Les déterminants des valeurs d’échange marchand

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Par Dominique Michaut Publié le 23 novembre 2017 à 5h00
Economie Echanges Marchandises Determinants Theorie
0,6 %Les exportations françaises ont reculé de 0,6 % en 2016.

Toute valeur d’échange marchand exprimée par une quantité de monnaie constitue un prix, ce prix étant celui d’une marchandise ou élémentaire ou composée, même en cas de troc. Finalement, tous les prix de cette sorte ont-ils seulement en commun d’être par définition des valeurs d’échange marchand ? De toute façon, qu’en est-il de l’étalonnage de ces rapports quantitatifs ?

Les récompenses dont on dit qu’elles constituent des prix sont une chose, les prix en tant que rapports d’échange réglés par des quantités de monnaie en sont une autre. Cette autre a pour conséquence que les marchandises sont au final échangées exclusivement contre d’autres marchandises. Que ce circuit soit sans cesse alimenté en nouvelles marchandises, tant élémentaires que composées, c’est certain. Que dans les déterminants des valeurs d’échange marchand, il y en ait au moins un qui soit commun à n’importe laquelle de ces valeurs est à démontrer et non pas à postuler au risque de faire prendre une pétition de principe pour une théorie exacte des prix des marchandises (Economie Matin du 16 février).

La théorie de la marchandise change la donne

L’analyse néoclassique – le marginalisme – n’a fait que reprendre une conception spontanée de la cherté. Dans la lutte de l’homme engagé dans une plus large satisfaction de ses besoins et dans un allongement de sa durée de vie, les fondements de la cherté seraient la rareté et l’utilité. Tout en se prêtant à des équations censées certifier la scientificité de la thèse fondatrice du marginalisme, cette tradition évite la délimitation de l’économie à ce qui n’appartient qu’aux échanges monnayables et qu’aux transferts de termes de ces échanges. C’est pourtant dans ce champ que se trouvent des réalités que la science économique doit prendre en compte pour pourvoir à sa véracité et à sa propre utilité. Voici en résumé pourquoi.

Du côté des marchandises élémentaires, d’une part les prix des placements et d’autre part les prix du travail ont des déterminants qui leur sont propres, l’un des points de décryptage du réel macro-économique les moins faciles à observer étant la manière précise dont, pays par pays, la rentabilité, la productivité et la profitabilité les plus globales interviennent dans la détermination du prix moyen du travail-ouvrage et par conséquent le pouvoir d’achat du salaire médian. Du côté de certaines marchandises composées, dont font partie toutes les matières premières commercialisées et les espaces fonciers dès lors que leur bornage et leur appropriation en font des éléments de patrimoine vénal, la rareté définitive ou temporaire intervient principalement dans la détermination de leurs prix via la loi de l’offre et de la demande. Du côté des autres marchandises composées qui sont reproductibles à volonté par l’industrie humaine, ce sont des sommes de coûts qui interviennent principalement, voire exclusivement, dans la détermination de leurs prix, via la réduction des inégalités de rentabilités directes de même appartenance qui lamine les subventions internes (Economie Matin du 9 novembre).

L’équivoque de la notion de rareté

La conception spontanée de la cherté est moniste, en ce sens qu’elle attribue une seule cause à toutes les chertés – à toutes les valeurs d’échange exprimées au moyen d’une unité monétaire, qu’il s’agisse de celle d’une boîte de caviar ou d’un cornet de frites, ou encore d’une opération chirurgicale ou de la réparation d’un pneu de voiture. De nos jours encore, les esprits restent pour la plupart d’avance gagnés à l’idée qu’il faut avoir recours à un monisme de ce genre pour rendre justement compte de la pratique des échanges économiques en général, ainsi qu’en particulier des grands enrichissements et appauvrissements.

Le tropisme moniste continue à se révéler si tenace que l’observation par laquelle Ricardo montre qu’elle doit être repoussée reste indéfectiblement contournée par les marginalistes. Ricardo a en effet été le premier à extraire de la notion générale de rareté le concept de rareté économique. Au passage de trois courts paragraphes qu’il a écrit à cet effet, je n’ajoute ici qu’un rappel dont on ne voit pas pourquoi la pensée économique serait dispensée d’y voir un sophisme : tout ce qui est rare est cher, dit-on ; or un excellent âne est rare ; donc un excellent âne est cher. Ce raisonnement est fallacieux par l’équivoque inhérente à la notion de rareté. N’en déplaise aux amis des bêtes, les ânes entre autres sont devenus, de longue date, des produits reproductibles à volonté par l’industrie humaine, laquelle ajoute aux fournitures de la nature ses ouvrages qui ont tous en commun de ne pouvoir être produits que par de la dépense d’énergie humaine – par du travail-dépense à l’origine aussi bien de ce qui ne se vend pas que de ce qui se vend.

L’étalonnage des valeurs d’échange des marchandises

Admettre que les valeurs d’échange de toutes les marchandises, aussi bien élémentaires que composées, n’ont rien de plus en commun que d’être des prix marchands, exprimés en quantité de monnaie ou d’une autre marchandise (dont le blé, chez Ricardo), n’emporte pas du tout de nier que ces valeurs puissent être étalonnées. Dans les mesures physiques qui ont le même profil que les prix des marchandises, il y a celles des vitesses. On en connaît la définition générique, les courts et les longs voyages aident à la rendre familière : rapport entre la distance parcourue et le temps de parcours.

Les mesures de vitesse reposent sur des étalons de distance et de temps. Mutatis mutandis, les mesures des valeurs d’échange des marchandises reposent-elles aussi sur des étalons ? La recherche de solutions à ce problème a fait couler beaucoup d’encre. Par le truchement initial d’une théorie de la marchandise, ou théorie générale des échanges marchands, l’économie définie dégage une théorie des prix par catégorie principale de marchandise. Chemin faisant, ce sont les conditions principales auxquelles les prix par catégorie deviennent conceptuellement logiques et socialement équitables qui sont passées en revue. Au terme du parcours et jusqu’à preuve du contraire, tous les prix, salaires et profits compris, n’ont normalement en commun que d’être des valeurs d’échange marchand.

L’inévitable mainmise du politique sur l’économique

Alors que le meilleur étalonnage des mesures de vitesses répond à des nécessités physiques, le meilleur étalonnage des valeurs d’échange marchand se présente sous la forme de conditions principales qu’une politique économique satisfait plus ou moins bien. L’article suivant dira que lorsque l’une de ces conditions est satisfaite, elle constitue un point fort. Ce sera parce que cinq points forts stabilisent les taux de change monétaire.

On clame aujourd’hui que le politique de plus en plus étroitement asservi à l’économique. Prenons du recul. Dans un pays où, comme en France de nos jours, l’inflation se niche dans les prix de l’immobilier et d’autres valeurs immobilisables ; les importations progressent plus vite que les exportations ; la hauteur du taux de chômage poursuit son œuvre de sape de la cohésion sociale et de la qualité de l’enseignement ; le cofinancement des charges publiques par de l’emprunt ancre dans le marais des déficits budgétaires et du surendettement public – comment se pourrait-il qu’une telle situation ne résulte pas pour beaucoup de la politique poursuivie depuis plusieurs générations à l’encontre de vérités économiques ? De plus, comment se pourrait-il que le règne de ces erreurs collectives décline sans que l’enseignement de l’économie change de registre ? Les magies de la mondialisation et de l’informatisation sont à cet égard des leurres.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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