Livre : L’étalon fiat, de Saifedean Ammous (2/2)

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Par Philippe Herlin Publié le 23 août 2022 à 5h30
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22000 EUROSLe bitcoin ne vaut plus que moins de 22.000 euros l'unité le 22 août 2022.

Après avoir présenté L’étalon bitcoin, abordons le nouveau livre de Saifedean Ammous, L’étalon fiat, paru en traduction française en mai 2022 chez Konsensus Network (en anglais en 2021).

La raison d’être du livre

Saifedean Ammous consacre son livre à la monnaie fiat, c’est-à-dire le dollar, l’euro, les monnaies étatiques à travers le monde. « Monnaie fiat » fait référence à « fiat lux » dans la Bible, « que la lumière soit », indiquant ainsi que ces monnaies sont créées sur simple volonté, sans aucune contrainte avec la planche à billets, par opposition à l’or, dont on extrait seulement environ 3.000 tonnes par an, et au bitcoin, dont la quantité est prévue par son algorithme et sera limitée à 21 millions d’unité (nous en sommes à 19 millions). Le livre sort lors du 50e anniversaire de la décision de Richard Nixon de supprimer la convertibilité du dollar en or (le 15 aout 1971 exactement), une date symbolique !

Ammous part d’un constat : il faut étudier la monnaie fiat, parce qu’elle continue de fonctionner. Malgré ses défauts, elle domine encore quasi complètement les échanges, alors essayons de comprendre pourquoi. Mais l’originalité du livre consiste à comprendre les monnaies fiat à partir de bitcoin. « Entre la propagande incessante de ses partisans et les dénonciations de ses détracteurs, ce livre tente d’offrir quelque chose de nouveau : une exploration du système monétaire fiat en tant que technologie, d’un point de vue technique et fonctionnel, en soulignant ses objectifs et ses défauts » (page 5)

Vendabilité dans l’espace/vendabilité dans le temps

Il explique cette performance de la monnaie fiat par sa vendabilité dans l’espace : « Carl Menger définit la vendabilité comme la mesure dans laquelle un bien peut être mis sur le marché sans décote significative de son prix de marché. » (p. 85). C’est le grand avantage des monnaies fiat, leur capacité à effectuer des paiements sur de grandes distance, et ainsi accompagner l’essor du commerce international, alors que « La vendabilité d’une pièce d’or diminue avec la distance, car le coût de transport augmente. » (p. 88). L’apparition des banques a résolu ce problème, en stockant l’or et en émettant des lettres de change, des chèques, des virements, des billets indexés sur l’or qui, eux, voyagent aisément. Seulement un risque est apparu, celui des réserves fractionnaires (la quantité d’or papier excède l’or physique détenu), avec tous les risques d’insolvabilité et de faillites bancaires que cela comporte…

L’or, lui, possède une excellente vendabilité dans le temps, c’est-à-dire qu’il garde remarquablement bien sa valeur sur un an, cinq ans, dix ans, vingt ans. Celui qui en possède est assuré de maintenir son pouvoir d’achat, ce qui n’est pas le cas des monnaies fiat à cause de l’inflation, on le voit en ce moment. Bitcoin, lui, possède les deux, une très bonne vendabilité dans le temps (sur le long terme cependant, par-delà sa volatilité) et une excellente vendabilité dans l’espace (payer à son boulanger ou à l’autre bout du monde, c’est pareil pour la blockchain). Voilà pourquoi on peut être optimiste à terme sur son succès.

Comme le note Ammous, « L’étalon-fiat a véritablement été un grand pas en avant pour sa vendabilité dans l’espace, mais un énorme bond en arrière sur sa capacité à maintenir sa valeur dans le temps. » (p. 9) Soit le contraire de l’or, mais « La proposition de valeur du bitcoin ne consiste pas seulement à être plus rare que l’or, mais aussi à être beaucoup plus transportable. »

Le crédit à la base des monnaies fiat

La monnaie fiat est inséparable du crédit, qui a progressivement remplacé l’étalon-or : « Entre 1914 et 1971, le système monétaire mondial a effectué sa transition progressive de l’étalon-or vers un étalon-fiat. » (p. 33) La différence avec bitcoin est fondamentale : « Dans le réseau bitcoin, seules les unités de monnaie qui ont déjà été minées peuvent assurer le règlement des transactions. Avec la monnaie fiduciaire, le crédit du gouvernement permet à des promesses de remboursement futures de prendre la forme de monnaie au moment de l’octroi du prêt, permettant à l’emprunteur et au prêteur d’avoir tous deux accès à plus de ressources financières qu’auparavant. Le réseau fiat crée davantage chaque fois qu’une entité autorisée par le gouvernement accorde un prêt. » (p. 34)

