Comment le contrôle des loyers nuit à ceux qu’il est supposé aider

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Par Hal Snarr Publié le 10 avril 2019 à 5h33
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Les dispositifs de contrôle des loyers avantagent les locataires les plus aisés. Un consensus parmi les économistes ne dissuade pas les politiciens d’y recourir.

L’Etat de l’Oregon est sur le point de mettre en place un dispositif d’encadrement des loyers(1) dans le but d’apporter une « solution » au problème de pénurie de logements à laquelle font face ses habitants.

L’Oregon sera ainsi le premier État américain à se doter d’une telle législation. Cette politique est présentée comme un moyen de rendre les loyers plus abordables dans cet État qui compte trois villes (Eugene, Portland et Salem) classées parmi les 40 les plus chères du monde(2).

Pour comprendre comment cette législation risque en réalité de nuire à ceux qu’elle est supposée protéger, étudions le fonctionnement d’un marché locatif modélisé de façon simplifiée à l’aide du graphique ci-dessous.

Il représente une situation dans laquelle l’Etat n’interfère pas dans les transactions réalisées volontairement entre propriétaires et locataires. Dans cet exemple, le jeu de l’offre et de la demande permet l’allocation optimale de 100 logements à un prix d’équilibre de 1500 $ par mois.

La ligne rouge représente la demande de logements en location. Le point n°1 sur cette ligne indique ce que le locataire disposant du budget le plus important est capable de payer (2 500 $ dans cet exemple). Le point n°2 sur la courbe indique ce que le locataire disposant du budget le plus faible est capable de payer (moins de 500 $). Le point d’équilibre (en noir) indique ce que le locataire disposant d’un budget dans la moyenne est capable de payer (1 500 $).

graphique coût des loyers

La ligne bleue représente l’offre de logements à louer. Etant donné que certains propriétaires ont des emprunts immobiliers adossés à leurs biens alors que d’autres non, que certains logements sont situés dans de grands ensembles immobiliers alors que d’autres sont des logements individuels, ou encore que certains donnent accès à de nombreux services annexes aux locataires alors que d’autres ont des charges communes minimales, cette courbe représente un classement des biens à louer du moins coûteux au plus coûteux en termes de frais de maintenance et de financement pour le propriétaire.

Le logement situé sur le point n°1 de la courbe bleue coûte ainsi 500 $ par mois à son propriétaire, alors que celui situé sur le point n°2 coûte 2 500 $ par mois en frais de maintenance et frais financiers à son propriétaire.

Si on observe sur cette ligne bleue la location n°1, on constate qu’à la fois le propriétaire et le locataire sont gagnants dans la transaction.

Le locataire pense être celui qui a fait la meilleure affaire étant donné qu’il était prêt à consacrer 2 500 $ par mois mais ne paye finalement que 1 500 $.

Le propriétaire de son côté pense également être le plus grand gagnant dans cette affaire puisqu’il était prêt à accepter un loyer de 500 $ mais a finalement réussi à trouver un locataire prêt à payer 1 500 $. Les deux parties sont gagnantes dans la transaction et ont donc accepté de signer le contrat de location.

L’ensemble des 100 logements loués constituent des accords gagnant-gagnant. Les locataires disposaient d’un budget compris dans une fourchette entre 2 500 $ et 1 500 $, mais chacun ne paye que 1 500 $. Ils ont donc tous le sentiment d’être gagnants dans la transaction par rapport à leur propriétaire. La surface du triangle rose permet de mesurer ce sentiment.

Du côté des propriétaires, chacun d’entre eux perçoit un loyer de 1 500 $, alors qu’ils étaient prêts à accepter un loyer compris entre 500 $ et 1 500 $. Ils ont donc le sentiment d’être les plus grands gagnants dans la transaction. La surface du triangle bleu permet de mesurer ce sentiment. Ainsi, l’ensemble des participants sur ce marché sont gagnants.

La partie en rouge pâle de la ligne de demande représente les locataires potentiels qui ont dû renoncer à un logement car le prix fixé par le marché est supérieur à leur budget. J’étais l’un d’entre eux lorsque j’étais encore au lycée. J’avais terriblement envie de prendre mon envol et d’avoir mon propre appartement, mais je ne pouvais pas me l’offrir.

Les travailleurs occupant des emplois peu qualifiés et les jeunes diplômés qui n’ont pas encore décroché un premier emploi peuvent également se trouver dans cette catégorie. Si la sous-location est illégale, cette catégorie a toujours la possibilité de trouver un appartement en périphérie dans une ville moins chère. La partie basse de la courbe de demande est représentée en pâle afin d’illustrer leur décision de louer en dehors du marché locatif modélisé.

Les réglementations immobilières peuvent avoir un effet néfaste sur le niveau des loyers et l’offre de logements. Les plans d’urbanisme imposés par l’Etat de l’Oregon(3) ont pour conséquence de restreindre les zones où la construction de nouveaux immeubles d’habitation est autorisée. Cette politique a pour conséquence de réduire l’offre de nouveaux logements et par conséquent d’alimenter la pénurie ainsi que l’augmentation des loyers.

