Le mythe de la « volonté du peuple »

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Par Ryan McMaken Modifié le 15 mars 2019 à 7h23
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@shutter - © Economie Matin
48%En 2000, bien qu'il ait perdu l'élection, Al Gore avait réuni le plus grand nombre de votes, avec un peu plus de 48% des voix.

La « volonté du peuple » ou la « volonté générale » est illusoire mais justifie l’expansion sans limite des pouvoirs d’un gouvernement, la tyrannie démocratique.

Bien que cela soit rarement dit de façon explicite, la légitimité du système électoral actuel repose sur la loi de plus grand nombre. Pour cette raison, après chaque élection, les vainqueurs prétendent que le résultat du vote reflète « la volonté du peuple ». Souvent, ils affirment également détenir un « mandat » du peuple pour imposer leur politique.

Bien sûr, cette position est difficile à défendre. Dans le contexte du système électoral actuel, il n’y a aucune raison de penser que lorsqu’un électeur vote pour un candidat X, cela implique nécessairement qu’il approuve le programme porté par ce candidat. En effet, de nombreux électeurs choisissent de voter pour un candidat parce qu’il représente pour eux un moindre mal par rapport aux autres candidats. Il est impossible de connaitre la véritable intention des électeurs sans leur poser la question individuellement. Même dans ce cas, de nombreux électeurs peuvent mentir ou ne pas se souvenir des véritables raisons pour lesquelles ils ont voté pour un candidat.

Un sondage récent (1) a montré que la plupart des électeurs votent principalement en opposition aux candidats concurrents, plutôt qu’en soutien au candidat de leur choix. Par conséquent, la conclusion qui s’impose est qu’il n’existe aucun fondement à l’affirmation selon laquelle les électeurs qui votent pour un candidat X apportent nécessairement leur soutien à la politique qu’il projette de mettre en place.

De la même manière, nous ne connaissons pas le degré d’adhésion de chaque électeur vis-à-vis des différentes composantes du programme politique d’un candidat. Un simple bulletin de vote signifie peu de choses.

Les discours autour de la « volonté du peuple » ne prennent pas non plus en compte le fait qu’en réalité le candidat élu ne représente le choix que d’une infime fraction de la population. Le New York Times a révélé cette année que seulement 9% des Américains (2) – soit 14% des citoyens en âge de participer aux élections – ont voté en faveur de Clinton ou de Trump au cours des primaires.

La plupart des citoyens ne votent pas en faveur du vainqueur des élections

Même si chaque vote pour un candidat était effectivement un vote de soutien à son programme politique, le vainqueur de l’élection serait de toute façon très loin de représenter le choix de la majorité du corps électoral et encore moins de la majorité de la population dans on ensemble.

En réalité, l’histoire électorale américaine montre que la plupart des présidents élus ont échoué non seulement à obtenir les voix d’une majorité des électeurs en âge de participer aux élections, mais également à obtenir la majorité des votes exprimés.

Par exemple, l’élection de 1984 constitue la plus large victoire électorale des 40 dernières années. Ronald Reagan avait en effet remporté 58% des suffrages exprimés. Cela signifie que parmi les citoyens ayant voté pour un candidat, 58% ont choisi Reagan.

Cependant, si l’on compare les 54 millions de suffrages exprimés en faveur de Reagan au total de la population en âge de voter, on découvre que Reagan n’a obtenu l’approbation que de 31% du corps électoral. 47% du corps électoral n’a voté pour aucun des deux candidats principaux, Reagan et Mondale. 69% du corps électoral n’a pas voté en faveur de Reagan (3).

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Les résultats des autres élections montrent généralement un soutien encore plus faible pour le vainqueur. Au cours des élections présidentielles américaines de 1992, 1996 et 2000, le président élu n’a même pas réussi à réunir la majorité des suffrages exprimés.

En 1992, Bill Clinton a été déclaré président avec seulement 43% des voix. En 1996, il a été réélu avec tout juste 49% des voix. En 2000, George W.Bush a été élu avec un peu moins de 48% des voix. Bien qu’il ait perdu l’élection, Al Gore avait réuni le plus grand nombre de votes, avec un peu plus de 48% des voix.

Les chiffres sont encore plus faibles si l’on étudie les choix de l’ensemble de la population en âge de voter. En 1992 par exemple, seulement 24% du corps électoral a voté en faveur de Clinton. 76% des Américains en âge de voter ont donc choisi de ne pas voter pour lui.

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En 2000, les suffrages exprimés en faveur de chacun des deux principaux candidats, Gore et Bush, ne représentaient que 24% du corps électoral.

