Demain, la fin du cancer ?

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Par David Khayat Publié le 21 septembre 2018 à 5h00
France Cancer Recherche Medecine
@shutter - © Economie Matin
150 000Le cancer tue chaque année près de 150.000 personnes.

Avec un homme sur deux touché par cette maladie en France, une femme sur 3, avec plus de 400 000 nouveaux cas chaque année dans notre pays, induisant malheureusement encore prés de 150 000 morts chaque année, avec une maladie qui dans le monde, tue davantage que le Sida plus la tuberculose plus le paludisme réunis, le cancer correspond aujourd’hui à la première cause de mortalité aussi bien dans le monde qu’en France.

Comment prétendre aujourd’hui à la fin de cette maladie quand nous sommes encore confrontés aujourd’hui et amenés à payer un aussi lourd tribu à cette maladie ?

Cette question n’exclut en aucune manière la possibilité d’imaginer un jour l’éradication totale de cette maladie. Cependant, cette éradication, cette disparition du cancer ne peut se concevoir qu’au travers de deux stratégies possibles soit par la découverte et la mise en œuvre de stratégies de prévention capables d’éviter que cette maladie ne survienne chez autant de nos concitoyens, soit d’un autre coté, par le rêve ( voir le fantasme ?) de la découverte de nouveaux traitements capables de guérir systématiquement cette maladie.

Le cancer disparaitra-t-il du catalogue des maladies qui nous frappent si durement comme la polyomyélite depuis la découverte des vaccins ?

Ceci reste une question bien évidemment sans réponse. L’expérience du cancérologue que je suis, pratiquant cette spécialité depuis plus de 40 ans, ayant assisté à toutes les révolutions qui ont jalonné le chemin difficile de la lutte contre cette maladie, ayant commencé ma carrière à une époque où les pages des livres de cancérologie étaient encore pratiquement vides, où la spécialité de cancérologie n’existait même pas, où nous avons chaque jour amélioré nos traitements avec la découverte de la chimiothérapie, de la radiothérapie, puis des thérapeutiques ciblées ainsi que des traitements antiangiogéniques capables de bloquer les vaisseaux qui nourrissent les tumeurs et enfin, aujourd’hui de l’immunothérapie, capable de stimuler notre système de défense, appelé système immunitaire, pour que celui-ci se révolte enfin contre le cancer et détruise les cellules cancéreuses. Bien sûr, je ne peux qu’être optimiste et me dire qu’un jour où l’autre, nous parviendrons à faire disparaitre le cancer.

Laquelle de ces deux stratégies sera alors à l’origine de cette éradication. Pour qu’une prévention du cancer pour qu’une prévention soit possible, encore faut-il que nous connaissions les causes du cancer.

Dans notre pays, les cancers sont dûs pour 30% au tabac, 30% aux hormones naturelles contre lesquelles, il est difficile de faire quoi que ce soit. 20% sont liés à notre alimentation, une dizaine de % des cancers est liée à des agents infectieux qu’ils s’agissent du Papilloma Virus pour le cancer du cancer du col de l’utérus, de l’anus, de la bouche, ou du pénis ou du virus de l’hépatite virale pour le cancer du foie, 5% des cancers sont héréditaires et environ 5% des cancers proviennent des facteurs physiques tels que les rayons ultra-violets pour les cancers de la peau. Naturellement, l’idée simple de faire disparaitre la consommation de tabac pourrait amener à une réduction du nombre de cancers de plus de 30% sauf que, quelles que soient les expériences d’augmentation du prix du paquet et de la mise en œuvre du paquet neutre, en fait, on s’apercoit que persiste un noyau d’environ 20% de la population qui est incapable de s’arrêter de fumer en raison d‘une véritable addiction à la nicotine qui, elle, n’est pas cancérigène. Il faudra donc trouver des stratégies vis-à-vis du tabagisme qui, au-delà du prix et de la publicité tiendront d’une éducation crédible des jeunes et de la mise en œuvre par l’innovation et la science de produits du tabac beaucoup moins cancérigènes tels que la cigarette électronique ou peut-être les tabacs chauffés.

Pour l’alimentation, les connaissances sont encore faibles mais il est clair que « la mal bouffe » est à l’origine d’un nombre important de cancers notamment digestifs. L’éducation là aussi et la mise en œuvre de stratégies pour stimuler les jeunes à faire du sport et maintenir un poids idéal pourraient être extremement efficaces. La diffusion des vaccins contre l’hépatite, contre l’HPV par exemple pourrait éradiquer un certain nombre de cancers mais il existe aujourd’hui en France, comme dans la plupart des pays, une aversion pour les vaccins qui réduit considérablement les bénéfices de cette modalité de prévention.

Trouver un nouveau traitement ?

Alors peut-être le cancer disparaitra-t-il grâce à la découverte de nouveaux médicaments en dehors des vaccins capables de mettre à l’abri nos concitoyens vis-à-vis d’agents infectieux cancérigènes. La difficulté dans la découverte d’un médicament universel anti-cancer et que tous les cancers sont différents et très peu de choses en commun existe et entre un cancer du sein et un cancer du colon par exemple ou du poumon. C’est pour cela que tous les modèles à l’origine des innovations thérapeutiques dans le cancer touchent à ce que l’on appelle la médecine personnalisée. C’est-à-dire, la mise en évidence des spécificités génomiques de chaque cancer, chez chaque malade pour ensuite proposer des thérapeutiques parfaitement adaptées à chaque cas. Naturellement, cela multipie la complexité d’un facteur considérable puisque de ce fait, face à 400 000 cas de nouveaux cancers chaque année, il conviendrait de trouver pratiquement 400 000 nouvelles thérapeutiques.

Et pour conclure, je ne peux imaginer répondre négativement à la question qui m’est posée. Effectivement, un jour le cancer disparaitra de la terre et les enfants qui naitront, ne craindront plus de voir un jour leur mère mourir de cette terrible maladie. Pour autant l’immortalité n’existant pas, l’idée de la finitude qui est consubstantielle de l’idée même de la vie, fera que faire disparaître le cancer, ne fera pas disparaître pour autant la mort.

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David Khayat était le chef du service d'oncologie médicale de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris entre 1990 et 2017. Il est professeur de cancérologie à l’Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI) et professeur adjoint au Centre médical MD Anderson à Houston au Texas (États-Unis).