Finalement, la hausse des taux n’aura pas (vraiment) lieu… !

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Par Charles Sannat Modifié le 19 février 2019 à 10h39
Billets 100 200 Euros Bce 2
@shutter - © Economie Matin
250 000 MILLIARDS de DOLLARSEn 20 ans, nous avons accumulé 250 000 milliards de dollars de dettes à travers la planète.

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Cela fait des années que l’analyse de la situation économique nous conduit à dire que nous sommes dans les « cordes », pour reprendre une métaphore issue de la boxe.

Nous sommes dans les cordes, dans un coin, dans un piège, dans une trappe, peu importe le terme que vous trouverez le plus approprié, nous sommes prisonniers des taux d’intérêt bas.

Reprenons. Petit historique pour se rafraîchir les méninges !

Pour lutter contre les crises depuis celle de mars 2000 qui était l’explosion de la bulle Internet, puis la crise liée aux attentats du 11 septembre 2001, puis la crise 6 ans plus tard qui débute en juillet 2007 avec les subprimes aux États-Unis, nous avons sans cesse baissé les taux d’intérêt de plus en plus bas, jusqu’à inventer les taux négatifs, ce qui signifie que placer votre argent… vous coûte de l’argent et que l’on vous « facture » le fait d’épargner et de mettre de l’argent de côté.

Quand je dis « nous », je ne parle ni de vous ni de moi, mais en fait « d’eux », les banquiers centraux et les grands argentiers.

Mais baisser les taux n’a pas suffi.

Il a fallu de surcroît injecter de l’argent, beaucoup d’argent. Des milliers de milliards de yens, d’euros ou encore de dollars. Toutes les monnaies y sont passées.

Il n’y a jamais eu de guerre des monnaies !

J’ai également toujours affirmé qu’il n’y a jamais eu de guerre des monnaies ou entre banques centrales, mais certainement pour la première fois dans l’histoire du monde, une immense coopération. Chaque banque centrale a imprimé, injecté ou baissé ses taux à tour de rôle dans un ballet savamment orchestré permettant, dans un système de change flottant, de donner l’illusion qu’aucune monnaie ne s’est effondrée relativement aux autres…

Tout le monde imprimant autant, aucune monnaie ne vaut plus rien, mais comme elles sont cotées les unes par rapport aux autres, cela reste totalement invisible.

Seul un étalon fixe permet de visualiser la perte de valeur de nos monnaies, et l’or est cet étalon de mesure fixe, d’où les immenses batailles économiques qui se jouent autour du métal jaune.

La quadrature du cercle...

Revenons donc à notre piège des taux bas et de l’argent gratuit. Tout cela a eu une conséquence. La conséquence est simple… Il y a énormément de monnaie en circulation, d’autant plus qu’avec des taux à 0 ou négatifs, emprunter n’est pas cher.

Quand l’argent ne vaut rien, on s’endette !

Les particuliers s’endettent pour acheter des maisons, des voitures ou des voyages… sans parler des écrans tout plats dernier cri.

Les entreprises s’endettent pour investir (un peu), en racheter d’autres (beaucoup) ou faire monter le cours de leurs actions par des opérations de rachats de titres (passionnément).

Les États s’endettent parce que c’est plus facile de continuer à raser gratuit que de bien gérer et de faire couiner dans les chaumières.

Nous avons donc en 20 ans accumulé 250 000 milliards de dollars de dettes à travers la planète, là où nous étions déjà à la somme folle de 50 000 milliards en 2006… La progression de l’endettement est donc exponentielle ! Si l’on monte les taux de 1 % sur un stock de 250 000 milliards de dettes, c’est 2 500 milliards qu’il faut trouver chaque année pour payer ce 1 % de taux en plus dans l’économie mondiale  ? 2 500 milliards, c’est juste le PIB d’un pays comme la France pour vous donner un ordre d’idée.

Monter les taux dans une économie où tous les acteurs sont en surendettement c’est créer les conditions d’une crise majeure de solvabilité généralisée et donc d’un effondrement total. Impossible.

Nous y reviendrons à la fin de ce raisonnement.

La hausse des taux dépendra de la durée du ralentissement

C’est une dépêche de l’agence de presse Reuters qui revient sur les déclarations du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, dans un entretien accordé au quotidien El Pais ce dimanche.

Pour le gouverneur de la Banque de France, dont les propos interviennent après ceux de Benoit Cœuré, « le moment où la Banque centrale européenne (BCE) pourrait décider d’un premier relèvement des taux d’intérêt depuis la crise de 2008 dépendra de la durée du ralentissement économique à l’œuvre dans la zone euro ».

