Grèves en pleine épidémie : à force d’outrances la CGT n’est plus crédible

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 29 novembre 2022 à 9h23
Cliniques Hopitaux Prives Ehpad Manquements Reglementation

Virus inattendu et particulièrement virulent, la Covid 19 aura agi comme un véritable révélateur des faiblesses de notre système de santé. L'heure n'est pas encore au bilan mais déjà, un peu partout, nombreux sont ceux qui, à l'instar de la CGT, essayent de tirer leur épingle du jeu en n'hésitant pas, parfois cyniquement, à profiter de la crise pour exercer une pression supplémentaire sur les dirigeants. Pour preuves les incessants appels à la grève, souvent suivis, de la CGT dans les hôpitaux et dans les EHPAD, dans cette période si particulière où ce qui manque le plus cruellement, justement, ce sont les bras.

Covid 19 ou pas, leur statut vaut plus que notre santé

Les intentions de la CGT ne sont plus à démontrer. Son logiciel est la lutte des classes, son but est l'avènement d'une société marxiste dans laquelle la prétendue égalité serait le seul critère de justice et de vérité politique et économique. Quel que soit le contexte, ses méthodes sont invariables. Il suffit de voir les nombreuses grèves, dont on ne parle même plus tellement elles sont récurrentes, qui continuent d'amputer hôpitaux et Ehpad d'une main d'oeuvre pourtant si précieuse. Dernièrement encore, un Ehpad situé à quelques dizaines de kilomètres de Marseille s?est mis en grève « illimitée » jusqu'à ce que le personnel obtienne une augmentation. On sait à quel point les rémunérations des personnels de santé français peuvent exiger une revalorisation. Mais n'est ce pas à l'heure du bilan, quand la crise sanitaire sera derrière nous, que des assises nationales, bâties sur les cendres du dernier Grenelle de la santé, pourront se saisir du problème et trouver des solutions économiquement viables ?

Lors de luttes ponctuelles et locales, la CGT n'hésite pas non plus à pratiquer le sabotage matériel, y compris parfois au mépris du danger pour les usagers. Dans une interview donnée au Parisien en janvier 2020, Cédric Liechti, secrétaire général de la CGT-Energie Paris réagissait à la garde à vue de deux agents Enedis pour des coupures d'électricité sauvage : « C'est inadmissible. Le gouvernement veut criminaliser ce mouvement social. » Pour le syndicaliste, poursuivre quelqu'un qui commet un délit, c'est le criminaliser. Belle conception ! « Nous sommes en état de légitime défense sociale » justifie-t-il. Et s'il en était certains pour penser qu'il s'agit d'actes isolés de membres zélés de la CGT, Cédric Liechti vous rassure tout de suite « C'est une décision collective. Les agents décident, et nous faisons en sorte que ça se passe bien. » Quant au danger potentiel, le cégétiste le balaye d'un revers de main en affirmant, péremptoire, que « quand un site sensible, comme un hôpital, est privé de courant, les groupes électrogènes prennent le relais. »

Pour commencer, il est bon de rappeler qu'une coupure d'électricité, même de quelques secondes, peut avoir des conséquences dramatiques dans un hôpital ou un Ehpad. Ce fut d'ailleurs le cas en décembre 2019 à la clinique Esquirol Saint Hilaire à Agen, où l'électricité a été coupée par la CGT alors qu"un chirurgien était au beau milieu d'une opération vasculaire majeure et très délicate. « Même si l'interruption de l'électricité n'a duré qu'une dizaine de secondes avant que le groupe électrogène du bloc opératoire ne prenne le relais, cela aurait pu avoir des conséquences graves » a expliqué le chirurgien. « Légitime défense sociale » vous répondrait la CGT !

Et si les groupes électrogènes ne fonctionnent pas ? « Impossible ! » dirait Cédric Liechti. Et pourtant, c'est arrivé dans un Ehpad. En décembre de l"année dernière, la CGT a, là aussi, procédé à une coupure d'électricité sauvage. Un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes s'est alors trouvé sans électricité et les patients sous assistance respiratoire en danger grave. Et si le groupe électrogène ne s'est pas mis en route c'est que les batteries commandées par l'établissement ne sont pas arrivées à temps à cause? d'une grève des transports. Dont il est inutile de se demander qui pouvait l'avoir suscitée ou soutenue ! « Nous avons été pénalisés deux fois par les mouvements de grève » déplorait la directrice de l?Ehpad.

Force est de constater que la CGT ne se prive pas de mettre en danger des personnes âgées et fragiles à l'hôpital ou en Ehpad au nom de la « lutte sociale ». Dès lors, il nous est permis de douter de sa sincérité lorsqu'elle justifie ses grèves, en pleine crise sanitaire et épidémie de Covid-19, par le souci de la santé des patients et des résidents.

