La volatilité des taux d’intérêts

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Par Nicolas Tarnaud Modifié le 20 juillet 2015 à 13h30
Bce Zone Euro Qe Effet Taux
2%La BCE veut relancer l'économie mais garder un taux d'inflation proche des 2%.

Le manque de liquidité des marchés

Les taux d’intérêts sont particulièrement volatils depuis janvier 2015. Le marché de la dette européenne s’est tendu depuis quelques semaines. Cette tension s’est accélérée depuis que les investisseurs ont exigé une augmentation de la prime de risque. La longue période de baisse des taux a conduit à un OAT 10 ans à 0,33%, le 16 avril 2015. En effet, depuis mai 2015, les taux d’intérêts de la dette publique française ont augmenté. Depuis cette période, la courbe des taux à 10 ans a connu le sens inverse. L’OAT 10 ans était à 0,4% en avril 2015, contre 1,1% à la mi-juillet. Les conséquences de ces fluctuations ont commencé à impacter sensiblement le marché des taux de crédit immobilier à taux fixe. La hausse des taux s’est située dans une fourchette de 0,10% à 0,40% touchant les banques et les particuliers de manière inégale. Il existe une corrélation forte entre le pouvoir d’achat immobilier des Français et le niveau des taux. En effet, toute baisse ou hausse de 10 points de base sur un taux, solvabilise ou désolvabilise immédiatement 100 000 emprunteurs. Le marché obligataire corportate est beaucoup moins liquide qu’il ne l’était autrefois. Une telle baisse de la liquidité s’est traduite par une plus grande difficulté à vendre des obligations à un prix proche du marché, dans un délai court. Les transactions portant sur de gros volumes sont devenues beaucoup plus rares. Le marché obligataire corporate européen, moins actif, n’a pas empêché la BCE de lancer un réachat de dette obligataire souveraine afin de soutenir la croissance économique.

La stratégie des Banques centrales

Les Banques centrales ont plus que jamais un impact sur les marchés. Dans un contexte européen d’absence d’inflation, la stratégie de la Banque centrale est d’obtenir des taux d’emprunt à long terme les plus bas possible. Elle souhaite relancer l’économie tout en maîtrisant une inflation autour de 2%. La déflation est l’ennemie d’une Banque centrale comme la BCE. Le Japon est ainsi en déflation depuis deux décennies. La dette publique du Japon représente 240% de son PIB. La BCE a lancé en mars 2015, le programme « quantitative easing » ou « assouplissement quantitatif ». C’est un programme de rachat d’obligations de 60 milliards d’euros par mois, jusqu’en septembre 2016, soit un total de 1 140 milliards d’euros. Malgré les tensions politiques et économiques résultant de la crise grecque, la BCE n’a pas changé son programme de rachat obligataire. Les taux d’intérêts ont remonté parce qu’il y avait un manque de liquidités sur les marchés. Le développement du shadow banking qui échappe aux normes liées à Bâle 3 peut augmenter le risque d’illiquidités entre les opérateurs de marchés. Ses conséquences : une crise systémique comparable à celle de 2008. Les politiques monétaires et de change varient d’un état à l’autre et favorisent les tensions sur les marchés. L’abondance des liquidités est un paramètre que les gérants ne peuvent plus sous-estimer dans leur stratégie d’investissement et d’allocation d’actifs.

Des investisseurs sélectifs

Les dettes souveraines sont importantes. L’endettement des 28 pays de l’Union Européenne représente 12 000 milliards d’euros, soit un ratio de 87% de leur produit intérieur brut en 2014. Le marché de la dette souveraine n’est pas nouveau mais son volume a considérablement augmenté depuis 2010. Durant le premier semestre 2015, les investisseurs ont surpondéré l’allocation de leur trésorerie en s’orientant vers des rendements sécurisés. Dans cette sécurisation prudentielle, certains ont opté pour les rendements négatifs allemands ou suisses. Toutes choses étant égales par ailleurs, même avec un taux négatif, on peut obtenir un rendement positif. Avec un taux nominal de -0,10% et une inflation (baisse des prix) à -0,70% nous obtenons un taux réel de +0,60%. Fin juin, le spread entre les obligations espagnoles et allemandes atteignait 150 points de base. Depuis ces derniers mois, le fameux « flight to quality » s’est imposé auprès des gestionnaires de fonds du monde entier. Il y a donc eu un repli vers des actifs qualités. Dans un marché de volatilité, la dette allemande constitue la meilleure signature selon les opérateurs de marché. Le Bund Allemand reste la valeur refuge par excellence pour les institutionnels de la zone euro et internationaux.

La crise grecque

L’impact de la crise de l’endettement pour un pays comme la Grèce s’est traduit par un renchérissement du coût du financement lors des nouvelles émissions obligataires. Depuis la crise grecque de 2009, les acteurs financiers ont réellement distingué les dettes souveraines sûres (Allemagne, France, Angleterre, …) des autres plus risquées (Grèce, Portugal, Espagne, …). A partir de cette date, toutes les dettes souveraines ne pourront plus se confondre en termes de prix, de risque et de prime de risque. Dès 2010, les investisseurs exigeaient une prime de risque de 600 points de base sur la dette grecque par rapport à la dette allemande. Un tel spread n’avait jamais été atteint auparavant entre deux dettes souveraines de la zone euro.

La crise grecque, d’avril à juin 2015, a renforcé la nervosité des investisseurs sur les marchés obligataires internationaux. Les tensions étaient très marquées tout au long des négociations récentes entre la Grèce et l’Union Européenne. Les taux d'emprunt des pays du sud de la zone euro se sont détendus le 16 juillet sur le marché obligataire européen après le vote positif du Parlement grec et une réunion de la Banque Centrale Européenne.

Les taux de la Fed

La Réserve fédérale américaine n’a pas augmenté ses taux depuis 2006.

Depuis la crise financière de 2008, la Fed a maintenu ses taux directeurs proche de zéro pour soutenir l’activité économique. En 2012, la Fed a racheté massivement, pour la troisième fois des titres souverains américains et des produits de titrisation immobilière (Mortage backed securities). Depuis la reprise de 2014, la Fed a cessé ces rachats massifs d’actifs.

L’économie américaine, aujourd’hui dynamique, tant sur plan des investissements qu’au niveau des créations d’emplois. La croissance américaine devrait être de 2,5% en 2015, le taux de chômage se rapprocher des 5%. L’inflation dervait être de 2% pour cette année. Afin de maîtriser les effets inflationnistes, la FED va relever ses taux directeurs. Les hausses des taux attendues par la Fed vont ajouter une volatilité supplémentaire au marché de la dette européenne, lui-même volatile, dans les prochaines semaines. L’augmentation du taux directeur devrait être de 0,25 point de base et s’effectuerait en deux temps, d’ici les six prochains mois. Cette augmentation de 0,25 point de base n’aura pas d’effet négatif sur l’économie. La hausse des taux directeurs dépendra de l’évolution de l’économie américaine ainsi que de celle du dossier grec et de la crise financière chinoise.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.

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