Autre exemple, la municipalité de New York cherche à limiter les sous-locations(4), ce qui a pour conséquence de réduire l’offre de logements disponibles à la location et donc d’augmenter le niveau des loyers. Etant donné que de nombreux locataires auraient pu sous-louer une chambre si cela avait été autorisé, ces restrictions ont pour conséquence d’augmenter le nombre de personnes à la recherche d’un logement, ce qui a également pour effet d’entraîner une augmentation des loyers.

En l’absence de réglementations, le marché serait capable de trouver des solutions innovantes au problème de la pénurie de logements. Par exemple, avant la mise en place des plans d’urbanisme, les Américains déjà établis transformaient leur maison en hôtel résidentiel ou en pension de famille(5) pour les voyageurs et les nouveaux arrivants, ce qui n’est pas si différent des chambres à bas coût aujourd’hui disponibles sur Airbnb.

Quand les loyers atteignent un niveau trop élevé, les mesures de contrôle des loyers deviennent populaires parmi les politiciens réellement bien intentionnés ou cherchant simplement à gagner des voix.

Le graphique ci-dessous illustre ce qu’il advient lorsque l’Etat cherche à fixer le niveau des loyers (la ligne en vert dans cet exemple). Les locataires potentiels qui se situent entre les points trois et quatre sur la courbe de demande reviennent sur le marché dans l’espoir de trouver un appartement compte tenu du prix plus bas imposé par l’Etat. C’est pourquoi nous représentons à présent cette partie de la courbe en rouge vif.

Etant donné que les coûts de financement et de maintenance des logements qui se situent entre le point bleu et le point n°3 excèdent le prix imposé par la loi, les propriétaires de ces logements préféreront les retirer du marché (par exemple pour les louer sur Airbnb).

Par conséquent, dans cet exemple, le loyer maximum fixé par la loi a pour conséquence de porter à 150 le nombre de personnes à la recherche d’un logement, tout en réduisant à 50 le nombre de logements disponibles. Si la sous-location est illégale, une partie des personnes à la recherche d’un appartement risque de devoir dormir dans leur voiture, ou même dans la rue, en attendant qu’un logement se libère.

graphique équilibre des loyers évolue

Rappelez-vous que la ligne de demande en rouge représente un classement des locataires du plus riche (en haut à gauche) au plus pauvre (en bas à droite). Les foyers les plus riches sont généralement propriétaires de leur maison. La partie de la ligne bleue qui se situe entre les points n°1 et n°2 se compose donc principalement de membres de la classe moyenne supérieure, la partie de la ligne bleue entre le point n°2 et le point n°3 correspond à la classe moyenne inférieure, et les plus pauvres se retrouvent entre les points n°3 et n°4.

Etant donné que la classe moyenne supérieure possède des moyens plus importants que la classe moyenne inférieure et les plus modestes, les foyers présents dans cette catégorie représentent pour les propriétaires les dossiers les plus sûrs, et ils seront capables de verser les dessous-de-table les plus importants.

Par conséquent, les 50 locataires disposant des revenus les plus élevés obtiendront les 50 appartements disponibles sur le marché au prix fixé par l’Etat. Les foyers de la classe moyenne inférieure, qui disposaient d’un appartement en ville avant la mise en place du contrôle des loyers, en sont à présent chassés. Les plus pauvres, qui disposaient d’un logement en périphérie avant la mise en place du contrôle des loyers, sont maintenant sans logement.

Bien que le contrôle des loyers soit présenté comme une politique visant à aider les plus défavorisés, il a en réalité pour conséquence d’augmenter le nombre de sans-abris parmi les plus pauvres et la classe moyenne inférieure.

Les seuls bénéficiaires sont les locataires les plus riches qui bénéficient de loyers plus bas. Leur gain par rapport au propriétaire après la mise en place du contrôle des loyers (représenté par les zones en rose et en violet), est plus important qu’avant la mise en place du contrôle des loyers (représenté par la zone en rose).

Les conséquences du contrôle des loyers sont bien comprises par les économistes, aussi bien de gauche(6) que de droite(7). Etant donné le rare consensus qui règne parmi les économistes sur ce sujet, il est étonnant qu’un Etat tel que l’Oregon soit sur le point de mettre en place une mesure qui aura pour conséquence inéluctable d’anéantir le marché du logement.

Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici


(1) https://www.apnews.com/5852bf92518d4502acb0270099066d73

(2) https://www.apnews.com/5852bf92518d4502acb0270099066d73

(3) https://www.oregonlive.com/opinion/2016/03/want_to_make_housing_affordabl.html

(4) https://www.subletalert.com/nyc-cracking-illegal-sublets/

(5) https://mises.org/wire/government%E2%80%99s-war-affordable-housing

(6) https://www.nytimes.com/2000/06/07/opinion/reckonings-a-rent-affair.html

(7) https://townhall.com/columnists/thomassowell/2002/02/07/the-housing-farce-n1303788

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 Hal Snarr est professeur assistant d’économie à l’université Westminster de Salt Lake City dans l’Utah.

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