Dépôts, violations et défis dans l’écosystème des marques : état des lieux

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Par Robert Reading Modifié le 4 février 2019 à 7h33
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75 MILLIONSPlus de 75 millions de marques sont actives au niveau mondial.

Le paysage des marques évolue rapidement ; il est façonné par un marché de plus en plus saturé, par le nombre de canaux sur lesquels les entreprises opèrent et par la mondialisation. Il existe aujourd’hui une quantité de marques sans précédent : plus de 75 millions d’entre elles sont actives au niveau mondial. Pour les juristes, les agences et les marketeurs, cela signifie que la création et le dépôt d’une marque originale dans des juridictions multiples représentent désormais un défi majeur.

En outre, plus les marques sont nombreuses, plus elles nécessitent de travail et plus leur balayage, leur recherche d’antériorité, leur dépôt et leur surveillance sont complexes. Dans le cadre d’une stratégie de protection de marque, cela exige un investissement significatif en compétences, en temps et en finances.

Toutefois ces processus doivent être exécutés soigneusement car leur absence ou leur mauvaise exécution peut avoir de lourdes conséquences : le défaut de protection d’une marque, la violation de la propriété intellectuelle d’autrui, un risque de litige ou encore de la confusion chez les clients. En outre, il est également vital de procéder à une veille stratégique afin de sauvegarder votre propre propriété intellectuelle.

C’est dans ce contexte que pour la troisième année consécutive, une étude consacrée à l’écosystème des marques, réalisée auprès de 352 professionnels du secteur dans cinq pays fait apparaître un environnement en pleine mutation.

Le paysage des dépôts de marques

Le nombre des dépôts a explosé au cours des dix dernières années, sous l’effet de la prolifération des marques chinoises, de la concurrence accrue sur le marché et de la quête de compétitivité des entreprises. Cette augmentation générale se retrouve dans l’enquête. Près de la moitié des professionnels (47%) disent avoir effectué plus de demandes de marques en 2018 que l’année précédente. Dans l’étude de 2017, cette proportion était moindre (43%). Par ailleurs, 39% font état d’un nombre stable de dépôts de marques (contre 42% en 2017), ce qui confirme une nette évolution des chiffres.

En dépit de l’apparition de nouveaux types de marques susceptibles d’être déposées, il n’y a pas eu d’accroissement significatif des demandes de marques non traditionnelles. A peine 34% des participants à l’enquête déclarent avoir observé une augmentation des demandes de marques concernant, par exemple, des odeurs, des gestes ou des couleurs. Tandis que ce chiffre peut sembler faible, il sera intéressant de surveiller cet espace à l’avenir afin de déterminer si ces types de marques connaissent plus de succès.

Des défis à relever

Outre le fait d’imaginer un nom original, les professionnels sont confrontés à un certain nombre de défis dans le cadre de la procédure de demande de marque. Dans l’enquête, le problème le plus fréquemment cité est la lenteur de l’examen des demandes, à égalité avec les questions de budget (24%). Viennent ensuite la réponse aux actions des offices (20%) et la sensibilisation des clients (14%).

En ce qui concerne le lancement et la recherche d’antériorité d’une nouvelle marque, les problèmes qui reviennent le plus souvent sont la vitesse d’accès au marché (49%), les contraintes de temps (45%), la mondialisation (39%), les budgets (36%) et le lancement dans un environnement multicanal (34%).

Au-delà du processus de demande, les professionnels doivent également relever des défis en matière de protection des marques : la veille des marques existantes est ainsi indispensable pour atténuer le risque de violation.

La violation de marque demeure un problème

Une violation peut avoir un effet dévastateur sur une marque, qu’il s’agisse de l’obligation de modifier un nom, un logo ou une documentation marketing pour un lancement ou d’intenter une action en justice contre une marque contrefaite.