Des témoignages attestent même que, dans certains Ehpad, la CGT aurait poussé ses délégués à se faire porter pâle au début du premier confinement. Cela a eu pour effet de mettre les établissements touchés dans une difficulté accrue, avec des plannings du personnel intenables, mais a donné un levier de pression supplémentaire sur les directions des établissements. Il est d'ailleurs significatif que les groupes d'Ehpad privés, tels Korian, Orpéa, DomusVi, accusés de mépriser la santé des résidents pour leur profits, se soient retrouvés dans une véritable tourmente médiatique alors qu'ils ne présentaient pas de chiffres de mortalité plus catastrophiques que les établissements publics ou associatifs. Finalement, la seule différence entre les Ehpad dont on a entendu parler et les autres, est la présence de syndicats virulents comme la CGT, qui profitent cyniquement de la situation dramatique pour avancer leurs pions partout où ils le peuvent.

Faux syndicalistes, vrais marxistes

Si l'on continue de considérer la CGT comme un véritable syndicat, on ne peut comprendre son comportement et ses prises de position. En donnant l'impression permanente de scier la branche sur laquelle les travailleurs qu'elle prétend défendre sont assis, ce syndicat interroge. Les exemples de sabotage en tout genre dont la CGT s'est rendue coupable ne manquent pas, au mépris de la santé des plus fragiles en hôpital ou en Ehpad. Mais sans aller jusqu'à des sabotages matériels lourds de conséquences, cet organisme de pression et de propagande se contente la plupart du temps de saboter économiquement les sociétés dans lesquelles elle évolue. La CGT n'est elle pas toujours le bras armé du Parti Communiste avec pour objectif final, la lutte des classes et l'avènement du Grand Soir, à n'importe quel prix ?

La grève par exemple. Quelques chiffres permettent de se faire une idée de son coût. Au 15 janvier 2020, les mouvements sociaux de protestation à la réforme des retraites avaient coûté 200 millions d?euros à la RATP et 850 millions d?euros à la SNCF ! Mais la RATP et la SNCF, largement financés par nos impôts et des prix de billets de plus en plus élevés, ne sont pas les seuls à en pâtir. En effet, outre les désagréments parfois catastrophiques pour la vie professionnelle et personnelle des usagers, les entreprises parisiennes avaient quant à elles, selon le MEDEF, perdu en moyenne 233 euros par salarié à la même date. Tout cumulé, on parle en réalité de milliards d'euros. Ces chiffres, que la CGT connaît évidemment, ne sont pas des dommages collatéraux pour elle, ils sont le coeur même de sa stratégie. Le but évident est de pousser les décideurs économiques et politiques à céder à la CGT, ne serait-ce que par simple calcul financier. S'il en coûte plus de réformer que le statu quo, même si le but de la réforme est de faire des économies, alors il est logique de renoncer? Sans parler des conséquences électoralistes d'un blocage des transports de plusieurs semaines.

Ce calcul est vrai à court terme, mais à long terme il nous enferme malheureusement dans une spirale injuste d'une dépense publique exorbitante utilisée à maintenir sous perfusion des entreprises aux comptes totalement déséquilibrés, et structurelement non rentables. C'est sûr qu?avec des slogans démagogiques et ultra simplistes comme « nos vies valent plus que leurs profits », la rhétorique de la CGT n'aide pas à la réflexion stratégique de long terme. Pourtant, à y regarder de plus près, ce qu'ils appellent « leurs profits » est une SNCF endettée à la hauteur de près de 50 milliards d'euros et ce qu'ils appellent « nos vies » est un régime exceptionnel qui confère aux cheminots un salaire moyen supérieur à celui des Français, 22 jours de RTT en plus des 28 jours de congés annuels, ainsi que 19 jours d'absence. Le salarié moyen en France, quant à lui, bénéficie de 27 jours de congés, 0 jour de RTT et 17 jours d?absence. Quant à la masse salariale dans le budget de la SNCF, 47 % des charges totales, elle est en constante augmentation, 1,3 milliard de plus en dix ans alors que les effectifs ont diminué de 14 % dans la même période. Mais gare à celui qui veut dénoncer ces chiffres ou qui même daigne s'en inquiéter. Les syndicats seront toujours là pour dénoncer une campagne de conditionnement ou une propagande capitaliste à la solde du pouvoir.