Ammous dénonce la facilité apportée par les réserves fractionnaires : « La seconde grande qualité de l’étalon-fiat [la première étant sa vendabilité dans l’espace] réside dans la toute-puissante capacité conférée aux banques de fonctionner via un système de réserves fractionnaires, une pratique douteuse consistant à détenir des dépôts à vue sans disposer de leur valeur correspondante en espèces. » (p. 96)

Regardant les choses du point de vue du bitcoin, Ammous explique que « Les institutions financières minent les nouveaux jetons du réseau - le fiatcoin - par un processus obscur, centralisé, manuel, risqué et aléatoire : le crédit. » (p. 38) Et ce lien indissoluble entre monnaie fiat et crédit finit par noyer la notion même de monnaie : « Le brouillard entourant la distinction entre monnaie et crédit rend la mesure précise de la masse monétaire pratiquement impossible. » (p. 35)

La logique keynésienne l’emporte

Tout ce crédit qui se déverse dans l’économie donne l’illusion de la richesse, mais c’est une lourde erreur : « La monnaie et le crédit, en eux-mêmes, ne sont pas des actifs productifs. Ils représentent simplement des titres qui permettent à leurs détenteurs d’acheter des actifs productifs. Ainsi une augmentation de l’offre de monnaie ou de crédit n’augmentera pas le stock d’actifs productifs dans une économie, pas plus qu’une augmentation du nombre de billets pour aller voir un match de football n’augmentera la capacité du stade lui-même. » (p. 98) Comme le rappelle justement Mises : « L’expansion du crédit ne peut pas constituer un substitut au capital. » (p. 51)

Et ce crédit déversé sur l’économie met au centre du jeu la banque centrale et l’État : « Une banque à réserves fractionnaires ne crée pas par magie plus de capital, de main d’œuvre ou de ressources. Elle permet simplement aux banques centrales de contrôler l’allocation des ressources, au détriment des entrepreneurs qui les possèdent. Il s’agit d’une forme de planification centrale qui appauvrit la société dans son ensemble, mais qui enrichit les banques, les gouvernements ou tout individu bien connecté socialement. Sans réserve fractionnaire, le capital et le travail iraient au plus offrant, à l’entrepreneur dont le plan d’affaire semble le plus productif et le plus rentable. » (p. 99)

L’inflation comme vecteur

Bien sûr, la conséquence de tout ce déversement de liquidités est l’inflation, nous le voyons maintenant. La hausse des prix était en fait présente depuis longtemps, le début des années 2000, dans l’immobilier, mais il a été opportunément sorti de l’indice des prix à la consommation par les organismes statistiques comme l’Insee (c’est ce que j’explique dans mon livre Pouvoir d’achat, le grand mensonge).

Saifedean Ammous fait un développement tout à fait pertinent sur le concept d’inflation à partir de l’analyse originale de Michael Saylor, le président de Microstrategy, qui s’est fait connaître pour ses importants achats de bitcoins. Il explique que les taux d’inflation calculés par les organismes statistiques n’ont que peu de valeur car chaque personne possède le sien en fonction de son profil. Il propose la notion de « l’inflation comme vecteur » :

- les biens numériques, qui ont des coûts marginaux quasiment nuls, sont peu soumis à l’inflation, ils peuvent même connaître une baisse de leurs prix ;

- les biens industriels produits à grande échelle ont des coûts variables, certes, mais faibles par rapport aux investissements de départ, ils subissent une inflation modérée ;

- les biens dont les coûts variables (matières premières, énergie, main d’œuvre) sont importants s’avèrent très sensibles à l’inflation ;

- les biens intrinsèquement rares subissent le plus d’inflation, et d’autant plus s’ils sont durables (immobilier, œuvres d’art, or, bitcoin) car ils servent de réserve de valeur.

Ainsi, les biens abondants et nécessitant un faible coût de production connaissent peu d’inflation, ceux qui incorporent surtout des coûts variables (matières premières, énergie sauf le nucléaire, main d’oeuvre si les salaires montent) subissent à plein la hausse des prix, et les biens rares et durables, en plus de l’inflation, additionnent un « premium » quand ils deviennent une réserve de valeur. Plutôt que de se focaliser sur un taux d’inflation global finalement peu concret, chacun, qu’il soit un particulier ou une entreprise, doit évaluer sa sensibilité à ces différents « vecteurs » de hausse des prix et adapter, autant que faire se peut, son mode de vie ou son business model, son épargne ou sa trésorerie.

