Mais pourquoi Jeff Bezos veut des datacenters dans l’espace ?

Et si l’avenir du stockage de données se jouait au-delà de la stratosphère ? Jeff Bezos, fondateur d’Amazon et de Blue Origin, veut déplacer la puissance informatique dans l’espace. Une idée visionnaire, mais aussi stratégique, alors que la planète peine à alimenter des datacenters toujours plus voraces en énergie.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 6 octobre 2025 6h56
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Mais pourquoi Jeff Bezos veut des datacenters dans l’espace ? - © Economie Matin
4%Les datacenters consomment 4% de l'électricité mondiale.

Le 3 octobre 2025, lors de l’Italian Tech Week à Turin, Jeff Bezos a présenté un projet qui pourrait bouleverser l’industrie numérique : la création de datacenters dans l’espace. Selon lui, cette approche permettrait de résoudre les problèmes énergétiques et environnementaux croissants des infrastructures terrestres. L’espace deviendrait ainsi le nouveau territoire de la technologie, un environnement où l’énergie solaire est disponible en continu.

L’énergie solaire spatiale : une ressource infinie pour les datacenters

L’ancien patron d’Amazon estime que l’espace représente la meilleure source d’énergie possible pour les futurs datacenters. « Ces immenses grappes de calcul seront mieux construites dans l’espace, car nous y disposons d’une énergie solaire 24 heures sur 24. Il n’y a ni nuages, ni pluie, ni intempéries », a déclaré Jeff Bezos lors de l’événement de Turin selon Reuters.

Cette vision repose sur une réalité physique : au-delà de l’atmosphère, les panneaux solaires captent une énergie constante, sans perte liée au cycle jour-nuit. Bezos estime qu’il sera possible de construire ces infrastructures « dans dix à vingt ans », une échéance qu’il juge techniquement crédible. Selon lui, ces installations « permettront de battre le coût des centres terrestres d’ici deux décennies », relaye DataCenterDynamics.

Les calculs d’ingénierie confirment l’ampleur du défi : pour alimenter un seul datacenter spatial de 1 gigawatt, il faudrait environ 3,3 millions de m² de panneaux solaires, pesant plus de 11 000 tonnes, avec un coût de lancement dépassant 25 milliards de dollars, a calculé Tom’s Hardware. Malgré ces chiffres astronomiques, l’investissement pourrait être amorti par l’absence de coûts liés au foncier, au refroidissement et à l’électricité, qui représentent aujourd’hui plus de la moitié du budget d’un centre de données sur Terre.

Une ambition technologique signée Blue Origin et Amazon

Derrière le projet, on retrouve la double expertise de Jeff Bezos : celle d’Amazon Web Services (AWS), premier fournisseur mondial de services cloud, et celle de Blue Origin, sa société spatiale. Blue Origin disposerait déjà des capacités techniques nécessaires, notamment grâce à sa fusée New Glenn, destinée au transport de charges lourdes.

Bezos imagine que ces centres orbitaux fonctionneront en orbite basse, où la latence moyenne serait d’environ 20 à 40 millisecondes ; elle pourrait atteindre 600 millisecondes en orbite géostationnaire. Ces valeurs demeurent acceptables pour certaines applications industrielles et d’intelligence artificielle. Et l’espace offrirait aussi un avantage majeur : le refroidissement naturel par rayonnement thermique, dans un environnement à –270 °C.
Cependant, les ingénieurs soulignent un obstacle important : dissiper plusieurs gigawatts de chaleur dans le vide nécessiterait d’immenses radiateurs spatiaux. La question de la maintenance reste, elle aussi, non résolue — chaque intervention nécessitant des missions orbitales à très haut coût.

Un pari énergétique et environnemental pour l’humanité

Au-delà de la prouesse technique, le fondateur d’Amazon veut répondre à un défi global : la crise énergétique liée à la croissance exponentielle des datacenters terrestres. Ces installations consomment déjà près de 4 % de l’électricité mondiale, selon l’Agence internationale de l’énergie, et leur demande ne cesse d’augmenter avec l’essor de l’intelligence artificielle. Jeff Bezos pense qu’en déplaçant une partie de cette charge vers l’espace, l’humanité pourrait préserver ses ressources naturelles tout en accélérant le progrès technologique.

Cette vision rejoint les propos qu’il tenait déjà en 2019 : selon lui, « la Terre doit être un jardin, et l’industrie lourde doit se déplacer vers l’espace ». Aujourd’hui, cette idée prend forme avec un projet concret : celui de datacenters orbitaux, alimentés par le Soleil, capables de soutenir les infrastructures numériques de la planète tout en réduisant son empreinte énergétique.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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