La concurrence, une bonne chose pour le consommateur, vraiment ?

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Par Sébastien Denis Modifié le 29 novembre 2022 à 9h24
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+19%En 2017, le Médiateur national de l'énergie a ainsi été saisie de près 15 000 cas de litiges, soit une hausse de 19% par rapport à 2016.

Vantée par l'Europe comme une garantie de prix bas et d'amélioration des services, l'ouverture à la concurrence donne aussi lieu à des pratiques commerciales contestables de la part des nouveaux acteurs entrés sur le marché.

La sacro-sainte loi de la concurrence : depuis sa création, l'Union européenne (UE) ne jure que par elle ; en témoigne, à Bruxelles, la suprématie de la DG (direction générale) Concurrence sur l'ensemble des services de la Commission européenne et de leurs politiques. Selon le site officiel de l'institution, la concurrence « contribue à stimuler l'esprit d'entreprise et la productivité, à élargir l'offre pour les consommateurs, à faire baisser les prix et à améliorer la qualité des biens et des services ». « Ce sont vos choix de consommation qui indiquent aux entreprises la direction à prendre », jugent encore les eurocrates, invitant néanmoins les citoyens à signaler « les entreprises qui (leur) semblent ne pas respecter le jeu de la concurrence ».

Le contre-exemple du secteur de l'énergie

Utile précision. Le règne de la concurrence ne bénéficie en effet pas systématiquement aux consommateurs ; l'ouverture du marché de l'énergie offrant, ainsi, un saisissant contre-exemple aux préceptes bruxellois. Depuis une douzaine d'années, les consommateurs français ont ainsi la possibilité de changer de fournisseur de gaz ou d'électricité. Or ce qui pouvait originellement apparaître comme une bonne opération sur leur facture d'énergie se transforme, parfois, en parcours du combattant...

C'est la conclusion que tire de son baromètre annuel le Médiateur national de l'énergie, institution créée en 2006 afin de défendre les consommateurs dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Dans l'édition 2018 de son rapport, le Médiateur fustige une nouvelle fois les « mauvaises » pratiques commerciales des entreprises du secteur. En 2017, l'institution a ainsi été saisie de quelque 15 000 cas de litiges, soit une hausse de 19% par rapport à l'année précédente. « La majorité des dossiers que nous traitons porte (…) sur des contestations de facturation (…) tandis que d'autres contentieux persistent ou sont en recrudescence, comme ceux liés au démarchage », relève ainsi le médiateur, Jean Gaubert.

Cette dernière pratique est particulièrement reprochée à des entreprises comme Engie, Total Spring ou l'italien Eni, dont le Médiateur estime qu'elles ne semblent pas « maitriser le B.A.-BA de leur métier », rappelant qu'elles étaient déjà dans le viseur de l'institution en 2017 en raison de leurs pratiques commerciales « douteuses ». Un démarchage aussi agressif que peu transparent, les commerciaux n'hésitant pas à mentir ou à profiter de la faiblesse de certains clients pour leur faire signer des contrats promettant de substantielles économies. D'autres encore se retrouvent liés à ces entreprises alors qu'ils affirment n'avoir jamais donné leur accord, n'ayant pour simple tort que d'avoir répondu à un courriel ou à un appel téléphonique.

Depuis l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, le démarchage téléphonique connait, justement, une hausse spectaculaire : plus de la moitié (54%) des foyers représentatifs interrogés par une étude affirment en effet avoir été démarchés pour des travaux d'isolation thermique, et plus de quatre sur dix (42%) pour s'équiper grâce aux énergies renouvelables. Et que ce soit au téléphone, en ligne ou sur le palier de leurs cibles, les démarcheurs sont souvent payés au résultat, relève Jean Gaubert, ce qui les incite à redoubler d'efforts – et de fausses promesses – pour convaincre leurs prospects. Résultat de ce véritable harcèlement : en 2018, le nombre de litiges liés au démarchage à domicile a augmenté de 30%.

La catastrophe de la privatisation des trains anglais

Le secteur de l'énergie n'est pas le seul à pâtir de l'ouverture à la concurrence ; les usagers des réseaux ferrés britanniques en savent, eux aussi, quelque chose. Privatisés au début des années 1990, les réseaux ferroviaires anglais sont passés sous la coupe d'une entreprise privée incapable d'assurer les investissements nécessaires à leur entretien et rénovation. Conséquences : une dégradation continue des infrastructures menant à des accidents, parfois mortels. Depuis, le réseau est à nouveau passé sous contrôle public, faisant grimper la dette ferroviaire de la Grande-Bretagne à 60 milliards d'euros. Et aujourd'hui, 75% des Britanniques s'expriment en faveur d'une renationalisation complète de l'exploitation de leurs trains.

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Conseiller énergétique, Sébastien Denis réalise des diagnostiques de performance énergétique auprès de particuliers et de professionnels, et participe à l'élaboration de stratégies durables pour ses clients.

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