Effectivement, la loi Macron n’est pas la loi du siècle…

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Par Aloïs Navarro Publié le 7 janvier 2015 à 5h46

Le gouvernement fait de la loi Macron l'alpha et l'oméga de la politique économique pour les prochaines années. Mais comment peut-on croire un seul instant que déréguler les lignes de bus va redresser notre croissance potentielle ?

La loi Macron n'est qu'une déclinaison « francisée » des recommandations de la Commission de Bruxelles. Il suffit de lire le point 4 des recommandations de la Commission de juin 2014 pour s'en convaincre [1].

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Le gouvernement, n'ayant plus aucune marge de manoeuvre et subissant les coups de boutoir des firmes et de la finance globalisés d'un côté, de l'organisation de Bruxelles de l'autre, en est contraint à légiférer sur des enjeux de sous-préfecture.

Toutes les institutions ordolibérales applaudissent ces « efforts » avec plus ou moins de ferveur. Cependant, même leurs estimations montrent un impact plus que limité sur la croissance...

L'OCDE s'est adonné à ce calcul (des plus approximatifs, étant donné que la loi n'a pas été votée...)[2]. Il en ressort que le gain serait plus que réduit. A l'horizon de 5 ans, l'impact sur la croissance annuelle serait de 0,08 point de PIB... Autant dire epsilon par rapport au tapage médiatique dont cette loi fait l'objet.

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Il faut cependant noter que les modèles de la Commission, de l'OCDE ou du FMI ont tendance à surestimer les politiques de l'offre [3]. En prenant en compte ce biais, le gain purement économique serait encore plus réduit...

Par ailleurs, le niveau de réglementation dans les secteurs professionnels concernés par la loi (comptabilité, services juridiques, architecture, ingénierie) n'est pas différent de ce qui existe en Allemagne, Espagne, Autriche, plus encore au Canada.
Nous faire croire que ceci réglerait notre différentiel de compétitivité est donc particulièrement exagéré.

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L'OCDE s'appuie sur les « remarquables » exemples italiens et portugais pour encourager la France à suivre cette voie. Quand on connaît l'évolution de PIB italien depuis l'euro, et ses perspectives de croissance potentielle (avoisinant zéro) on peut se demander si le pharmakon de l'OCDE n'est pas en réalité un poison ...

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Selon une certaine analyse, la France serait victime d'un syndrome hollandais (que les pays pétroliers connaissent) qui se manifesterait par une désincitation à l'investissement industriel au profit des services.

Or, l'impossibilité de dévaluer ouvre la voie à une seule alternative : la baisse des prix relatifs. Il faut en effet baisser le prix des services (qui ont un taux de marge plus élevé que celui de l'industrie manufacturière) pour diminuer leur rentabilité par rapport au secteur manufacturier[4]. Mais la concurrence n'est pas forcément synonyme de baisse des prix (surtout dans les secteurs en réseau) puisqu'elle implique une hausse des coûts de publicité, marketing etc...

Par ailleurs, et comme le note l'OCDE dans son étude, ces politiques de l'offre voient leurs effets positifs (s'ils existent...) arriver au bout de plusieurs années.

En réalité, la France aurait besoin de baisser son coût salarial de 15 à 30% pour redevenir compétitive[5]. Ce sont en effet dans les secteurs exposés à la concurrence que la France a un problème de marges[6], comme l'explique P.Artus:

« Il s'agit donc d'un problème de concurrence étrangère, et pas d'évolutions domestiques. La manière naturelle de le traiter serait une dévaluation. Baisser les charges sociales des entreprises n'est pas normalement une politique adaptée : elle réduit le coût du travail dans toutes les branches, y compris celles où les marges bénéficiaires sont élevées, alors que le problème ne se pose que dans 4 branches et qu'il s'agit d'un problème de prix. Il y a donc, en cas de baisse des charges, un effet d'aubaine dans 9 branches sur 13 »

Seule la dévaluation a le mérite d'ajuster immédiatement la compétitivité d'un pays avec l'ampleur suffisante pour redonner une bouffée d'air aux entreprises exportatrices.

[1] Recommandations du Conseil pour la France, juin 2014. URL: https://ec.europa.eu/europe2020/pdf/csr2014/csr2014_france_fr.pdf

[2] Structural reforms: impact on growth and options for the future, OCDE, octobre 2014. URL: https://www.oecd.org/newsroom/France_StructuralReforms.pdf

[3] V.V. Chari, Patrick J. Kehoe, Ellen R. McGrattan, New Keynesian Models: Not yet useful for policy analysis, NBER.
URL: https://www.nber.org/papers/w14313.pdf

[4] P.Artus, Pour une baisse du prix relatif des services abrités en France, Flash Natixis, 2014. URL: https://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=80555

[5] P.Artus, De combien faudrait-il pouvoir baisser le coût du travail en France ?, Flash Natixis, 2014.

[6] P.Artus, Où les marges bénéficiaires ont-elles reculé en France ?, Flash Natixis, 2014. URL: https://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=74603

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Aloïs Navarro est étudiant en Master de Droit et d'Economie, passionné par les questions monétaires et notamment l'euro. Il est également trésorier du collectif Marianne.

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