La France conserve un stock d’investissements directs étrangers (IDE) entrants de près de 800 milliards de dollars (2015, chiffres CNUCED et FMI), en faisant ainsi le 7ème pays au monde. Pour autant, cette position s’est érodée depuis environ une décennie si l’on considère les flux d’IDE, où notre pays ne se situe plus actuellement qu’au 11ème rang mondial et au 3ème dans l’Union européenne, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Cette tendance, combinée à l’importance prise par les filiales de groupes étrangers – qui emploient près du quart de l’effectif salarié du secteur de l’industrie en France, contribuent à hauteur de 29 % au chiffre d’affaires de l’industrie française et assurent 34 % des exportations de l’industrie manufacturière – est préoccupante pour l’avenir en termes d’emploi et de compétitivité.
Des données statistiques brutes qu’il est nécessaire d’interpréter
En termes de comparaisons internationales, les données sur les IDE nécessitent d’être maniées avec précaution, car les référentiels sont loin d’être identiques et les méthodes de calcul évoluent. Les IDE regroupent des opérations de natures très différentes (les créations d’entreprises et acquisitions de capital, les investissements immobiliers et les prêts intra-groupe) qui ne peuvent être interprétées de manière satisfaisante au niveau agrégé, comme le fait pourtant la CNUCED aÌ travers son classement annuel. Les données et classements sur les flux annuels survalorisent de petits Etats qui, pour des raisons notamment d’optimisation fiscale (Pays Bas ou Luxembourg en Europe, par exemple), ne servent souvent que de lieu de transit à des transactions entre pays tiers. Par ailleurs, la précédente méthodologie de comptabilisation des prêts intra-groupe (encore majoritairement appliquée par les Etats) prend en compte chaque opération y compris des opérations entrantes et sortantes successives, ce qui gonfle artificiellement les flux annuels d’IDE.
La typologie des IDE doit également s’apprécier au travers des investissements étrangers productifs créateurs d’emploi (nouveaux sites de production ou de services) et des extensions d’activité.
Les IDE sont néanmoins un indicateur incontournable de l’attractivité d’un pays
L’attractivité est devenue, en quelques années, un facteur clé du dynamisme des économies nationales et de leur intégration dans l’économie globalisée. L’enjeu est d’attirer les investissements étrangers créateurs d’emploi, acteurs majeurs des dynamiques territoriales et de l’industrialisation des territoires.
L’attractivité économique de la France est étroitement liée à sa compétitivité. A ce titre, la perte de compétitivité relative par rapport aux autres pays de l’OCDE, constatée depuis le tournant des années 2000, est probablement à l’origine de notre déclassement en termes de flux d’IDE entrants. Certes, la crise économique survenue en 2008 a entrainé une baisse du montant des flux pour l’ensemble des pays industrialisés, mais jusqu’en 2005, notre pays se situait au 3ème niveau mondial derrière le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Cependant, au regard de la taille de notre économie, la présence des IDE en France est plus élevée que la moyenne de l’OCDE mais aussi, par exemple, qu’en Allemagne. En pourcentage du PIB, le stock s’élève ainsi à 38,2% du PIB, contre 32,1% pour l’OCDE et 29,2% pour l’Allemagne. Par ailleurs, la France reste considérée comme un lieu d’implantation attractif dans nombre d’enquêtes réalisées auprès d’investisseurs internationaux (Ernst & Young et CNUCED notamment).
Le maintien de la souveraineté de la France implique la protection de ses intérêts stratégiques
Comme d’autres États, la France conserve la possibilité d’imposer des restrictions limitées au principe d’ouverture de son économie aux IDE. De nombreux pays en Europe (Allemagne, Royaume-Uni, Italie notamment) et hors d’Europe (États-Unis, Canada, Australie…) disposent également de législations qui permettent de contrôler les investissements étrangers réalisés dans les secteurs stratégiques.
Le régime juridique français relatif aux investissements sensibles est précisé dans les dispositions prévues par les articles L.151-3 et R.153-1 et suivants du Code monétaire et financier. Une distinction est opérée entre les investissements provenant d’États membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, et ceux provenant de pays tiers, pour tenir compte des exigences des Traités européens. Le décret du 14 mai 2014 « relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable » a actualisé le champ des secteurs qui relèvent de la procédure d’autorisation préalable d’investissement pour prendre en compte les activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale. Six secteurs sont concernés : les transports, l’eau, l’énergie, les communications électroniques, la santé publique et les activités d’importance vitale telles que définies par le Code de la défense. Cette évolution réglementaire a pour enjeu de s’assurer que les intérêts stratégiques français seront mieux protégés. Le gouvernement peut ainsi demander des engagements spécifiques ou imposer des conditions à la réalisation des investissements concernés, comme pour le rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric en 2015, par exemple.
En la matière, l’Italie, l’Allemagne, la France et le Président de la commission européenne (discours annuel sur l’état de l’Union du 13 septembre 2017) semblent désormais alignés, avec la définition d’un cadre européen pour le filtrage des IDE, pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public. Il était temps, lorsque l’on songe à l’appétit des investissements chinois dans les secteurs stratégiques européens, avec à ce jour une réciprocité inexistante.