« La question clé sera de savoir si le ralentissement est temporaire, avec un rebond dans le courant de l’année, ou s’il est plus durable ». Pour lui, la BCE est « extrêmement efficace avec son trio d’instruments financiers (taux d’intérêt, gestion du bilan et instruments de liquidité) ». Et de rajouter que « nous serons pragmatiques en utilisant ce trio ».

Enfin, pour le gouverneur de la Banque de France, « la question importante est de savoir si cette décélération est temporaire, notamment en Allemagne, ou plus durable ».

Il n’y a pas de croissance saine, forte et autonome comme je vous le dis depuis presque 10 ans ! Cette croissance ne repose que sur la dette et les politiques d’impression de monnaies et d’injections de liquidités.

On ne peut plus monter les taux. On peut faire semblant de vouloir le faire, encore quelque temps, mais guère plus.

La question que je me pose depuis plusieurs années est la suivante : une fois épuisée la fiction imaginaire d’une possible normalisation des politiques monétaires à laquelle tout le monde fait semblant de croire, qu’est-ce que le système va nous « inventer » pour se maintenir à flot ?

La TMM, ou théorie monétaire moderne… est la nouvelle planche de salut !

Je vous parlais vendredi dernier de la TMM dans mon édito de fin de semaine (que vous pouvez relire ici). C’est important la TMM, très important même. C’est un peu notre futur à tous.

La TMM dit en gros que je peux (enfin pas moi, l’État) imprimer autant de billets que je veux, cela sera inflationniste, mais pour réduire la quantité de monnaie en circulation et réduire ainsi l’inflation, je n’ai qu’à augmenter les taxes et les impôts afin de réguler les choses…

Normalement, on doit se demander si c’est possible est ma réponse est un grand oui !

Ne me hurlez pas dessus tout de suite. Raisonnons ensemble. Ce que décrit la TMM et ses tenants notamment et en particulier aux États-Unis, car nous n’y sommes pas encore tout à fait en Europe (à cause des Allemands qui sont allergiques à l’inflation, car République de Weimar = inflation = hyperinflation = Adolf Hitler = zeures les plus sombres de leur histoire), c’est ni plus ni moins qu’un système à prélever et à redistribuer totalement fou et hypertrophié.

Cela ne vous fait penser à rien ?

Même pas ?

Allez, un effort ! Je vous parlais de quoi hier ? De nos 1 000 milliards qui étaient prélevés dans l’économie pour être redistribués par l’État.

Aux États-Unis, l’aile gauche du parti démocrate est juste en train de réinventer l’eau chaude et le modèle français !!

Oui, mes amis, par une ironie exquise de l’histoire, à force de tourner en rond dans une économie devenue folle, les Américains inventent en 2018 la politique économique… française !!

Mais les Américains ont également la Silicon valley et les GAFA, ils vont donc faire une politique à la Française, mais en 2.0 avec monnaie digitale, car finalement, pour qu’une telle politique puisse donner l’illusion du fonctionnement, que faut-il comme préalable ?

Les prérequis d’une TMM techniquement viable.

La première chose qu’il faut dans notre recette de la TMM c’est un système de change flottant où tout est relatif. Si tout le monde fait pareil, l’inflation est déjà nettement moins visible comme je l’ai expliqué un peu plus haut.

Le deuxième ingrédient c’est une bonne dose de guerre contre l’argent liquide qui peut présenter une alternative éventuelle, et quand il faut une brouette de billets pour acheter un camembert chez Carrefour ou un Big Mac à New York, cela est visible !!

Le troisième c’est dans un premier temps le moins de cash possible et la mise en place de cryptomonnaies d’État. Le cryptodollar officiel. Impossible dans les transactions numériques d’échapper à la folie taxatrice d’États devenus des machines folles à prélever et à redistribuer.

Le quatrième est un élément plus politique, car cela nécessite la mise en place d’une forme de totalitarisme permettant de « forcer » à l’utilisation de la monnaie, de forcer à la consommation, de forcer à dépenser dans tel ou tel domaine et aussi de faire taire ce qui viendrait risquer d’entraver la « bonne » marche de ce système d’un nouveau type.

Et normalement, à ce niveau du raisonnement, vous voyez déjà où nous en sommes de certaines dérives, et vers quoi nous nous dirigeons.

Dans leur fuite éperdue, les autorités économiques, monétaires et politiques qui nous dirigent ne se rendent même pas compte qu’elles sont en train de remettre en place une forme de communisme en faisant de la régulation économique la base de toute politique, en manipulant les marchés et en construisant une économie totalement et intégralement dirigée…

Au bout du compte, l’expérience nous a montré qu’en supprimant les incitations positives, non seulement on ne réduisait pas les inégalités, mais que l’on terminait l’aventure par un effondrement retentissant. Réjouissantes perspectives !

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.