Une industrie moribonde, euthanasiée par la CGT

Pour l'après Covid, on parle déjà de la reconstruction économique et industrielle du pays. Il faut réindustrialiser le pays, tout le monde est d?accord. Mais entre les écolos qui ne veulent pas d'usines et les syndicats qui bloquent tout effort de compétitivité, cela risque d'être assez difficile. Quant à la CGT, fidèle à elle-même, elle ne « lâche rien » et continue de contribuer aux multiples délocalisations qui continuent de nous ruiner. Un des derniers exemples en date est la fermeture absurde de l'usine Renault Sandouville en mai dernier. Il ne s'agit pas d'une délocalisation, certes, mais d'une fermeture temporaire qui aura tout de même coûté des emplois à de nombreux intérimaires. A ce moment-là, la CGT arguait d'un protocole sanitaire insuffisant alors même que les autres syndicats, y compris FO, syndicat pas vraiment connu pour son esprit de conciliation, trouvaient les mesures largement nécessaires pour maintenir l'activité de l'usine, dont de nombreux travailleurs dépendaient. Quelques mois plus tard, la Cour d?appel de Rouen retoque la CGT qui avait saisi le tribunal judiciaire du Havre et Fabien Gloaguen, délégué FO Renault Sandouville de conclure, furieux contre la CGT : « Le dialogue social existe au sein de l'usine. Cette affaire ternit l'image de Sandouville. C'est nuisible pour les salariés. Nous avons de la colère et de la rancoeur. Nous n'oublierons pas. La fermeture a fait perdre beaucoup aux salariés?: sept jours de congés perdus et des intérimaires sans revenus. Ils ont perdu 750 euros. Et tout cela alors que le site fonctionne bien, avec un carnet de commandes de 63 jours. »

Récemment encore la fermeture annoncée de l'unique usine de pneus Bridgestone à Béthune dans le Pas de Calais, a plongé plus de 860 salariés dans la perspective d'un avenir bien sombre. Avant d'accuser les dieux de la mondialisation ou la cupidité des actionnaires japonais, il est bon de se rappeler qu'un an auparavant la CGT refusait de passer de 32,04 heures à 34,7 heures par semaine, en étant augmenté dès la première heure supplémentaire. Le but était de booster la productivité de l'usine afin de la garder à flot mais le syndicat refusait toute négociation. Depuis lors, les salariés attendaient que leur sort soit décidé en espérant que l'Europe les sauve. Quelques mois plus tard, c'est dans les médias que les salariés qui n'étaient pas à l'usine le 16 septembre ont appris la nouvelle : l'usine de Béthune fermera car elle n'est plus rentable. Mais la CGT n'a pas l'air de retenir les leçons puisqu'en pleine crise sanitaire la proposition phare de Philippe Martinez est encore et toujours de passer de la semaine de 35 heures à 32 heures pour « réduire le chômage »?

A l'autre bout de la France, en février dernier, le Port de Marseille estimait à 260 millions d'euros les pertes dues aux grèves répétées. Aujourd'hui il ne sait plus quoi inventer pour fidéliser ses clients échaudés par les mouvements de grève constants. Ce plan d'action, pour un montant de 5 millions d'euros et cofinancé par la région PACA, veut mettre en place des réductions conséquentes pour les armateurs ainsi qu'un soutien d'urgence aux sociétés touchées. Pourtant, à y regarder de plus près, les dockers n'ont pas un sort si terrible. Il y a quelque temps déjà la Cour des Comptes avait épinglé sévèrement la CGT en montrant que les dockers touchaient jusqu'à 4 400 euros nets par mois en comptant les primes, pour 12 heures de travail hebdomadaire? Là encore la CGT se montre féroce pour défendre le pré-carré de ceux qui ont obtenu faveurs et primes, simplement parce que leur position stratégique leur permet de nuire, et gagner tous les bras de fer.

Il serait évidemment injuste d'attribuer la crise économique et la désindustrialisation à la seule action syndicale de la CGT. La mondialisation sauvage, la concurrence déloyale, la financiarisation de l'économie et l'investissement presque exclusif dans le tertiaire depuis 30 ans, tout cela a contribué à réduire considérablement notre capacité de production nationale qui, à son tour, a réduit nos capacités d'investissement dans tous les secteurs, qui n'ont pas le vent en poupe. Mais que ce soit clair, la CGT n'a jamais joué son véritable rôle de syndicat de défense des travailleurs. En agissant systématiquement contre leur intérêt à moyen et long terme, la CGT les a tout simplement trahis. Il est temps d'ouvrir les yeux et de cesser de donner de l'importance à ce syndicat nuisible qui n'est rien d'autre qu'un vestige du passé, cinquième colonne d'un parti qui n'est plus que l'ombre de lui-même, a des années lumières des nobles idéaux qu'il a pu défendre dans le passé. Les travailleurs ont besoin d'un syndicalisme constructif, pas celui pratiqué par la CGT qui les utilise comme de la chair à faire grève pour continuer coûte que coûte à exister, envers et contre tout.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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