L’Index de l’égalité femmes-hommes : l’évaluation d’une évolution

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Par Rédacteur Publié le 19 mars 2019 à 6h04
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23%En France, on estime en moyenne à 23% l'écart salarial entre les hommes et les femmes.

Obligatoire depuis un décret d’application publié en janvier, l’index de l’égalité femmes-hommes permet de rendre publiques les politiques des grandes entreprises en matière d’équité salariale. Une mesure de transparence qui n’est cependant pas encore pleinement encore rentrée dans les mœurs : seule une moitié des sociétés concernées ont pour l’heure publié leurs résultats, alors que la date limite était le 1er mars. Mais le premier bilan de cet index est déjà tiré : une évolution notable vers plus d’égalité est à observer chez certaines entreprises, quand d’autres auraient plutôt tendance à mériter un bonnet d’âne.

Des écarts réels en France

Le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, de nombreux collectifs féministes ont appelé à une grève à partir de 15h40. Un horaire précis, qui correspond au moment quotidien à partir duquel les femmes ne sont « plus » payées, si l’on compare leurs salaires avec ceux des hommes. En effet, en France, on estime en moyenne à 23% l’écart salarial entre les hommes et les femmes. À compétence et temps de travail équivalents, le différentiel est d’environ 13%, le chiffre moyen s’expliquant par le fait que nombre de femmes n’ont accès qu’à des emplois à temps partiel. Dans les grandes entreprises, ce chiffre a tendance à se nuancer ; François-Frédéric Breux, consultant en Ressources Humaines pour Willis Towers Watsons, estime que l’écart salarial moyen à poste égal est à 5% en 2018, contre 10% en 2013. Sur la même période, les postes de cadres dirigeants se sont féminisés : 14% d’entre eux sont tenus par des femmes, contre 9% en 2013. Pourtant, malgré cette dynamique, les chiffres restent parlants, et ne s’expliquent que par la pure discrimination sexuelle qui règne dans la majorité des entreprises. Ce fléau fait l’objet d’un suivi politique important : Emmanuel Macron a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes l’une des grandes causes de son quinquennat. Du côté ministériel, Muriel Pénicaud a confié à Sylvie Leyre, ancienne DRH chez Schneider Electric, une réflexion sur l'évaluation des dynamiques d’égalité en entreprise, ce qui a abouti à la création de l’Index égalité femmes-hommes.

Les critères de l’Index de l’égalité femmes-hommes

Suite à un plan d’action initié entre le Premier Ministre Édouard Philippe, Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa, l’idée d’évaluer les grandes entreprises publiquement est entrée dans la loi en septembre 2018. Chaque entreprise, parmi les 1400 structures françaises de plus de 1000 salariés, doit afficher le résultat de son évaluation sur son site internet. L’Index se présente sous la forme d’une note sur cent points, correspondant à de nombreux critères. L’écart salarial est mesuré sur 40 points ; les salaires sont évalués à âge égal et à catégorie professionnelle similaires, en englobant aussi bien le traitement net que les primes et les avantages en nature. Sur 20 points, les entreprises sont analysées en fonction de la répartition des augmentations individuelles entre les deux sexes. 15 points permettent de vérifier que femmes et hommes ont les mêmes chances de promotion. 15 points encore sont attribués en fonction du pourcentage de salariées augmentées durant leurs congés maternité lors d’une augmentation collective (ce qui est la stricte application de la loi). Enfin, avoir au moins quatre femmes parmi les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise vaut 10 points dans le calcul de la note finale. La mesure, qui ne concernait que les entreprises de plus de 1000 salariés, va se généraliser dans les prochains mois : les sociétés de plus de 250 salariés rendront publiques leurs évaluations en septembre, et celles de 50 à 250 en mars 2020. En cas de scores inférieurs à 75/100, les entreprises ont 3 ans pour rectifier le tir. Dans le cas contraire, des sanctions financières substantielles pourront être appliquées, notamment une amende fixée à 1% de la masse salariale de la société

Premiers chiffres : les bons et les mauvais élèves se distinguent

Cette première évaluation a déjà permis de prendre le pouls des entreprises sur leur réactivité : elles sont seulement 800 à avoir publié leur index, 600 autres promettant de le faire rapidement. Parmi les structures qui ont eu la réactivité nécessaire pour communiquer leur score, certaines sociétés brillent par de très hauts scores, qui témoignent d’une politique d’égalité durable : Sodexo Hygiène et Propreté, CNP, LVMH, la MAIF, ou Primark sont cités parmi les bons élèves de cette première évaluation. Dans les grandes entreprises, l’Index révèle ainsi une belle volonté d’amélioration constante. Pour EDF par exemple, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes constitue l’un des fondements de l’égalité professionnelle. Ainsi l’écart salarial femme-homme est passé, à responsabilités égales, de près de 5% en 2002 à 0,5% en 2017 sur la rémunération principale. Pour le groupe, d’autres enjeux sont tout aussi forts : lutte contre les discriminations, les agissements sexistes et les stéréotypes de genres, féminisation des postes techniques et des postes-clés, équilibres des temps de vie, lutte contre les violences faites aux femmes… Christophe Carval, Directeur Exécutif groupe en charge de la Direction des Ressources Humaines Groupe, a récemment rappelé qu’EDF était « convaincue que la mixité et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sont des facteurs essentiels de progrès social et de performance durable. » Et pointe que « l’accord égalité professionnelle signée pour 2019-2022 avec ses 40 nouvelles dispositions va nous permettre d’aller au-delà des avancées » déjà démontrées par l’Index de 80/100 obtenu sur l’année 2018.

De son côté, Air France, qui a deux femmes à sa tête, comme PDG et DG, engage depuis onze ans des mesures de rattrapage pour réduire les écarts de salaire. Elle a signé l’an passé un accord triennal sur l’égalité, le cinquième depuis deux décennies. Preuve que l’on peut espérer que grâce à une politique durable, l’égalité soit mieux qu'un horizon lointain. De leur côté, les entreprises à la traîne prouvent qu’elles n’ont pas engagé suffisamment tôt les réformes nécessaires à la mise sur un pied d’égalité des femmes et des hommes. Thales Services, Bolloré Logistics, Radio France, GRDF ou encore Arcelor Mittal Industeel auront ainsi l’obligation légale de revoir rapidement leur copie, leur score étant inférieur à 75/100. Un quart des entreprises ayant déclaré leurs chiffres ne respectent par ailleurs pas la loi concernant l’augmentation des femmes en retour de congé maternité. Des scores et des pratiques qui justifient donc que désormais l’ensemble de l’entrepreneuriat français agisse dans le même sens et prenne la question de l’égalité femmes-hommes au sérieux.

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