En conséquence, « La bonne stratégie financière sous un étalon-fiat est de constamment contracter autant de dettes que possible, de consciencieusement rembourser dans les délais, et d’utiliser cette dette pour acheter des actifs durables qui génèrent des rendements futurs. » (p. 77)

Le lien inflation-dette

Saifedean Ammous fait justement remarquer que « La dévaluation de la monnaie fiat stimule la demande de titres de créance qui ne sont pas exposés au risque sur actions et qui offrent des rendements compensant l’inflation. » (p. 377). D’où le succès des obligations souveraines, et de l’assurance-vie. Mais avec le retour de l’inflation à des niveaux élevés, jamais vus depuis les années 1970, ça ne fonctionne plus !

L’inflation persistante, même faible, modifie la valeur de tous les actifs : « La fuite inflationniste fiat a déformé les évaluations en dollars américains de ces actifs [obligations souveraines et de sociétés, or, oeuvres d’art, immobilier, actions] au-delà de tout niveau raisonnable. Alors que de plus en plus d’investisseurs à la recherche d’une réserve de valeur découvrent la vendabilité intertemporelle supérieure du bitcoin, il continuera d’acquérir une part croissante des soldes de trésorerie mondiaux. » (p. 357) Le bitcoin va progressivement capter le premium de ces actifs, qui incorpore dans leurs prix la protection contre l’inflation. Le développement du bitcoin ne produira pas un effondrement inflationniste des monnaies fiat, ça se fera progressivement, en douceur selon lui (p. 375). À voir…

Emprunter des dollars pour acheter des bitcoins peut être vu comme une attaque spéculative contre les monnaies fiat : « L’attaque spéculative serait donc l’évolution naturelle de ce qui se produit inévitablement lorsqu’une monnaie facile rencontre une monnaie dure, amplifiée par la force du crédit fiat. » (p. 382) C’est ce que fait Michael Saylor à la tête de MicroStrategy (il émet des obligations de son entreprise pour acquérir des bitcoins), mais on ne le conseillera pas aux particuliers, c’est tout de même risqué…

Face à la menace grandissante qu’il représente, « Une répression gouvernementale serait loin d’être un moyen efficace de détruire bitcoin. Une telle attaque renforcerait probablement le réseau en faisant connaître son potentiel réel et sa proposition de valeur au monde. » (p. 361) En réalité, « La politique gouvernementale qui serait probablement la plus destructrice pour bitcoin serait la mise en œuvre d’un étalon-or similaire à celui de la fin du XIXe siècle. » (p. 369) Mais il y a peu de chance que cela survienne.

La primauté du dollar

Mais dans cette montagne de crédit, Ammous montre qu’il existe une hiérarchie au-dessus de laquelle trône le roi dollar : « La réalité est que toutes les autres devises font partie du second niveau et ne sont que des dérivés du dollar américain. Leur valeur dépend de leur adossement au dollar américain, et peut être estimée au mieux comme la valeur du dollar américain avec une décote équivalente au risque du pays. » (p. 38)

Un tel système finit par pervertir complètement le « marché de l’argent » : « En tant que système planifié de manière centralisée, la monnaie fiduciaire ne permet pas l’émergence d’un marché libre du capital et de l’argent où l’offre et la demande déterminent le taux d’intérêt, c’est-à-dire le coût du capital. » (p. 39) C’est la Fed qui fixe le taux directeur, sur lequel se règle tout le marché.

La préférence temporelle

Saifedean Ammous reprend la notion de préférence temporelle, qui est la mesure de la préférence qu'une personne peut avoir pour des biens ou services immédiats plutôt que dans le futur. Une préférence temporelle faible signifie une privation aujourd’hui afin de bénéficier d’une satisfaction dans le futur, une préférence temporelle forte traduit une vue à court terme, une consommation sans souci du lendemain (la fable de La Cigale et de la Fourmi de La Fontaine). Cette capacité à se projeter dans le futur est la caractéristique des sociétés développées : « Nous pouvons appréhender le développement de la civilisation humaine comme un processus de diminution de la préférence temporelle » (p. 114)

Et la monnaie fiat encourage une préférence temporelle forte, une survalorisation du présent au dépend de l’avenir : « Le système fiat incite fortement les individus à souscrire des crédits, proposition attrayante pour la plupart des gens, permettant aux prêteurs de créer davantage de jetons fiat. Cela aboutit à une société où tout le monde est endetté, et où peu de personnes ont des économies pour l’avenir. Les plus riches sont capables de se protéger dans ces situations en détenant une majorité de leur richesse dans des actifs durs [immobilier, or, oeuvres d’art…], mais la majorité de la population détient généralement la plus grande part de son patrimoine dans des actifs monétaires qui sont constamment dévalués [par l’inflation], réduisant considérablement leurs espoirs d’un avenir meilleur. » (p. 121)

