Pour les retardataires ou ceux dont les revenus dépassent cette année 40 000 €, la déclaration en ligne, est désormais incontournable. L’occasion de découvrir une déclaration qui, loin e simplifier la fiscalité française, ajoute désormais à sa complexité légendaire les contraintes de l’écran et du numérique…
Avec le papier, celui qui a la chance de déclarer à la fois des salaires, des honoraires, un peu de loyers et quelques plus-values, avait jusqu’à présent l’habitude de rassembler les divers imprimés et de les étaler sur la table de la salle à manger afin de ne pas en oublier un par inadvertance. Dorénavant, il continuera d’être noyé sous le même monceau de formulaires mais devra en plus jouer les acrobates devant son écran, multipliant les allers-retours de l’un à l’autre tout en juxtaposant les onglets pour que la notice gentiment mise à disposition traduise par superposition le langage codé des cases à noircir.
En général, une fois que les imprimés nécessaires ont été choisis parmi une liste interminable aux références hermétiques, le contribuable constate en effet qu’il doit en plus ouvrir autant de notices qui, une fois lues, font oublier pourquoi on y a fait appel. Le mode de calcul et de déclaration des plus-values de cession de valeurs mobilières culmine sur ce point au chef d’œuvre. A croire que les informaticiens de Bercy qui n’ont sans doute rien compris au texte, d’ailleurs incompréhensible, qui régit ces plus-values, ont tout fait pour décourager le petit épargnant de les déclarer. Après une heure de recherche pour trouver le bon formulaire, le contribuable en met une de plus pour repérer la bonne case et finit par passer la journée (ou la nuit) à parfaire le remplissage, se demandant au bout du compte s’il a correctement imputé les moins-values sur les bonnes plus-values…
Si la déclaration épargne en théorie le maniement des justificatifs à joindre, la pratique éloigne toutefois le citoyen de la théorie. En termes d’allègement, celui-ci se rend vite compte que les justificatifs ne sont plus à joindre mais à garder soigneusement. Où est donc l’avantage ? En outre, la déclaration en ligne connaît les joies de l’infini, libérée des contraintes des informations à regrouper dans un cadre de deux centimètres sur trois. A la différence du formulaire papier obligeant à condenser en deux lignes tous les travaux à déduire ou le personnel de maison à déclarer, internet propose à chaque contribuable des espaces illimités pour fournir à l’administration tous les détails de ses revenus, charges et autres renseignements pourtant sans lien direct avec le calcul de son impôt.
Non seulement le contribuable doit désormais s’éterniser devant son ordinateur s’il veut être certain d’avoir justifié comme il faut ses déductions mais il se retrouve en outre confronté à nombres de rubriques numériques annexes conduisant le contribuable à révéler au percepteur une bonne partie de sa vie, même si cela n’a pas grand-chose à voir avec les revenus. Taille du logement, identité du propriétaire, prénom des enfants, tout y passe, et quand ce n’est pas suffisamment rempli, un rappel incite le contribuable à faire mieux, dans l’espoir sans doute que celui-ci ne s’aperçoive pas que le passage en force reste toutefois possible… Michel Sapin affirme que la déclaration de revenus resterait le symbole du consentement à l’impôt une fois celui-ci pris à la source. Sa version en ligne n’est-elle pas plutôt une amorce des indiscrétions à prévoir du fait de cette même retenue à la source ?
Quoi qu’il en soit, arrivés en fin de parcours, certains sont tentés de profiter du cadre rituel des commentaires pour notifier une « mention expresse » par laquelle ils espèrent faire diminuer leur impôt. Le logiciel de Bercy prévient alors le contribuable téméraire que si ces commentaires prennent la forme de la fameuse « mention expresse », la déclaration fera l’objet d’un examen particulier de la part d’un contrôleur. A moins de n’avoir pas peur du contrôle, cela dissuade donc les initiatives originales d’optimisation fiscale pour faire de la déclaration en ligne une vulgaire chambre d’enregistrement des données fiscales déjà transmises au fisc par l’employeur et le banquier. Et une fois la déclaration enregistrée et signée, mieux vaut ne pas y revenir. Cela est certes possible tant que le délai n’est pas forclos mais celui qui enclenche la fonction « modifier », s’il n’est pas forcé de tout réécrire, se voit tout de même contraint de repasser en revue toutes ses déclarations, ce qui peut signifier plusieurs dizaines d’écrans qui doivent alors redéfiler…
La déclaration en ligne se généralise curieusement en même temps que disparaissent les visites sans rendez-vous au centre des impôts. Pour obtenir un renseignement sur place, il faut maintenant prendre date et donc fournir son identité. De quoi dissuader de tout contact physique, papier ou visuel. Est-ce parce qu’un agent des impôts qui n’a plus à saisir une déclaration ou à recevoir un administré est un agent de plus affecté au contrôle ? Si c’est le cas, la déclaration en ligne servira alors décidément mieux l’administration que l’administré…