Alcatel : chronique d’un échec annoncé !

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Par Jean-Yves Archer Modifié le 10 juillet 2012 à 3h07

Les histoires vraies sont souvent les plus étonnantes et les plus belles. Celle-là est triste. Elle se déroule en Bretagne et a pour lieux les villes de Laval et de Brest.

Treize ans en arrière, à la toute fin des années 90, la ville de Laval a progressivement vu "son" usine Alcatel dépérir malgré les efforts de l'ancien ministre François d'Aubert. Entièrement dédiée à la construction de téléphones portables de marque Alcatel, il a été jugé que cette unité de production n'était pas rentable et en retrait du marché suite à la concurrence des Nokia et autres Motorola de l'époque.

Chacun imagine la casse sociale et le gâchis financier et industriel. C'est ainsi entendait-on au siège rue de la Boétie. Le 26 Avril 2001, le Président Tchuruk a annoncé la cession d'actifs à un sous-traitant, etc, etc.
Dans le cas de Brest, les chiffres sont éloquents : une usine des années 70 régulièrement modernisée, compétitive, réalisant un peu plus d'un milliard de Francs (152 millions d'euros) et assurant l'emploi d'un peu plus de mille personnes.

Suite à la théorie formalisée par le Président précité qui ne jurait que par la "fabless company" ( sic ) – l'entreprise sans usine de fabrication – le sort de Brest fut scellé. Cette usine qui réalisait d'impressionnants centraux téléphoniques ( équipement d'une large partie de la Seine et Marne en téléphonie, équipement des hôpitaux de Téhéran, etc ) et des équipements sensibles a été condamnée non par ses chiffres, ses clients, ses concurrents mais par son manager central.

Ainsi, elle fut vendue à un repreneur américain qui fit son travail d'habile repreneur à la limite de l'affairisme. Grâce au plan de départ, l'usine ne comptait que 700 personnes en 2002. En 2010, 185 emplois étaient sur site et le repreneur évoquait en comité central d'entreprise une cession à un autre sous-traitant.

Si le cas de Laval demeure complexe car effectivement Alcatel n'avait pas réussi à devenir un acteur de premier rang dans l'univers des téléphones cellulaires, le cas de Brest ne peut qu'interpeller l'entendement. Il y a eu erreur stratégique et faute humaine : autrement dit "misleading management" pour se caler sur le style dominant de l'équipe dirigeante. L'effondrement productif programmé a déstabilisé toute l'entreprise et l'alliance avec Lucent n'a rien simplifié.

En 1995, le groupe Alcatel Alsthom réalisait 25 milliards d'euros de chiffre d'affaire pour 192.000 personnes dont 87.000 chez Alsthom. En 2009, le chiffre d'Alcatel ne se montait plus qu'à 15 milliards pour 58.000 employés et un cours de bourse effondré. Tout est dit. Triste histoire.

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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