Defense : la confiance, moteur des succès de la France

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Par Jacques Lefevre Publié le 30 mai 2016 à 5h00
France Defense Contrat Dcns Australie
@shutter - © Economie Matin
34 milliards ?DCNS a remporté récemment un contrat de 34 milliards d'euros en Australie.

Le « contrat du siècle » remporté par DCNS en Australie est venu couronner une impressionnante série de succès pour l’industrie française de défense : Rafale en Egypte et au Qatar, corvettes en Egypte, satellites militaires au Maroc et aux EAU…

Depuis deux ans, tout se passe comme si une vague irrésistible portait l’« équipe de France de la défense ». L’analogie sportive ne doit cependant rien aux circonstances, pas plus que cette réussite n’est le fruit du hasard. Alors que les produits, les compétences ou la géopolitique n’ont que peu changé par rapport à une époque encore récente où nous allions de déception en déception, c’est bien la capacité de tous les acteurs impliqués à désormais œuvrer en équipe qui fait aujourd’hui toute la différence. Et la confiance est le ciment de cette dynamique collective.

Avec le nucléaire, les grands contrats de défense sont ce qu’il y a de plus complexe comme négociations commerciales. Les enjeux économiques, politiques et diplomatiques sont énormes, les jeux d’influences excessivement sensibles, les exigences techniques, contractuelles et financières poussées à leurs limites. Et du sommet de l’État jusqu’au dernier sous-traitant, le dossier implique d’innombrables parties prenantes. Or, dans notre culture si française du rapport de force, on a longtemps vu l’un ou l’autre tenter, à un moment donné, de tirer la couverture à lui, faisant s’écrouler tout l’édifice. Car, pour le client, des interlocuteurs en ordre dispersé, c’est du flou et de l’incertitude, c’est-à-dire un risque. Et ce n’est pas acceptable.

Leçon des échecs passés ? Évolution générationnelle ? Conjonction heureuse de dirigeants aux agendas et aux egos compatibles ? Un peu pour toutes ces raisons sans doute, des acteurs privés et publics qui n’avaient jamais su, pu ou voulu sortir de leur rôle de brillants solistes se sont mis à jouer la même partition. Enfin, pourrait-on dire, mais mettre en œuvre un fonctionnement en équipe efficace et dénué d’arrière-pensées ne se décrète pas. La réussite collective est un cercle vertueux où la confiance alimente la dynamique du succès autant qu’elle s’en nourrit.

À l’origine, il y a nécessairement des dirigeants clairvoyants, déterminés et courageux. Ils portent cette vision collective, en incarnent les valeurs et en transmettent les exigences sans craindre de s’exposer aux critiques. Par leur exemplarité, leur humilité et leur intransigeance, ils sont en mesure de communiquer la nouvelle philosophie à l’ensemble de leur organisation. Dans certaines fonctions, comme les achats ou l’ingénierie, cela constitue parfois un changement très profond et les relais managériaux doivent être d’autant plus forts que l’adaptation doit être rapide. Pour créer les conditions d’un succès durable, il faut en outre que l’organisation collective soit suffisamment souple et robuste pour affronter les inévitables divergences de vues, les aléas de négociations difficiles et les défis techniques inattendus. Rigueur, franchise, clarté et rapidité des décisions en sont les règles d’or.

Le rapport de force permet, certes, de faire émerger des champions mais toujours aux dépens d’autrui. Or, dans le monde actuel, le concurrent d’aujourd’hui est le partenaire de demain. La force ne procède plus du chef de file, de ces grands groupes qui sont notre spécialité et notre fierté nationales, mais des écosystèmes, sources de richesse, de diversité, d’innovation, d’agilité. Affaiblir ses fournisseurs, ses sous-traitants, voire ses concurrents, comme nous en avons trop souvent l’habitude, est une victoire à la Pyrrhus au détriment du long terme.

C’est pourquoi nous devons nous réjouir de ces succès de l’industrie de défense française. Non pas par chauvinisme, ou même pour leurs retombées économiques, mais parce qu’en parvenant à s’unir pour faire face à une concurrence désormais globale, les acteurs publics et privés impliqués ont montré que nous pouvions, et que nous avions intérêt, à jouer collectif en dépit d’objectifs et de cultures différents. Ces réussites sont la preuve retentissante que le succès est à portée de la main sitôt que l’on fait confiance à l’autre et que l’on s’attache à ne pas trahir celle qu’il vous accorde. C’est une leçon qui vaut pour l’ensemble du monde économique, pour tous les secteurs, tous les types d’entreprises. Espérons qu’elle sera entendue.

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Jacques Lefèvre, directeur associé de Stratorg Group est Diplômé de Supaéro, il a commencé à travailler dans l’industrie, puis a poursuivi sa carrière dans le conseil en stratégie Entré chez Aérospatiale en 1985, il a participé à la conception d’Ariane 5 dans l’établissement des Mureaux. Il est ensuite entré dans le conseil, où, après un passage rapide chez Andersen Consulting, il a participé au développement de l’activité Aéronautique/ Espace/ Défense, puis Utilities au sein de Stratorg Group. En tant que directeur associé de Stratorg, Jacques Lefèvre accompagne de grandes entreprises dans leurs transformations : élaboration et mise en œuvre de stratégie, réorganisation, mobilisation interne, accompagnement de fusion, mise en place de partenariats stratégiques.