Alors que les marques s’efforcent de réduire au minimum les conséquences d’une violation potentielle, ce phénomène s’accentue néanmoins. 80% des participants déclarent en avoir rencontré des cas l’an passé, soit une augmentation de près de 10% par rapport à l’année précédente où ils n’étaient que 74%. Cela représente un problème massif pour les marques et la multiplication des incidents pourrait être le signe d’une tendance à la hausse.

Cependant, en raison des ressources nécessaires, il n’est souvent pas pratique de rechercher et de surveiller chacune des marques. De fait, seuls 20% des participants affirment avoir recherché 76 à 100% des marques avant de les déposer. 28% ont fait de même pour 51 à 75% des marques et 38% pour 26 à 50% d’entre elles. Il est toutefois rassurant de constater que ceux ayant effectué des recherches préalables pour moins de 25% des marques sont les moins nombreux (13%).

En outre, les cas de violation ne se limitent pas aux marques traditionnelles, telles que des noms d’entreprise ou de produit, mais portent aussi sur des réseaux médias, des designs industriels, des domaines web ou encore des campagnes publicitaires. Pour les professionnels, cela veut dire qu’il ne suffit plus de surveiller les bases de données des différents offices des brevets et des marques mais qu’il leur faut également s’intéresser à d’autres sources, notamment la jurisprudence. Les entreprises doivent se montrer vigilantes de tous côtés afin de protéger leurs marques stratégiques, car les violations sont omniprésentes.

Les conséquences des violations de marques

Tandis que les cas de violation sont en augmentation, ce sont leurs conséquences qui importent véritablement pour une marque. Près d’un tiers (30%) de l’ensemble des participants à l’enquête ont dû modifier le nom d’une marque car celle-ci en enfreignait une autre. Cette proportion atteint même la moitié en France.

En outre, près de trois quarts (73%) en moyenne ont dû intenter une action en justice pour violation de marque et, là encore, la France se classe en tête (92%). Si une telle démarche peut se révéler coûteuse, ses conséquences vont bien au-delà. Les trois principaux effets des violations de marques sont tous cités plus fréquemment cette année que l’an dernier, à savoir :

  1. Confusion chez les clients : 52%, contre 44% en 2017

  2. Préjudice pour la réputation de la marque : 42%, contre 33% en 2017

  3. Atteinte à la fidélité et à la confiance de la clientèle : 40%, contre 34% en 2017

Le rôle persistant des budgets

Dans le processus de dépôt, il est crucial de disposer du budget nécessaire à une recherche d’antériorité efficace pour une nouvelle marque, ainsi que pour la veille des marques existantes, car le coût d’une violation peut souvent être très préjudiciable.

Dans cette optique, l’étude révèle une évolution des budgets aux yeux des professionnels des marques. La multiplication des dépôts s’accompagne en effet de l’attente d’une hausse des budgets en conséquence.

C’est d’ailleurs le cas chez la majorité des participants ; 54% ont vu leur budget augmenter, contre seulement 30% l’année précédente. Cela représente un bond de 80%, montrant là encore l’importance de mener correctement le processus de dépôt de marque.

La technologie a son mot à dire

Face aux défis constatés dans l’écosystème des marques, la technologie est vue comme une solution. C’est ainsi que 59% des participants estiment que des avancées technologiques contribueraient à rendre les processus de recherche et de protection de marque plus efficaces. De plus, 56% d’entre eux pensent que la technologie peut faire gagner en fluidité le processus de création d’un nom.

L’écosystème des marques évolue. Les marques n’ayant jamais été aussi nombreuses, elles deviennent de plus en plus difficiles à rechercher, déposer et surveiller. Une augmentation des budgets et une amélioration des technologies peuvent certainement contribuer à atténuer les risques de violation de marque, et des capacités adéquates de recherche et de veille constituent des éléments essentiels d’une stratégie de protection. A l’avenir, cet aspect deviendra encore plus important et les professionnels vont devoir faire appel à tous les outils à leur disposition pour mettre leurs marques à l’abri d’une violation.

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Robert Reading est directeur de CompuMark.

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