Historique de l’inflation en France et analyse actuelle

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Par Daniel Moinier Modifié le 29 novembre 2022 à 9h22
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6,3%L'alimentaire devrait augmenter de 6,3% en juin 2022 selon l'Insee

Depuis 1900 la France a connu des périodes d’inflation assez exceptionnelles pendant plus de 80 ans. Cette période très différente de ce nous avons connue ces 20 dernières années, a été marquée par différentes crises gouvernementales, économiques et surtout les fortes influences des différentes guerres telles :

La grande guerre de 1914/18 qui a engendré la plus grande dépression de 1930 d’entre 2 guerres
La 2ème guerre mondiale 1939/45 suivie d’une inflation record
La guerre d’Indochine 1946/54, suivie de celle du Vietnam1959/75 avec les USA
Les 4 guerres israélo/Arabes échelonnées de 1948 à 1973
La guerre d’Algérie 1957/1962
La Guerre de Chypre,Grèce/Turquie 1974
La guerre Iran/Irak 1980/88
La guerre Kosovo/Tchécoslovaquie 1998/99
Les 20 ans de guerre en Afghanistan, Russie 1979/89 et USA 2001/21
La longue guerre Iran/Irak 1980/88
La guerre d’Irak/USA 2003
Les 10 années de guerre en Syrie (de religion)
La guerre en Ukraine 03/2022….

On pourrait ajouter des périodes de crises économiques et boursières et autres hors guerre, en plus de la très grande dépression d’après la première guerre mondiale :
1974 : Partie des USA, la crise du Watergate et du 1er krach informatique
2000 à 2001 : Bulle internet suivie du 11 septembre World Trade Center
2008/2009 : Crise des Subprimes qui a engendré celles de toutes les banques mondiales
2015 : Attentats en France suivi d’une très forte baisse du tourisme
2020 : Crise pandémique du Covid 19, suivie de la guerre en Ukraine

En 1945, après la 2ème guerre mondiale, Il a déjà fallu supporter huit années d’inflation à des taux record à deux chiffres (maxi 58,7% en 48) jusqu’en 1985 pour passer ensuite à un chiffre.
Pendant cette période aucune aide quelconque n’existait, nos concitoyens subissaient mais s’arrangeaient pour subvenir à leurs besoins. Il est nécessaire de rappeler que la structure de la population n’était pas du tout la même. Avant 1930, 50% de la population était rurale (villes de - de 2000 habitants), actuellement c’est plus de 75%.

Il a fallu attendre les années 1960 pour voir les voitures commencer à encombrer les routes, puis les autoroutes avec les premières créations : A13 (Caen) puis A1 (Lille) terminée en 1967

Ce qui différencie les deux époques, après guerre et aujourd’hui, c’est principalement le développement de l’automobile et des moyens de transports (et internet). A la campagne, on se rendait au travail principalement à pied, un peu plus tard à bicyclette ou transporté par les bus de ramassage de l’entreprise. Chaque famille à la campagne, cultivait de grands jardins et terres et se nourrissait principalement de ses produits, de son élevage. Pour le chauffage, c’était pour beaucoup les affouages communaux qui permettaient de faire son bois à peu de frais. La principale différence c’est qu’il fallait faire double journée : l’hiver pour le bois ; printemps, été et automne pour le jardinage et le travail salarié souvent le matin.

Pas besoin de faire de randonnées, balades, passer à la salle de gym, on tenait la forme tout en restant mince. Les enfants partis travaillés en ville, emportaient souvent leurs légumes et fruits pour la semaine.

Cette vie relativement autonome, permettait de supporter les hausses de prix et les pertes de pouvoir d’achat. Les produits étaient très peu dépendants des marchés, de l’étranger, de l’international. Peu de pétrole, d’électricité utilisés, le gaz n’existait pas ou très peu. La première grande crise (ou choc pétrolier) du pétrole est arrivée en 1973.

Comment pourrait-on résister à des taux de plus de 50% d’inflation comme en 1946 ? Actuellement avec des taux similaires, les manifestations iraient certainement à l’extrême jusqu’à la révolution !!!