Cette augmentation de la préférence temporelle n’a pas que des conséquences sur l’économie, c’est toute la société qui est touchée, la vie personnelle également : « L’augmentation générale de la préférence personnelle, du raisonnement à court terme, et la forte diminution de l’importance accordée à l’avenir semblent sensiblement liées à l’augmentation des conflits interpersonnels entre les individus et à la dégradation des moeurs. Le commerce, la coopération sociale et la capacité des humains à vivre en harmonie les uns avec les autres dans la société, dépendent de notre capacité à contrôler nos instincts et à les remplacer par la raison et par les perspectives à long terme. […] Lorsque ces avantages à long terme semblent lointains, alors l’incitation à sacrifier l’instant présent pour obtenir ces fruits indiscernables devient plus faible. […] Avec peu de perspectives d’avenir, l’incitation à être civilisé et respectueux des clients, des employeurs et de ses semblables est affaiblie. […] Plus l’avenir semble incertain pour un individu, plus il est susceptible d’adopter un comportement imprudent qui pourrait le récompenser à court terme, tout en le mettant en danger à long terme. » (p. 123)

Très juste remarque concernant l’architecture : « La préférence temporelle élevée engendrée par l’étalon-fiat semble encore plus évidente si l’on examine le bien de consommation le plus durable de l’humanité : le bâtiment. Etonnamment, on peut constater que si la technologie industrielle a rendu la construction moins coûteuse et plus facile que jamais, la qualité des bâtiments de façon globale a diminué, tout comme leur espérance de vie – un fait curieux jusqu’à ce que vous considériez comment la dévalorisation accrue du futur affecte la planification de la construction fiat. » (p. 119)

Saifedean Ammous étudie ensuite les dégâts que provoque une préférence temporelle forte (une survalorisation du présent au dépend du futur) sur plusieurs domaines comme la nourriture, où, durant des décennies, pour compenser l’augmentation des prix des produits alimentaires due à l’inflation monétaire, les gouvernements ont fait la promotion des produits riches en glucides, notoirement bon marché, au détriment de la viande, pourtant très riche en nutriments (p. 127).

Il dénonce également le catastrophisme de la transition énergétique, qui fournit un récit pour expliquer que l’augmentation des prix du pétrole n’est pas due à l’inflation monétaire mais à la raréfaction des matières premières qui seraient surconsommées, justifiant des tombereaux de subventions en faveur de technologies alternatives (éoliennes, voiture électrique) qui n’ont pas fait leurs preuves, loin de là (p. 195).

Un système dysfonctionnel

Pour un avantage clair (la vendabilité dans l’espace), la monnaie fiat génère plusieurs inconvénients : « Le seul avantage de la monnaie fiat est de permettre à l’humanité d’économiser le déplacement de l’or pour les paiements et le règlement des transactions. Les coûts, en revanche, sont incalculables. Nous pouvons classer les effets négatifs des monnaies fiat en quatre grandes catégories : (1) la destruction de la richesse des épargnants par l’inflation, (2) la destruction du rôle de la monnaie dans le calcul économique, (3) le pouvoir accru du gouvernement à façonner l’économie et la société, et (4) la probabilité accrue des conflits et leurs coûts. » (p. 249)

Avec la monnaie fiat, avec la planche à billets de la banque centrale, l’État peut accroître ses dépenses, et son déficit, sans limite et ainsi intervenir de plus en plus dans l’économie et la société. Il permet aussi au plus puissant d’entre eux, les États-Unis, de financer de massives dépenses militaires. « La preuve de travail du système fiat repose sur la violence et l’utilisation du pouvoir physique pour subjuguer les adversaires en cas de désaccord. Le système fiat, c’est la loi du plus fort. » (p. 257)

Comme le fait justement remarquer Ammous : « Les réseaux de paiement du système fiat n’ont pas besoin de la preuve de travail pour fonctionner, très peu de ressources et d’énergie sont nécessaires pour mettre à jour les registres fiat, […] mais beaucoup d’énergie est dépensée sous forme de conflits politiques et de guerres pour acquérir la capacité de contrôler ces registres. » (p. 321). Il en déduit logiquement que « Bitcoin ne peut pas mettre fin à la guerre, mais il peut réduire considérablement la capacité de l’État à utiliser l’inflation pour la financer. » (p. 350)

