Privilégier l’alternance pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes (3/3)

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 27 août 2012 à 6h59

L’analyse des pratiques de pays comme l’Allemagne le montre : l’alternance est un véritable passeport pour l’emploi des jeunes.

L’alternance a pendant longtemps été considérée comme une filière d’échec en France, alors même qu’elle permet aux jeunes d’apprendre un métier, de développer des compétences et d’affiner leur projet professionnel. Elle fait le lien entre école et monde du travail et doit être envisagée comme une voie d’excellence tournée vers l’acquisition de compétences opérationnelles. L’alternance est un mode de formation alternatif, il ne s’agit pas d’une pré-embauche mais d’un véritable « passeport vers l’emploi » qui permet aux jeunes d’obtenir une qualification reconnue et valorisable, en leur apprenant à interagir dans un univers collectif, en développant leurs savoir-être et savoir-faire. Les familles et les acteurs du système éducatif gagneraient à être sensibilisés à cette autre forme d’enseignement qu’est l’apprentissage. L’exemple allemand nous montre que l’alternance est l’une des pistes les plus fécondes pour favoriser l’accès à l’emploi des jeunes sortis tôt du système scolaire, à qui elle apporte un métier et des compétences, un savoir-être et un savoir-faire nécessaires à la vie professionnelle. Les chiffres en témoignent : en France, l’alternance permet dans huit cas sur dix d’obtenir au final un emploi pérenne et l’apprentissage augmente en moyenne de sept points les chances d’être en emploi[7].

Plusieurs mesures ont été prises ces dernières années afin de généraliser l’alternance et d’inciter les entreprises à embaucher plus de jeunes à travers des contrats de professionnalisation et d’apprentissage, mais beaucoup reste encore à faire. Fin décembre 2010, en France, 414 000 jeunes étaient en contrat d'apprentissage et 173 000 étaient en contrat de professionnalisation, pour un total de 587 000 contrats de formation en alternance (l’Allemagne compte 1 200 000 apprentis). Le système français d’apprentissage reste illisible et complexe, notamment pour les petites et moyennes entreprises et pour les jeunes qui en ont le plus besoin, avant tout ceux qui risquent de sortir du système scolaire sans qualification. En France, l’essentiel du développement de l’apprentissage ces dernières années a d’ailleurs concerné les étudiants les plus qualifiés. En 2006, seulement 40 % des nouveaux apprentis étaient non qualifiés, alors qu’ils étaient 60 % en 1992.[8]

Les entreprises françaises sont-elles disposées à miser sur des jeunes peu qualifiés et à leur proposer des parcours de professionnalisation ? De nombreuses entreprises ont besoin de personnel qu’elles peuvent former aux savoir-faire et savoir-être qui leur sont propres. Cela leur est d’autant plus facile à réaliser que ce personnel est jeune et motivé. Même s’il n’est qu’une voie parmi d’autres pour l’insertion des jeunes dans l’entreprise, l’apprentissage est un moyen intéressant d’atteindre un tel objectif. Un rapport de 2009[9] montre que les entreprises qui recourent à l’alternance le font pour plusieurs raisons, dont, notamment, le renforcement du cœur de métier, la professionnalisation des fonctions support, la qualification et l’adaptation à la conjoncture. En ce sens elles ne sont pas différentes des entreprises allemandes, qui recourent plus volontiers à l’apprentissage que les entreprises françaises. Il y a en France un véritable potentiel de développement de l’apprentissage que les secteurs public comme privé pourraient mieux exploiter.

Un certain nombre de grandes entreprises ont mis en place des outils sophistiqués de formation et des programmes d’apprentissage attractifs, comme l’entreprise de services environnementaux et de transport Veolia et la société de transports urbains RATP. De grands groupes internationaux comme McDonald’s offrent des politiques de formation aboutissant dans certains cas à une délivrance de diplômes à équivalent Bac+3. Les petites et moyennes entreprises (PME) ne sont pas équipées et n’ont pas les moyens suffisants pour mener des politiques d’une telle ampleur[10]. Or les PME comptent pour 75 % des emplois dans notre pays. Des politiques facilitant les démarches des PME seraient donc bienvenues.


[7] Réformer par temps de crise, Institut Montaigne, contribution d’Henri Lachmann, Les Belles Lettres, 2012.

[8]OCDE, Jobs for Youth. France, 2010., p.25.

[9] Henri Proglio (2009), « Promouvoir et Développer l’Alternance. Voie d’excellence pour la professionnalisation », Rapport au Président de la République Française,Mission Alternance, 2009.

[10] Ces trois entreprises ont été auditionnées dans le cadre de ces travaux.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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