Les causes principales de l’inflation actuelle

Le début de l’inflation a commencé par le manque de composants industriels et surtout automobile (puces et autres) provenant en grande partie de Taiwan.
Puis la sortie de la crise sanitaire a entraîné une forte reprise économique qui a fait rapidement gonfler les prix. En 2021, cette inflation n’inquiétait pas mais elle n'était pas nécessairement un handicap, tant qu'elle ne dépassait pas un certain seuil.
Elle était concentrée sur l'énergie, la flambée des cours des matières premières et des prix de production dans l'industrie, mais commençait à se propager dans les produits alimentaires et dans les biens manufacturés.
Autre cause, la suite de la pandémie avec quelques villes confinées en Chine principalement à Shanghai qui bloque l’alimentaire, mais aussi suite au manque de dockers, un casse tête logistique qui prive les départs de matériel et pièces pour l’export ; automobile, climatiseurs par exemple…

En France, selon l’Insee, les prix à la consommation ont augmenté de 0,4 % fin 2021 et de 2,8 % sur un an, après une estimation à 2,6 % sur le mois précédent. Une évolution progressive et inquiétante, bien que largement inférieure à celle de nos voisins européens.

La guerre en Ukraine démarrée mi mars 2022 a été un fort accélérateur de l’inflation pour deux raisons :
Les produits ukrainiens qui n’arrivent plus ; blé, huile, pétrole (Ukraine + Russie, c’est 29% des exportations de blé mondial, de 27% du maïs et 27% de l’orge, 1/3 des exportations de tournesol et 79% de l’huile de tournesol)
Le blocus mis en place par les USA et l’Europe sur les importations, avoirs russes etc…
Les décisions russes de freiner les exportations de pétrole, gaz.
Les fermetures de nombreux groupes français (et autres pays) implantés en Russie.
Même les pays d’Orient, d’Afrique sont déstabilisés. Se passer des exportations de brut, de gaz comme le souhaitent les Etats-Unis et l’Europe semble très difficile à tenir, voire impossible à court et même à moyen terme, d’autant que l’Opep et même l’Algérie ont décidé de ne pas augmenter leur production. Le prix va devenir dissuasif pour le consommateur. Et même si ces producteurs se décidaient à produire plus, il faudrait au minimum deux mois pour passer à l’action de façon significative. Seul l’Iran pourrait être d’accord à condition de lever les sanctions américaines sur le nucléaire. Cela de toute façon ne serait pas suffisant en termes de besoin. En ce qui concerne les USA, sa production est déjà maximum et même avec un baril à 200 dollars les possibilités d’augmenter la production restent très limitées.
La possibilité de faire chuter les prix serait qu’ils dépassent les 120/130 dollars ce qui devrait engendrer une baisse d’achat de carburants des automobilises, indique Benjamin Louvet (Gérant spécialiste Matières Premières, OFI AM. Membre d'ASPO).

A fin avril, les prix à la consommation ont augmenté de 4,8% sur un an, a révélé l'Insee. Il s'agit de son plus haut niveau depuis novembre 1985. Les prix des produits manufacturés ralentissent (+0,5 % après +1,4 %). Ceux des services accélèrent (+0,7 % après +0,2 %) notamment en raison du net rebond saisonnier des prix des services de transports (+9,4 % après −0,9 %)", note l'institut. Voici ce qu'il faut retenir :

  • Alimentation : +3,8%
  • Produits frais : +7,1%
  • Tabac : -01%
  • Produits manufacturés : +2,6%
  • Energie : +26,5%
  • Services : +3%

L'inflation ne semble pas décidée à s'arrêter. L'institut a déjà anticipé une hausse de l'inflation dans les prochains mois. Elle devrait atteindre 5% en mai, puis 5,4% en juin, selon la dernière note de conjoncture. Les prix alimentaires sont attendus en très forte hausse : +6,3% en juin. En l'absence du bouclier tarifaire et de la remise de 18 centimes sur le prix du carburant, l'Insee estime que l'inflation dépasserait les 7% sur un an au mois de mai.

Pour les investisseurs immobiliers, cela peut être une chance pour ceux qui ont emprunté à un taux fixe très bas, leurs remboursements seront moindres. Dans les années 70/80, les emprunteurs ont souvent terminé leur prêt avec des coûts 2 à 3 fois moins élevés, voire plus.

Pour essayer de contrer cette flambée des prix, le gouvernement Castex a annoncé un projet de loi de finances rectificative qui sera mis en place juste après la nomination du nouveau gouvernement en deuxième partie de mai 2022 :

-Prolongation du bouclier tarifaire jusqu’à fin 2022,
-Une mesure ciblée pour les gros rouleurs
-La suppression de la redevance TV
-Le triplement de la prime Macron
-Le dégel du point d’indice
-La revalorisation des prestations sociales et des retraites
-La création du chèque alimentaire

Cela suffira-t-il pour contrer l’inflation et surtout les esprits et revendications prévisibles ?

www.danielmoinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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