Hahahaha la réalité et la loi État au service d’une société de confiance !

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Par Charles Sannat Modifié le 4 avril 2019 à 8h56
Rire

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

J’aime les moments 7ème compagnie ! Et là nous avons un exemple cruel de notre système devenu totalement fou et tournant sur lui-même ! N’accusons pas les mamamouchis par plaisir, ils en sont conscients (parfois) et tentent même (parfois) aussi d’y remédier. Lorsque le gouvernement passe sa loi intitulée « Pour un état au service d’une société de confiance », il veut tenter de sortir de cette logique répressive ce qui est une bonne idée.

Mais même les mamamouchis sont totalement dépassés par les logiques du système qui s’appliquent.

Ainsi commence ce chef d’œuvre du 7ème art franchouillard !

« Par ce clair matin de mai 1940, l’armée française reculait, selon le porte-parole du grand quartier général, dans les meilleures conditions.

Aucune armée avant celle-ci n’avait reculé aussi bien, ni surtout aussi vite, le porte-parole du GCQG n’allait pas jusqu’à dire que c’était un plaisir de reculer comme ça, mais presque.

L’opinion de la 7e compagnie de transmission sur la qualité de ce recul était légèrement différente. »

L’opinion de notre camarade lecteur Alain, entrepreneur dans l’une de nos provinces depuis une vingtaine d’années est également légèrement différente sur la notion de confiance appliquée par l’administration.

Voici le courrier qu’il a reçu il y a quelques semaines dans sa boite aux lettres et qui lui a donné une furieuse envie d’enfiler le gilet de couleur jaune assez tendance ces derniers temps.

Monsieur Alain, « le fait de ne pas déclarer les bénéficiaires effectifs au registre du commerce et des sociétés, ou d’y reporter des informations fausses, incomplètes ou erronées, volontairement ou non, peut être sanctionné pénalement par une peine de 6 mois d’emprisonnement et une amende de 7 500 euros. (article L.561-49 du Code monétaire et financier) » blablablablabla

6 mois de prison Alain, 7500 euros d’amende, attention Alain, vous risquez gros, très gros !

La réaction d’Alain était assez dépitée.

C’est ainsi qu’il m’a écrit… « Charles, voici ce que je reçois de l’administration qui va me jeter en prison, je ne sais pas quel est ce papier que l’on me demande, c’est mon comptable qui s’occupe de tout et qui a du oublier de remplir un des multiples Cerfa que l’on doit gribouiller tous les mois »… et de rajouter « j’en ai marre, je suis fatigué, je ne suis pas un criminel »… « Je ne sais même pas ce que c’est que cette histoire de bénéficiaire effectif »… « Je trouve cela vexant et humiliant que l’on commence par me menacer de prison, alors que je ne demande pas mieux que de faire pour le mieux ! »

Il est gentil Alain, pas un mot plus haut que l’autre à l’égard des tordus du bulbe qui ont une vision très personnelle de la « société de la confiance !

Etant un type plein d’empathie pour mes prochains en souffrance, j’ai essayé de remonter le moral de notre ami Alain! Voici ce que je lui ai dit…

« Mon cher Alain,

Tout d’abord si je vous ai demandé si vous étiez en EURL c’était pour savoir si vous aviez un ou plusieurs actionnaires. Il apparaît que vous êtes le seul actionnaire de votre entreprise qui comme le port-salut c’est marqué dessus EURL = entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Cela implique que dans une société unipersonnelle il n’y qu’une seule personne.

Vous seriez donc fondé à répondre à Monsieur le Tribunal de commerce que vu qu’il n’y a qu’un seul actionnaire il n’y a qu’un seul bénéficiaire à savoir l’actionnaire qui est sur les statuts et qui est le gérant unique et majoritaire depuis 20 ans. Mais je vous le déconseille. L’humour est rarement compris. En plus c’est faux mon cher Alain…

Mais avant de vous expliquer pourquoi c’est faux, définissons ce qu’est le « bénéficiaire effectif ». C’est à la base une histoire de lutte contre le blanchiment. Il faut donc déclarer tous les ans (en faisant un chèque de surcroît) qui bénéficie des sous de l’entreprise « Tartenpion EURL ». Si vous oubliez cette déclaration on vous jette en prison ou dans l’arène pour être dévoré par les lions affamés. Bref, l’Etat veut que vous lui disiez chaque année qui prend le pognon de votre entreprise.

