Rappels de produits alimentaires en grande surface : la vérité

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Par Ludovic Grangeon Publié le 15 mai 2018 à 5h04
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1 390En 2015, 1 390 foyers de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) ont été déclarés en France.

Il ne se passe plus une semaine sans qu’une campagne d’information des grandes surfaces rappelle en urgence des fromages, des steaks hachés, des produits pour bébés, etc…Par une habile communication, les grands distributeurs soulignent qu’ils sont « vigilants et efficaces » sur la protection du consommateur. Apparemment, on pourrait se croire rassuré sur ces actions de surveillance qui joueraient l’opération vérité. En réalité, c’est la panique permanente... doublée d'une loterie très hasardeuse.

Misère du système et mépris du consommateur

La France dispose d’un système vigilant de protection sanitaire sur les produits agroalimentaires et de soins destinés aux familles. Entre contrôle des services de la consommation, analyses vétérinaires, bactériologiques, surveillance chimique, cette avalanche de certificats, d’attestations, de labels, produit un effet de sécurité et de confiance.

Mais voilà : tous ces systèmes reposent sur des analyses rapides et rigoureuses effectuées dès la sortie de production ou du conditionnement. Au nom d’une logique pseudo comptable, et d’une « rationalité », d’obscurs décideurs ont procédé comme pour nos hôpitaux ou pour les établissements d’enseignement à une centralisation faussement rationnelle au détriment de la société. Une concentration des laboratoires d’analyses a progressivement été organisée par suppression des antennes locales et fusion, essentiellement rapatriées sur la région parisienne.

« Quand je reçois mes analyses, mes produits sont souvent mangés depuis plusieurs jours, voire plus d'une semaine ». Ainsi se lamentait avec raison le patron d’une PME régionale de produits laitiers de qualité lors d’une réunion professionnelle du secteur agroalimentaire. Voici simplement pourquoi on « rappelle » des produits.

Comme des milliers d’autres entreprises de l’agroalimentaire, il portait tous les jours ses produits au laboratoire local et retirait ses analyses le soir même ou le lendemain. Ce système local marchait très bien et à faible coût. Au nom de la rentabilité et de la concurrence, on lui a expliqué qu’il lui suffirait désormais de mettre ses échantillons dans des pochettes acheminées par correspondance à de puissants laboratoire « centraux ». Seulement, avec les délais de transmission, l’encombrement, les pertes, le système « rationnel » toujours plus gris et anonyme a vite atteint plusieurs jours, voire la semaine dans la transmission des résultats. N'oublions pas la fiabilité douteuse d'un échantillon qui aura voyagé longtemps au lieu d'être examiné immédiatement. Entre-temps, les produits frais ont été expédiés, placés en rayon, achetés, et mangés, parce que plus ils sont frais, plus ils sont sains, et ils ne peuvent pas attendre.

Face à ce système de plus en plus absurde, de nombreuses entreprises ont installé leurs propres laboratoires sur place pour être certaines de la qualité de leurs produits. Elles supportent un double coût mais au moins elles sont rassurées sur l’aspect sanitaire. Elles devront quand même s’acquitter du prix des certificats agréés, facturés d’office par des laboratoires que la concentration a placés en quasi monopole et au détriment du consommateur, mal protégé, qui supporte de doubles coût, et tout ça pour ça ?....

L’important, c’est le certificat d’analyse « agréé » qui va permettre ces obscurs petits technocrates d’ouvrir le parapluie et de justifier qu’ils sont couverts dans leur responsabilité. Peu importe si le consommateur est mal protégé. C’est ce qui explique désormais ces fréquents rappels de produits où une habile communication fait croire à une vigilance sévère, là où le consommateur joue à la loterie avec sa santé tous les jours sans le savoir. Enfin, ce certificat ne donne aucune assurance sur la réelle qualité finale des produits qui auront entre-temps été transportés plusieurs fois, que ce soit à Rungis ou en grande surface, stockés, réexpédiés, mis en entrepôt, placés en rayon, manutentionnés, avec de plus en plus d’intermédiaires qui auront prélevé leur marge et augmenté artificiellement les prix, au risque de dégrader un peu plus la sécurité du consommateur, sans aucun contrôle systématique à ce stade.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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