaëlle Saquet, secrétaire générale de l’Andra en 2012.

Le calcul du coût de référence du stockage des déchets pour l'ensemble des producteurs a été réalisé sur la base des conclusions rendues par le groupe de travail constitué sous l’égide de l’Etat et réunissant les administrations concernées, l’Andra et les producteurs de déchets (EDF, AREVA, CEA), et adapté aux conditions économiques récentes. Le montant annoncé a d’ailleurs déjà été provisionné par les producteurs EDF, Areva et la CEA et validé par la cour des comptes.

Et quand est-il pour le consommateur et sa facture d’électricité ? Pour Pierre-Franck Chevet, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC) : « Nous bénéficions tous de la production d’électricité. Il est normal que nous payions également pour le traitement des déchets que cela occasionne. C’est un peu comme le principe de l’éco-taxe dans l’électroménager. Dans le cas de l’électricité, cela correspond à moins de 1 % de la facture que chaque citoyen paye pour sa consommation d’électricité. »

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Titulaire d'un BTS et d'une licence professionnelle en génie climatique, Sylvain Gosselin a travaillé chez Management RH jusqu’en 2015. Un temps responsable d'un bureau d'étude en Aquitaine où l'essentiel de son travail consistait en la rédaction de dossiers techniques et d'appel d'offres, Sylvain Gosselin a opéré un virage à 180° en se lançant dans une carrière de conseil et audit opérationnel dans le secteur du nucléaire.

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