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Le vainqueur de l’élection de 2012, Barack Obama, a réussi à plus de 51% des votes. Cependant, les suffrages exprimés en faveur d’Obama ne représentent que 28% du corps électoral, ce qui implique que 72% des Américains en âge de voter ont choisi de ne pas voter pour lui.

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Les chiffres sont encore plus mauvais si l’on rapporte le nombre de votes à la population totale. Après tout, les plus jeunes sont également affectés par les lois, les réglementations, et les guerres imposées par les candidats vainqueurs. Rapporté à l’ensemble de la population, seulement 23% des Américains ont voté pour Ronald Reagan lors de sa victoire « écrasante » de 1984.

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Lorsque Bill Clinton a remporté la présidence en 1992, seulement 17% des Américains avaient voté pour lui. Les résultats sont similaires pour chacune des élections présidentielles qui ont eu lieu ces dernières décennies, le vainqueur l’emporte toujours avec le soutien d’environ 18 à 23% de la population américaine.

Pourtant, même lorsque la grande majorité des Américains en âge de voter ont fait le choix de ne pas apporter leur vote au candidat vainqueur, on continue néanmoins de nous répéter régulièrement que le président élu dispose d’un mandat démocratique et représente « la volonté du peuple ».

L’idée que la volonté générale puisse s’exprimer au travers des élections a toujours été un mythe. Même si un candidat réussissait à obtenir 100% des votes, cela ne nous permet pas de savoir véritablement de quelle façon l’électorat souhaiterait que ce candidat gouverne.

Cette fiction que représente la volonté générale sert à justifier toutes les impostures et abus commis contre les citoyens sous couvert des résultats électoraux, qui seraient une preuve de soutien et d’approbation de la part de la population.

Même Ludwig von Mises, qui était lui-même un démocrate (au sens où il soutenait un système politique garantissant l’organisation d’élections démocratiques), s’opposait à l’idée que le résultat des élections puisse permettre de déterminer « la volonté générale ». De plus, Mises soutenait que cette idée avait permis de justifier l’expansion sans limite des pouvoirs du gouvernement.

L’idée de la démocratie a beaucoup souffert de ceux qui, en déformant la notion de souveraineté issue du droit naturel, ont redéfini la démocratie comme étant le règne sans limites de la volonté générale. Il n’y a en réalité aucune différence essentielle entre une tyrannie exercée par un État démocratique et une tyrannie exercée par un autocrate.

L’idée portée par les démagogues et leurs partisans, l’idée selon laquelle l’État aurait le droit d’agir selon son bon vouloir, et que rien ne devrait se mettre en travers chemin de la volonté du peuple souverain, cette idée est à l’origine de plus de crimes que la mégalomanie de tous les princes ayant sombré dans la folie.

Les politiciens continuent de prétendre que les résultats des élections indiquent que la population est favorable à la politique qu’ils veulent nous imposer, malgré le fait que les votes obtenus par le vainqueur ne représentent généralement pas plus de 30% du corps électoral et moins de 20% de la population. Il ne s’agit en réalité de rien d’autre que d’une fable bien commode pour leur permettre de prétendre disposer du soutien « du peuple ».

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Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici

(1) https://www.pewresearch.org/fact-tank/2016/09/02/for-many-voters-its-not-which-presidential-candidate-theyre-for-but-which-theyre-against/
(2) https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwj9ttCGypnQAhVIwVQKHVsUA-UQFggbMAA&url=http%3A%2F%2Fwww.nytimes.com%2Finteractive%2F2016%2F08%2F01%2Fus%2Felections%2Fnine-percent-of-america-selected-trump-and-clinto
(3) En 2015, 7% des personnes résidantes aux États-Unis ne possédaient pas le statut de citoyen américain. Une part beaucoup plus faible de la population s’est vue infliger une suspension du droit de vote en raison d’un crime commis. Environ 6,1 millions d’Américains sont dans cette situation. Les résultats sont un peu différents en intégrant ces deux facteurs. Par exemple, dans le cas de l’élection de 1984, si nous retirons 8% de la population en âge de voter (soit en arrondissant l’ensemble des résidents ne jouissant pas de la citoyenneté et des criminels dont le droit de vote est suspendu), les résultats sont les suivants : 23% pour Mondale, 34% pour Reagan, et 43% pour aucun de ces deux candidats. Il s’agit du meilleur score obtenu par un candidat à la présidentielle au cours des dernières décennies.

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Ryan McMaken est rédacteur en chef au célèbre Mises Institute. Diplômé de l’Université du Colorado en sciences politiques et économiques, il occupa le poste d’analyste économique pour l’agence du logement du Colorado entre 2009 et 2014. Il est l’auteur de Commie Cowboys : The Bourgeoisie and the Nation-State in the Western Genre.