Cette vision étatique induite par les monnaies fiat pervertit également le décollage économique des pays émergents : « Il n’y a pas de mystère pour parvenir au développement économique. Il s’agit simplement de réunir certaines conditions : la paix, une monnaie saine, ainsi que la liberté des citoyens à travailler, à posséder des biens, à accumuler du capital et de commercer librement. Le seul mystère est de trouver comment planifier le développement d’une économie de manière centralisée, tout en contractant des prêts importants auprès des institutions financières internationales [FMI, Banque mondiale]. » (p. 247)

Bitcoin, l’alternative

Bitcoin possède une excellente vendabilité dans le temps (sur le long terme, 4 ans, en dessous la volatilité reste trop élevée), et sa vendabilité dans l’espace est aussi la plus performante. « Alors que "L’Etalon-Bitcoin" se concentrait sur la vendabilité de bitcoin dans le temps, ce chapitre explique comment bitcoin se compare à la monnaie fiat et à l’or en termes de vendabilité dans l’espace. » (p. 261) :

- « les frais de transaction en bitcoins sont indépendants de la distance parcourue et du montant de la transaction. » (p. 262)

- « En tant que bien dont la valeur ne dépend pas des obligations liées au crédit, bitcoin permet au monde d’échapper à la monétisation de la dette et à l’endettement mondial. » (p. 262)

- « Contrairement à la monnaie fiat, le bitcoin est une monnaie qui n’a pas besoin du commandement ou des règles d’une autorité centrale, permettant ainsi une séparation complète de la monnaie et de l’État. » (p. 261)

- « Le bitcoin est en outre une monnaie qui peut rendre obsolètes les nombreux problèmes géopolitiques résultant de l’émission d’une monnaie de réserve mondiale par un seul pays. » (p. 261)

La volatilité du bitcoin demeure un vrai problème, une limitation considérable, mais l’on peut espérer qu’au fur et à mesure que sa capitalisation augmentera, le cours deviendra plus stable. Autre limitation : le nombre de transactions par seconde, mais Lightning Network permettra le passage à l’échelle.

Un système bancaire transformé

Quelle sera l’influence du développement de bitcoin sur le système bancaire ? Saifedean Ammous propose plusieurs perspectives pertinentes. Selon lui, « Bitcoin ne va pas remplacer les banques, mais ses propriétés monétaires mèneront à un système bancaire significativement différent du système fiat. » (p. 298) :

- « bitcoin offre une technologie d’épargne avec une vendabilité supérieure à la fois dans le temps et dans l’espace. […] L’émergence de bitcoin en tant que bien durable, libéré du fardeau de la dette, fournit à chaque personne dans le monde une alternative convaincante en termes d’épargne. » (p. 300)

- Concernant l’immobilier, les actions, les obligations souveraines, les matières premières : « Dans l’ensemble, la quête de la protection de la valeur contre l’inflation a déconnecté les prix du monde réel. » Si le bitcoin devenait la première protection contre l’inflation, les prix de ces actifs reflèteraient uniquement leur valeur fondamentale, résultant de l’offre et la demande, sans le premium accordé à la protection contre l’inflation.

- Les obligations émises par les États seraient sérieusement concurrencées : « la croissance continue du bitcoin entraînerait probablement une réduction de la demande d’instruments de dette en tant que méthode d’épargne. » […] « Près de 100.000 milliards de dollars d’obligations ont été émises par des entités gouvernementales, ce qui en fait sans doute le plus gros malinvestissement dans l’histoire de l’humanité. »

- Les crises financières seraient plus rares : « Un système financier construit sur la base d’un actif monétaire dur serait beaucoup plus robuste qu’un système fondé sur des obligations de dette. Un tel système nous mènerait également à beaucoup moins de crises financières et de crises de liquidité. Le fait de monétiser la dette, comme si les promesses de paiement futures étaient équivalentes à des actifs monétaires tels que de l’argent en caisse, crée une fragilité inhérente au système monétaire fiat. » (p. 307). Le passage à un système de « réserves pleines », et non plus fractionnaires, risqué et peu viable, serait un élément rassurant.

- Le financement de l’économie serait plus sain : « Le financement basé sur bitcoin entraînera probablement une évolution vers davantage d’investissements en actions plutôt que vers des instruments de crédit et des prêts basés sur les intérêts. » (p. 310), ce qui est plus robuste (pas d’effet domino).

(Vous venez de lire un extrait de ma Lettre Stratégie & conseil crypto)

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.