Les circuits courts sont-ils si courts et au marché, un producteur est-il un véritable producteur ?

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Par Daniel Moinier Modifié le 7 octobre 2020 à 13h12
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Le changement climatique, l'écologie ont poussé les consommateurs à changer leur mode de consommation. Depuis ces dernières années le mouvement a pris une ampleur importante. L'idée imposée qu'il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre gagne du terrain, notamment en réduisant les distances de transport, aériennes, maritimes et par camions.

Suite à cela, de plus en plus de consommateurs se détournent de la grande distribution en s'orientant vers les circuits courts alimentaires, pour essayer de diminuer la pollution et préserver l'environnement.

Le succès s'explique aussi par la volonté des ménages d'acheter des denrées de meilleure qualité et aussi de soutenir la production agricole proche de chez soi.

Les recommandations gouvernementales mais surtout nutritionnelles émanant des autorités sanitaires incitent à faire attention à l'environnement en privilégiant les produits locaux.

Qu'en est-il du bilan carbone ?

Il varie en fonction des pratiques des consommateurs et selon les types de circuits courts.

Contrairement à ce que pense beaucoup de personnes, les circuits courts ne sont pas toujours les plus courts ; loin s'en faut.

DEFINITION :

C'est un mode de commercialisation des produits agricoles défini par le ministère de l'agriculture, qui s'exerce par la vente directe du producteur au consommateur ou par la vente indirecte, à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire.

Deuxième point qui va en surprendre plus d'un : La distance ! La notion de proximité n'est pas présente dans les textes.

Un produit acheté directement à un agriculteur est considéré comme court, même s'il nécessite un transport de plusieurs milliers de kilomètres.

Exemple :
un français qui commande via internet du Kumis à un agriculteur d'Asie centrale !

Acheter à la ferme est-ce écologique ? Oui et Non.

Si chaque personne effectue 20, 30… kilomètres en voiture (essence ou diesel) pour rapporter trois, quatre kilos de denrées, multiplié par X acheteurs, c'est beaucoup plus polluant et moins écologique que si ce même producteur vendait ces produits sur le marché. Il n'y aurait qu'un voyage. Ce type de ventes est reconnu par les experts comme le mode de consommation le plus émetteur de GES.

PRODUCTEUR : Nom indiqué sur l'étal d'un agriculteur.

Un producteur qui vend ses produits sur les marchés ne produit pas assez pour les vendre toute l'année. Il est donc obligé de se fournir chez d'autres ou par les circuits courts… D'où des déplacements supplémentaires de lui et de ses fournisseurs.

Les circuits courts s'organisent de plus en plus pour rester dans un périmètre régional, mais ils ne peuvent pas trouver tous les produits demandés toute l'année.

Une étude très récente de scientifiques européens et même internationaux a conclu que les émissions de GES générés par les transports sont 80% plus élevées pour les circuits courts que les circuits longs (Grande distribution). Ce constat s'appuie sur une analyse de l'acheminement d'un panel de produits : légumes, fruits, poissons, viandes, fromages…provenant de 208 producteurs de 7 pays, France comprise.

Pourquoi un tel écart ?

En premier une histoire de quantité :

Ce sont des « semi-remorques » qui livrent directement la grande distribution alors que le producteur du coin consomme beaucoup plus de carburant (au kilomètre qu'un gros bateau) avec plus de voyages et retours à vide des véhicules. (étude réalisée par Jean-Louis Lecoeur à l'Université de Bourgogne-Franche-Comté, à AgrosSup Dijon et chercheur à l'Inrae).

En deuxième : La capacité du consommateur à résister aux produits non locaux.

Beaucoup de produits ne peuvent être cultivés localement, en premier les bananes, les ananas, avocats, oranges, mandarines, les papayes…et bien sûrs beaucoup d'autres à chaque bout de la France, artichauts, olives, citrons, mirabelles, quetsches, prunes, pêches, brugnons, certaines épices, condiments et spécialités locales, etc…

Sans circuit court optimisé, des kiwis produits régionalement peuvent émettre plus de CO2 que ceux cultivés en Nouvelle-Zélande, sauf s'ils arrivent par avion ! Aucun étiquetage ne permet à ce jour d'identifier ces denrées. Une loi du 10 février dernier prévoit un affichage environnemental au-delà du CO2, sur beaucoup de produits avec une première expérimentation prévue dans un an et demi.

Concernant les circuits courts régionaux, de nouvelles organisations diminuent progressivement le coût carbone, y compris des groupements d'acheteurs par famille. Autre avantage, il n'y a pas la nécessité de calibrage des produits, d'où moins de gaspillage.

Conclusion :

Les circuits courts possèdent beaucoup de vertus, d'adhésion de consommateurs, mais n'y gagnent pas encore suffisamment en empreinte carbone.

www.danielmoinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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