Vous seriez donc fondé à répondre à Monsieur le Tribunal de commerce que vu tous les impôts et taxes que vous payez, le principal bénéficiaire effectif de votre entreprise est celui qui se sert sans rien foutre de l’année à hauteur de 70% de votre chiffre d’affaires (TVA à 20% + charges à 45% si RSI ou IS à 33% puis IRPP dans tous les cas sans oublier tout le reste non listé parmi les 245 impôts et taxes diverses que compte notre pays), et que vous avez son nom: « Ministère des finances publiques 139 Rue de Bercy, 75012 Paris ». C’est très clairement lui qui est sans aucun doute le bénéficiaire effectif de l’écrasante majorité de votre pognon. Le balancer à Monsieur le Tribunal n’est pas dérangeant et qui plus est tout le monde se demande ce que Monsieur l’état fait de tout ce pognon qu’il pique…

Vous seriez donc fondé à répondre à Monsieur le Tribunal de commerce que vous n’êtes que l’associé minoritaire de Monsieur Bercy et qu’en tant qu’entrepreneur vous ne bénéficiez de pas grand chose pour ne pas dire de rien du tout… mais que vous payez, raquez, plus que vous n’en pouvez. Mais je vous le déconseille. L’humour est rarement compris.

Vous seriez donc fondé à répondre à Monsieur le Tribunal de commerce qu’au bout du compte, comme l’écrasante majorité des petits entrepreneurs de ce pays, la pression fiscale est énorme et que l’on vous laisse peu, très peu pour les efforts faits chaque jour, raison pour laquelle les petits artisans et commerçants sont très « gilets jaunes »… Mais je vous le déconseille. L’humour est rarement compris.

Je vous invite plutôt à faire preuve de rondeur et de diplomatie avec une très légère pointe d’insolence matinée d’une dose de foutage de gueule. Ce n’est pas encore « totalement » interdit. Vous pouvez écrire par exemple:

« Monsieur le président du Tribunal de Commerce,

Je viens de recevoir le courrier du x me rappelant mes obligations de déclaration des bénéficiaires effectifs. Pour des raisons matérielles indépendantes de notre volonté, votre courrier ne nous est pas parvenu.

Je profite de l’occasion pour vous remercier de cette relance amiable parfaitement dans l’esprit de la loi « État au service d’une société de confiance » qui préside aux relations entre les services de l’Etat et le simple contribuable que je suis.

Je vous exprime toute ma gratitude pour ce rappel des peines encourues à savoir 6 mois de prison et 7500 euros d’amende auxquelles je peux échapper grâce à votre aimable lettre qui est pour moi l’occasion de me mettre bien évidemment en conformité avec les exigences légales.

Dans l’attente et en restant à votre disposition, veuillez agréer, Monsieur le Président du Tribunal de commerce l’expression de mes blablablabla ».

Signez, datez, et envoyez, classez l’affaire.

Non en fait ne faites pas ça!

Evidemment je dis cela pour « rire »… encore une fois, même si ce n’est pas interdit, nous pouvons rire de tout mais pas avec tout le monde, et idéalement entre nous uniquement !!!

N’envoyez donc surtout pas ce courrier. Vous remplissez votre CERFA du bénéficiaire effectif et vous le renvoyez en LRAR en disant juste « Suite à la réception de votre courrier en date du xxx et pour bonne régularisation du dossier. Avec toutes mes excuses. Gros bisous baveux.

Ne faites pas ça non plus et les gros bisous baveux encore moins… Vous seriez accusé d’harcèlement sexuel épistolaire sur agent du service public en mission de recouvrement ce qui doit-être dans les circonstances les plus aggranvantes.

Contentez-vous de passer le courrier à votre « Nexpert » comptable (nous vivons dans un monde de nexperts et d’avocats) qui remplira le cerfa de rigueur.

Ensuite, allez vers le placard de la cuisine sortez la bouteille de Don Papa, ou de whisky, et sirotez tranquillement une ou deux bonnes lampées…

Quand un système devient malade, et il l’est, il finit par s’effondrer sous sa propre complexité et sous ses propres paradoxes.

Vous pouvez aussi vous servir un p’tit jaune… Détendez-vous Alain, quand les choses ne tournent plus rond, cela ne dure jamais très longtemps, même si le temps semble long. Nous arrivons au bout.

N’oubliez pas d’en rire. Il faut rire et rire beaucoup mes amis.

Tourner en dérision ce système débile et absurde, pointer consciencieusement ses dérives, les dénoncer, et en rire… mais pas jaune, c’est interdit le jaune, et tout ce qui est jaune peut vous valoir 135 euros d’amende si vous êtes dans le mauvais périmètre.

Hahahahahahahahahahahahha
Hahahahahahahahahhahahaha
Hahahahahahahahahahahhaha

« La loi État au service d’une société de confiance »

Hahahahahahahahahahahahha
Hahahahahahahahahhahahaha
Hahahahahahahahahahahhaha

Con-fiance, Con-tribuable, Con-stitution, Hahahahahahahahahahahahaahahahhaah

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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